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Conférence : Frédéric Lordon et Fabien Danesi

 

Le 22 février 2013, la galerie VivoEquidem recevait Frédéric Lordon qui s’est entretenu avec Fabien Danesi lors de la conférence "Les paysages affectifs du capitalisme contemporain".




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41 réactions à cet article    


  • 3 votes
    toug toug 2 mars 2013 20:28

    Il est très bon là. Pédago, clair et concis. Le type a du potasser son Spinoza sérieusement...


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      maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 14:27

      Hé toug , écoute bien entre 31 : 00 et 36 : 00 : c’ est exactement notre débat sur le relativisme des valeurs.Comme par hasard ! smiley


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      toug toug 3 mars 2013 14:42

      Tout à fait. Tu as de très bon arguments chez Spinoza à me rétorquer sur le sujet. Même si il parle de "valeurs suprêmes" également chez lui sans s’appesantir dessus, valeurs qui pourraient peut être aussi me servir d’arguments.


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      maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 16:21

      Je n’ ai jamais lu spinoza. Mais d’ après ce que Lordon dit ici sur les valeurs suprêmes accessible par la connaissance du troisième genre ( non pas la raison analytique et rationnelle mais celle qui permet d’ avoir une plus haute conscience de nous de Dieu et des choses ) , on sort du champs de la rationalité , je me trompe ?Pour lui ces valeurs suprême ne sont pas accessible par la rationalité.Du coups je pense que tu aurais du mal à t’ en servir comme argument.

      En réalité je pense exactement la même chose : 
      - Si on s’ en tient à la rationalité , les valeurs sont relatives et fonction du milieu socio-culturel dans lequel on évolue .
      - Si réellement des valeurs suprême ou absolue existent, il faut une autre voie pour y accéder. En ce qui me concerne , cette voie c’ est la révélation mais je ne sais pas exactement ce que Spinoza entendait par conscience de Dieu ...

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      Gollum Gollum 3 mars 2013 17:06

      A Machiavel : c’est ce que disent toutes les religions, bien comprises, du monde. Les vérités issues de l’intellect, du mental, de la raison, sont des vérités relatives. Elles comportent donc une part cachée de fausseté. La seule Vérité et qui rend libre comme le dit le Christ c’est la vision et communion béatifique et qui apporte une joie et une paix qui n’est pas de ce monde. Celle là est absolue, ne souffre pas d’être mise en doute et elle se vit et ne se démontre pas.


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      maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 17:33

      Je suis d’ accord gollum.

      Puisqu’ on est d’ accord, je vais me faire l’avocat du diable (littéralement) et défendre une opinion qui n’est pas la mienne :

      Et si … c’ est parce que tout est relatif , que la vérité , la justice , le bien , le mal n’ existent pas dans l’ absolu , que des hommes ont crée des dieux pour homogénéiser les valeurs , les affects , les conatus pour créer des collectifs et manipuler les masses afin qu’ elles fassent ce que les théocrates eux considèrent comme le bien ou tout simplement les dominer !!!

      C’est par exemple l’approche de machiavel de la religion recommandant que celui qui institue la religion dans une collectivité manipule les masses pour leurs propres bien :

      Les princes ou les républiques qui veulent se maintenir à l’abri de toute corruption doivent, sur toutes choses, conserver dans toute sa pureté la religion, ses cérémonies et entretenir le respect dû à leur sainteté ; parce qu’il n’y a pas de signe plus assuré de la ruine d’un État que le mépris du culte divin(…).Il n’a jamais, en effet, existé de législateur qui n’ait recours à l’entremise de Dieu pour faire accepter des lois nouvelles, et qui, il faut l’avouer, étaient de nature à n’être point reçues sans ce moyen. Combien de principes utiles dont un sage législateur connaît toute l’importance, et qui ne portent pas avec eux des preuves évidentes qui puissent frapper les autres esprits  ! L’homme habile qui veut faire disparaître la difficulté a recours à Dieu ; ainsi firent Lycurgue, Solon et beaucoup d’autres qui tous tendaient au même but.

      Nicolas Machiavel, discours sur la première décade de Tite live.


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      toug toug 3 mars 2013 17:47

      Effectivement. On a un désaccord sur la méthode. Je ne crois pas au "dépassement de la science" par sa connaissance du troisième genre. Mais sur le fond je valide : Pour lui toute chose s’efforce de « persévérer dans son être » et il s’agit d’en prendre connaissance afin de mieux s’y employer. D’où la question importante de la nature humaine. Qui pour moi et mon monisme méthodologique n’est qu’étudiable de manière scientifique, comme on étudie la biologie, la physique ect... Alors que pour lui le moyen d’y parvenir réside essentiellement dans la raison et dans l’amour de Dieu, c’est-à-dire de la Nature. C’était un vrai mystique Spinoza.


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      Gollum Gollum 3 mars 2013 17:53

      Les religions manipulatrices comme l’a été le christianisme romain insistent toujours sur une chose essentielle : le libre arbitre de l’homme qui implique la culpabilité humaine et donc la possibilité de la coercition. D’autre part elles dégradent les vérités métaphysiques au niveau moral qui permet là aussi l’emprise sur les âmes, d’où les interdits, prescriptions, etc..


      Notons que le Christ précisément s’est toujours battu contre ces prescriptions quand il dit que le Shabbat est fait pour l’homme et non l’inverse.

      On peut aussi noter que si l’Église de Rome a existé c’est que cela était voulu et prévu de toute éternité et que l’on serait donc bien mal avisé de regretter que cela se soit passé ainsi...  smiley

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      maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 19:13

      Sur l’ Eglise romaine on est d’ accord.


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      Walid Haïdar 4 mars 2013 17:22

      En fait Machiavel, au sujet de la source des valeurs suprêmes chez Spinoza, la réponse se trouve dans la vidéo, enfin en tous cas je suis tout à fait d’accord avec la lecture que fait Lordon de Spinoza à ce niveau :

      La valeur suprême pour Spinoza est la Raison, en tant que c’est le seul objet dont je peux jouir sans empêcher un autre d’en jouir, dont la jouissance que j’en tire améliore même les conditions dans lesquelles les autres peuvent en jouir, et que je peux partager de sorte de n’en perdre rien, et même d’y gagner.
      Par exemple, si je sais faire des maths et que ça me rend heureux, ça n’empêche personne d’être heureux, je peux même aider d’autres personnes à faire des maths, en leur expliquant des maths j’améliore directement ma compréhension, au moins un tout petit peu, et à terme les jeunes que j’ai aidé pourront améliorer mes connaissances en produisant de nouveaux théorèmes. Ce n’est qu’un exemple.

      Le troisième genre de connaissance est un concept très difficile que je ne comprend pas autrement que comme l’intuition, la connaissance directe, comme une sorte de communion intégrale entre notre essence et la Nature (ou Dieu si tu préfères l’appeler ainsi), une unité fondamentale ressentie avec la Nature ou la sensation de la Vérité. Comme beaucoup de gens qui ont beaucoup lu Spinoza, j’ai franchement l’impression de ne pas comprendre ce qu’il entendait par là, je n’en ai qu’une idée qui ne me satisfait pas.
      Je ne crois pas qu’on puisse assimiler le troisième genre de connaissance à une valeur suprême, et encore moins qu’on puisse en tirer des valeurs suprêmes, car ce concept est si peu accessible qu’il me paraît assez étranger à la question du vivre ensemble, qui selon-moi fonde celle des valeurs. Autrement dit, une fois qu’on a déjà atteint la béatitude, ou le troisième genre de connaissance, la question des valeurs n’a plus aucun sens, tandis que la raison, qui peut nous aider à composer des valeurs communes est elle au coeur du sujet (même si personnellement je ne cherche pas de valeurs en tant que normes, mais en tant que principes, ce qui fait une grosse différence : l’interdiction de tuer son prochain est une norme, ce n’est pas un principe, donc ce n’est pas une valeur pour moi, même si je la respecte de fait... par le biais de principes plus généraux). Enfin sur ce troisième genre, il n’a aucun rapport avec une révélation quelconque, car la révélation tu l’as eu à travers oui dire, c’est à dire premier genre de connaissance, la preuve : il n’existe aucun chrétien qui n’ai jamais entendu parler de la Bible, personne qui n’a jamais entendu parler du christ ne connaît le Christ. en revanche, et j’insiste là-dessus, on peut très bien être chrétien et accéder à une forme de béatitude, et donc de troisième genre de connaissance (à supposer que cela existe vraiment, ce dont je sais rien), mais à mon sens la béatitude est à des années lumières au dessus du contenu de la Bible, du Coran, des préceptes Bouddhistes et de tout ce qu’on veut.

      Donc pour résumer la question des valeurs chez Spinoza :
      - il n’y a que des rapports de puissances désirantes de telles ou telles valeurs.
      - la dynamique de ces rapports constituent l’histoire des valeurs.
      - la Raison, en tant qu’elle est universelle, qu’on en jouit sans priver les autres et qu’on gagne en la partageant, constitue la valeur suprême, notre meilleur dénominateur commun.
      - le troisième genre de connaissance ou béatitude est encore au delà de tout cela, et s’inscrit dans une démarche mystique plus qu’anthropologique.

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      maQiavel machiavel1983 6 mars 2013 12:52

      Merci pour ta contribution walid. Finalement cette connaissance du troisième genre est assez floue mais en tous cas j’ ai envie à présent de lire Spinoza.


    • 2 votes
      Éric Guéguen Éric Guéguen 2 mars 2013 20:49

      J’écouterai cette vidéo dès que possible, merci.
      Connaissant à présent Lordon, je pense qu’il sera question du conatus de Spinoza. Il faudra un jour que l’on fasse autant de "pub" au hermè des Stoïciens. Spinoza en a repris le principe et l’a traduit du grec au latin. Mais le stoïcisme est plus austère, moins rock’n’roll...


      • 2 votes
        Gollum Gollum 3 mars 2013 09:50

        Intéressant. On reste toutefois sur sa faim car le plus intéressant de Spinoza est à peine évoqué.


        Spinoza est un destructeur d’évidences, notamment la plus importante de toutes, celle du libre-arbitre, qui sera d’ailleurs récupéré par Nietzsche. Mais les cathares ont été des précurseurs puisque eux aussi étaient contre ce libre-arbitre. On peut dire à cet égard que l’insistance des Églises chrétiennes sur ce libre-arbitre a fait le jeu de la philosophie des Lumières et de la montée en puissance de l’égotisme contemporain et donc des égoïsmes..

        Spinoza est une sorte de bouddhiste occidental. Sa démarche consiste à se libérer des passions dans un exercice de lucidité typiquement bouddhiste (et disons oriental parce que c’est la même chose en hindouisme) : Une passion cesse d’être une passion quand je pose le regard dessus..

        Qu’est-ce qui reste quand toutes les passions cessent ainsi d’être des passions ?

        On aurait aimé que Lordon nous donne les vues de Spinoza là dessus.

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          Gollum Gollum 3 mars 2013 17:08

          Merci de vote appréciation mais je décline l’invitation. J’ai déjà le plus grand mal à trouver du temps pour participer à Avox. Et l’envie me fait défaut aussi. Je vous laisse donc le soin de rédiger ce texte. Cordialement.


        • 2 votes
          maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 13:25

          - l"Les hommes se trompent quand ils se croient libre, opinion qui consiste en cela seul qu’ils sont conscient de leurs actes et ignorants des causes qui les déterminent. La servitude est notre condition humaine inexpiable".

              Intéressant. Ce matin justement , je me disais que je ne comprenais pas ce que la notion de liberté signifiait exactement. 

              Pas encore terminé la conférence mais c’ est passionnant merci à portalis pour le partage. 

              P.S : Je crois que le thème de la conférence aurait été plus approprié comme titre.


          • vote
            maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 17:05

            Ait enfin terminé cette excellente conférence que j’ai débuté il y’ a ... plus de sept heures smiley mais je fais mille choses à la fois.

            J’ai jamais lu Spinoza, ni même envisagé de le lire mais cette conférence m’en a donné envie. Cette conférence m’ a passionné je crois parce que précisément je n’ ai rien appris que je ne savais déjà , elle recoupe des éléments que j’ avais compris ( intuitivement ou par d’ autres lectures notamment Marx ) du coups je l’ ai trouvé  rassurante !

            - Sur la question du capitalisme, selon lui à l’aune de sa relecture de Spinoza, la force motrice derrière les comportements des détenteurs du capital ont plus avoir avec la puissance qu’avec la maximisation du profit (les détenteurs du capital étant capable d’y renoncer pour le pouvoir). Donc selon lui le fétichisme du pouvoir est supérieur à celui de la marchandise si on utilise la dialectique marxienne (il en est l’expression économique et financière ).Je crois que c’est encore plus compliqué, je ne sais pas qui est le contenu et qui est le contenant entre ces deux fétichismes mais ce qui est sur c’ est que les deux se superposent , interagissent , s’ imbriquent de façon tellement complexe qu’ il faut se poser la question de la pertinence de la séparation de ces deux concepts.

            - Sur ce que Spinoza appelle connaissance troisième genre, est ce qu’elle permet de maîtriser voir de se libérer de ses passions ou pour lui cela est impossible ?Je crois me rappeler vaguement que des philosophes anciens ( Platon , Aristote , les épicuriens , les stoïciens ) préconisaient des modes de vie assurant la tranquillité de l’ âme. Pour ce qui est du christianisme  les passions (les désirs de la chair) sont radicalement opposées au désir de l’esprit (donc la spiritualité). Pus on est spirituel, moins on est charnel.



            • vote
              Gollum Gollum 3 mars 2013 17:12

              Les désirs de l’esprit sont aussi des désirs et doivent donc, à terme, être bannis aussi, même s’ils sont plus haut que les autres. La vie la plus haute est sans désir. C’est ce que proclame le christianisme (Avec cette eau que je te donnerai tu n’aura plus jamais soif..), le bouddhisme, et toutes les autres..


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              Éric Guéguen Éric Guéguen 3 mars 2013 17:42

              Ah, Machiavel, nous en avions déjà parlé de Spinoza, précisément lors d’une autre intervention de Lordon, isn’t it  ? Mais il faut d’abord que vous lisiez l’Éthique... à Nicomaque.


            • vote
              maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 17:48

              Oui, je connais votre opinion là dessus mais je ne suis pas d’ accord. Sur le verset que vous citez ,on a pas du tout la même interprétation :ce verset signifie , que justement , l’ orientation des désirs vers l’ esprit font disparaître les désirs de la chair. En buvant l’ eau de vie qui est spirituelle , on étanche une soif charnelle qui était jusqu’ alors insatiable.

              Il me parait clair que les désirs de l’ esprit ne doivent pas être limité : Aspirez aussi aux dons spirituels ( …) puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l’édification de l’Église que vous cherchiez à en posséder abondamment. ( 1 Corinthiens 14:12 ).

            • vote
              Gollum Gollum 3 mars 2013 18:02

              C’est très curieux que vous persistez à mal me lire. Je ne nie pas les désirs spirituels. Désirez les si vous le voulez. Je conçois bien que cela puisse être un tremplin. Il n’en reste pas moins qu’à terme, in fine, il ne peut plus y avoir de désir sinon on reste dans le relatif. 


              C’est d’ailleurs le défaut persistant des christianismes officiels que de toujours vouloir maintenir à tout prix une distance entre Dieu et l’homme de façon que celui-ci soit en perpétuel désir de Dieu. Il est bien évident que pour moi cela est régressif et ne cadre pas avec la parole du Christ qui implique que l’on n’aura plus jamais soif. Ce qui implique la non distinction d’entre Dieu et l’homme et Eckhart le voit bien ainsi, puisqu’il dit que dans la déité il n’y a plus de distinction.

            • vote
              Gollum Gollum 3 mars 2013 18:04

              Je rajoute que dans ce cas le christianisme rejoint le bouddhisme, raison pour laquelle Maître Eckhart est si prisé en Orient.


            • vote
              maQiavel machiavel1983 3 mars 2013 18:49

              @Gollum

              Je pense vous avoir bien lu. Je dis bien que je suis en désaccord avec vous sur le fait qu’ il ne puisse plus y avoir de désir de l’ esprit.

              Et sur le désir de Dieu effectivement il est insatiable , Dieu lui même étant infini. Ne plus avoir soif concerne la matière et non l’ esprit. 

              Ce qui distingue l’ homme de Dieu c’ est la chair , ce qui l’ unit à Dieu c’ est l’ esprit. C’ est bien ce que je dis : on est en désaccord là dessus.

              @Eric Guegeun

              Oui je compte à présent le lire. Sinon ma question : ce que Spinoza appelle connaissance troisième genre, est ce qu’elle permet de maîtriser voir de se libérer de ses passions ou pour lui cela est impossible ?Je crois me rappeler vaguement que des philosophes anciens ( Platon , Aristote , les épicuriens , les stoïciens ) préconisaient des modes de vie assurant la tranquillité de l’ âme.


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              Éric Guéguen Éric Guéguen 3 mars 2013 19:44

              L’expression "connaissance de troisième genre" ne me parle pas du tout. Il est bien question d’une communauté d’esprit, de savants, chez Spinoza, mais je ne peux pas vous répondre.
              Je dois déjà regarder la vidéo demain, et j’ai le gros bouquin d’Alexandre Matheron sur Spinoza à lire dans les mois à venir. Matheron est la référence, la grille de lecture de Lordon en matière d’études spinozistes. Matheron était militant communiste.


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              franck2012* 3 mars 2013 17:25

              Alors en économie je ne sais pas, puisque Lordon n’est pour l’instant que dans la théorie, et le présage ....
              En philosophie, il est clair qu’il est aussi peu, ou autant crédible que d’autres ...
              Mais alors en tricotage de pull, sa grand-mère est juste pas douée pour l’habiller *
              Faites excuses mais il y a des limites .... smiley


              • vote
                Éric Guéguen Éric Guéguen 3 mars 2013 18:39

                Lisez L’intérêt souverain, vous verrez, il se défend bien.


                • 1 vote
                  logan2 4 mars 2013 10:07

                  Lordon passe un peu rapidement sur la légitimité.

                  La notion d’accord que les philosophes politiques relient à la légitimité n’est pas le résultat d’un scrutin comme il semble le penser, mais le scrutin lui même. On s’accorde en effet pour résoudre nos conflits politiques par un scrutin.

                  Et la légitimité ne découle pas effectivement pas du nombre de votes ( on peut très bien accorder la légitimité à une majorité qualifiée, absolue ou relative), mais de plusieurs choses :
                  1) l’accord entre tous pour se départager en procédant à un scrutin et sur les modalités du scrutin
                  2) l’honnêteté et l’équité du scrutin ( si quelqu’un triche on refuse de lui accorder la légitimité, on pourrait aussi se poser des questions sur la qualité des débats qui précèdent les scrutins, personnellement je pense qu’ils font partie du scrutin lui-même )
                  3) l’assentiment accordé par les perdants du scrutin aux gagnants pour appliquer leur volonté ( des groupes de citoyens peuvent très bien refuser d’accorder leur assentiment, par exemple si c’est un groupe qui défend des idées qu’ils n’accepteront jamais d’appliquer, même s’il faut se mettre hors la loi )
                  4) les contre pouvoirs accordés aux perdants pour contrôler ce que vont faire les gagnants du scrutin ( et il se peut dans ce cas que pour chaque volonté particulière du gouvernement, ceux qui s’y opposent soient plus nombreux et puissent donc l’empêcher d’appliquer sa volonté ). La légitimité n’est donc pas un chèque en blanc, elle se mérite pour chaque décision.


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                    Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 11:03

                    A y est, j’ai écouté : émission merveilleuse, merci à l’initiateur de cette mise en ligne.
                    Mais comme elle et dans le prolongement de celle mise à l’honneur (du même Lordon) début décembre, je me permets de remettre mon commentaire de l’époque, auquel je ne changerais pas une ligne, le voici donc :
                    ----------

                    L’intérêt et les limites de s’en remettre à Spinoza :
                    ----
                    J’ai pu remarquer, ces dernières années, une scission de plus en plus prononcée au sein de la modernité. J’appelle grosso modo modernité tout ce qui a été hérité politiquement à partir de la lente sortie du Moyen Âge. Tous les modernes sont in-di-vi-du-a-listes. Tous… ou presque. L’un d’entre vous pourra infirmer ce que je dis – et je serais heureux d’être détrompé le cas échéant – mais à part Spinoza, précisément, et, sur certains points, Rousseau et Hegel, je n’ai rencontré QUE des individualistes. C’est-à-dire, grossièrement, des penseurs attachés au mythe originel d’un état de déliaison, d’individus ayant fait le libre choix d’un état de vie sociale, par contrat synallagmatique, susceptible d’être rompu par la seule volonté de chacun des contractants. Et ceci, ce libre arbitre échevelé est à la base de l’empire du droit en politique, de la lente soumission du Bien commun à la satisfaction des « caprices ». Autrement dit, de la conciliation des arbitraires, du règne individualiste. Je l’ai déjà dit en maintes occasions : les libéraux ET les socialistes sont l’avers et l’envers d’une même pièce, celle qui fait droit avant toutes choses à l’individu, Marx inclus bien sûr.

                    Cependant, depuis quelques années, un certain nombre d’acteurs en sciences humaines se rendent compte de l’impasse dans laquelle mène l’individualisme. Alors que les libéraux assument celui-ci totalement, avec l’égoïsme qui lui est consubstantiel, les « socialistes » (pour faire simple), eux, ne supportent plus les inégalités évidentes que cela engendre. Il leur faut donc se déprendre de leur a priori contre le passé, contre les penseurs du tout face aux parties, voire contre… l’Antiquité esclavagiste ! C’est ainsi qu’un Polanyi, à la suite de Mauss et de Malinovski, fait retour vers les sociétés primitives et le bon vieux temps communautaire, qu’un Rawls déterre et adapte Aristote pour le remettre au goût du jour (quitte à le trahir) et que le courant anti-utilitariste, en France, investit quant à lui la pensée qui lui semble la plus propice à une reconquête de sens sans avoir à tout abandonner des bienfaits de la modernité : le MAUSS, Alain Caillé, Serge Latouche, Frédéric Lordon, Christian Lazzeri ou encore Jean-Claude Michéa. Et parmi les grands penseurs politiques de l’ère moderne, quel est celui capable de penser nos incohérences tout en restant moderne ? SPINOZA.

                    Comme tous les modernes, Spinoza est un grand lecteur des penseurs de l’Antiquité, et comme tous les modernes, la plupart du temps, il les méprise. Il y a, malgré tout, quelques points de rencontre majeurs entre lui et les Anciens, et en particulier le fait que, pour Spinoza, l’homme ne se conçoit pas sans son rapport à autrui. Cette sociabilité lui est imposée et ne dépend nullement de son libre arbitre. Spinoza est donc un penseur du déterminisme… comme Aristote. Il est intéressant dans la mesure où il n’est ni contractualiste, ni penseur du marché comme moteur politique antédiluvien. Mais contrairement à Aristote, Spinoza n’est pas finaliste. Pour lui, l’homme n’est pas une matière en puissance ne demandant qu’à parachever son être par une actualisation politique (Aristote), mais un être déterminé à vivre socialement sous le rapport de ses affects, eux-mêmes manifestations de sa propension à se servir de sa puissance, le fameux conatus (qui va au moins finir par être à la mode). Par conséquent, Spinoza s’accorde avec Aristote pour dire que l’homme est bridé en amont (déterminé), mais il s’en détache lorsque le Grec prétend que l’homme est aussi bridé en aval (finalisé). Pour Spinoza, nulle fin prescrite, d’où son mépris affiché pour Aristote ou pour les Stoïciens.

                    Cependant, si vous êtes allé au bout de la vidéo, vous vous êtes aperçu que Frédéric Lordon insistait sur le besoin de sens commun, de « ré-commune » (ou « ré-communisme », etc.), ce en quoi il a parfaitement raison. Voilà, à mes yeux, un souci digne d’un véritable philosophe politique. Mais l’écueil est celui-ci : qu’est-ce que ce nœud commun, si ce n’est l’ancien Bien commun des Anciens qu’on nous ressert aujourd’hui à la sauce moderne ? Je veux dire par là que songer au dessein commun, c’est raisonner en termes de fin, c’est donc être, ou redevenir finalistes, ce qui est i-né-vi-ta-ble, et, par-dessus le marché, rétablir une certaine hiérarchie des actions. Ceci n’oblitère en rien le besoin de fins particulières, propres à chacun, mais insiste sur le besoin impératif de placer une fin commune au-dessus de celles-ci. Or, Spinoza ne le permet pas !!! En revanche, Aristote s’y conforme à la perfection. Autrement dit, il m’est avis que d’ici quelques années, Frédéric Lordon risque de revenir dans la même émission, en nous disant « Attendez, j’ai trouvé encore mieux que Spinoza… j’ai trouvé un type chez les Grecs qui répondait au nom d’Aristote et qui a pensé tout ça avant nous, c’est génial ! » Ce d’autant plus que, si Marx (auteur inévitable, au passage, pour fédérer préalablement le landerneau de la sociologie à ses projets) cite abondamment Spinoza, il en fait de même avec Aristote.

                    Ce jour-là, je vous le dis, certains finiront bien par laisser choir leurs a priori modernes, pour voir en quoi Aristote sera toujours d’une brûlante actualité. Sur ce, bon dimanche, merci encore pour ce précieux lien… et bravo pour ceux qui entreprennent de lire Spinoza, penseur majeur et surtout le plus conséquent de tous les penseurs modernes (c’est en tout cas mon humble point de vue).
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                    EG
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                    Addendum du jour  :
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                    Ce que Lordon désigne par "connaissance du 3e type" renvoie en fait à la hiérarchisation des aptitudes à la connaissances, ce qui n’est tenable QUE dans un monde prenant également en compte le déterminisme naturel (tant pis pour Lordon), et QUE dans une optique finaliste de la communauté des hommes (tant pis pour Spinoza lui-même).
                    J’entands par déterminisme naturel ce que Lordon désigne, suivant Spinoza, par Ingenium... et qu’Aristote appelle Dunamis. De même, lorsque Spinoza parle de Conatus, celui-ci correspond en fait à l’Hermè des stoïciens. Spinoza est en somme un formidable compilateur de la puissance de la philosophie politique antique.
                    Dernière chose :
                    Heureux que Lordon parle et reparle d’Alexandre Matheron. Comme je le disais plus haut, plus encore que Spinoza, Matheron (l’un des 3 grands commentateurs français de Spinoza) est LA bible du moment pour tous les ennemis déclarés du capitalisme (Lordon inclus, et c’en est même le représentant le plus brillant je trouve).


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                      maQiavel machiavel1983 4 mars 2013 12:10
                      Désolé de vous importuner encore une fois Eric Gueguen , mais votre commentaire très intéressant et très pédagogique soulève néanmoins certaines interrogations chez moi : 
                      1. Ce que Lordon désigne par "connaissance du 3e type" renvoie en fait à la hiérarchisation des aptitudes à la connaissances, ce qui n’est tenable QUE dans un monde prenant également en compte le déterminisme naturel (tant pis pour Lordon)...
                      R /Pourquoi tan pis pour Lordon ? 
                      2. Cependant, depuis quelques années, un certain nombre d’acteurs en sciences humaines se rendent compte de l’impasse dans laquelle mène l’individualisme(...).C’est ainsi qu’un Polanyi, à la suite de Mauss et de Malinovski, fait retour vers les sociétés primitives et le bon vieux temps communautaire
                      R / C’ est également le cas de Marx avant eux. D’ ou ma question : est ce que vous pensez réellement que Marx était individualiste ? Attention je parle pas de ceux qui se revendiquent de Marx sans l’ avoir lu ,ni même du jeune Marx , mais de Marx en fin de vie ...
                      3. Sur le finalisme
                      Je comprends beaucoup mieux votre conception de finalité commune.
                      a. Est elle lié à ce que vous appelez "bien commun" ? 
                      b. Est ce que Aristote est vraiment à l’ origine du finalisme ? Parce que comme vous décrivez le finalisme, en y gardant de près, les religions sont finalistes , je me trompe ? Du coups , quand vous dites " Frédéric Lordon risque de revenir dans la même émission, en nous disant « Attendez, j’ai trouvé encore mieux que Spinoza… j’ai trouvé un type chez les Grecs qui répondait au nom d’Aristote "est ce que quelques années plus tard il ne reviendra pas encore une fois pour dire " Attendez, j’ai trouvé encore mieux qu’ Aristote et c’ est la religion " ?
                       

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                      Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 12:24

                      Fondamental ce que vous me demandez... je vais manger et je vous réponds en début d’après-midi.
                      Bon ap’.


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                      Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 14:15

                      Me revoilà donc...
                      Je tenterais de vous répondre comme suit :
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                      1. "Tant pis pour Lordon" car son dessein est de réintroduire dans nos schémas de pensée la force du déterminisme. Ce qui est tout à son honneur. Pourquoi fait-il ça ? Pour contrer le "fatalisme" et le volontarisme des libéraux qui viennent nous dire, en quelque sorte, que les pauvres sont pauvres parce qu’ils ne font pas les bons choix personnels, et les riches le sont parce qu’ils se démerdent mieux que la moyenne. Or, qu’il s’agisse d’un riche ou d’un pauvre, tout ne dépend pas de la simple volonté des individus. Les libéraux ont le tort de se croire totalement "libres". Je loue leur amour de la liberté, mais la vraie liberté consiste à savoir ce qui ressortit à nous dans nos choix, et ce qui est motivé par nos rapports sociaux... ET notre nature propre. Et c’est précisément ça qu’oublie de mentionner Lordon (à dessein ?).
                      En gros, et pour résumer, il invoque le déterminisme social pour couper l’herbe sous le pied du capitalisme, mais ne dit rien ou pas grand chose du déterminisme naturel (il l’évoque juste en évoquant l’idiosyncrasie). Pourquoi ? Parce que le déterminisme social, on peut lutter contre (et au passage pointer du doigt des méchants), le déterminisme naturel, on ne peut rien contre, que l’on soit libéral ou socialiste, il faut l’assumer et on ne peut en incriminer personne, c’est donc un mauvais allié. smiley
                      -----------
                      2. Marx s’est en effet intéressé à l’Antiquité, vous avez raison. Mais il demeure à mes yeux un individualiste (lire à ce sujet Essai sur l’individualisme, de Louis Dumont). Car s’il invoque bien le commun, le social, la force des unions, c’est uniquement contre les "affreux", pour le bien des humbles... in-di-vi-du-el-le-ment. Ce qui l’intéresse, c’est d’obtenir pour les dominés (ceux qu’il prétend tels du moins) l’égalité EN TANT QU’INDIVIDUS face aux dominants. Le commun est simplement un moyen d’obtenir cette égalité dans les faits. L’individu demeure l’alpha et l’omega de sa vision politique, aussi surprenant que cela puisse paraître.
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                      3. Finalité et bien commun sont indissociables, bien entendu. Et voilà bien une impasse dans laquelle s’est engouffrée Spinoza : il souhaitait (Lordon le dit très bien) que les êtres s’accordent et finissent par emprunter tous le même chemin... Mais comment demander aux uns et aux autres d’emprunter un tel chemin s’ils ne savent pas ce qu’il y a au bout ???
                      Nietzsche a toujours dit qu’il voyait en Spinoza un précurseur. Tous deux avaient cette même aversion pour la morale religieuse, chrétienne en particulier, et c’est précisément - je crois - de cette aversion qu’est venue à Spinoza sa défiance de toute idée de finalité. Du coup, c’est Aristote lui-même qui s’en est trouvé incriminé, mais ce dernier n’est pas à l’origine du concept de causalité. On peut au moins citer Platon comme devancier, peut-être même Anaxagore, Parménide ou Pythagore, il faudrait creuser.
                      Enfin, il faut savoir que les Grecs à ne pas croire en les dieux étaient bien peu nombreux, mais Aristote n’a pas eu besoin d’eux pour parler de l’âme, de la physique ou de l’éthique. À la rigueur - et on en a déjà parlé - peut-être que le point d’achoppement d’un retour aux Anciens pourrait être que de nos jours, nombreux sont ceux qui ne croient plus en l’existence de l’âme, vecteur de transcendance (mais attention, pas nécessairement divine). Les anciens croyaient tous en l’existence de l’âme, même Aristote qui la voit mortelle, même Démocrite ou Épicure qui la voient matérielle. De même que Descartes, Kant et, qui sait... Nietzsche lui-même ? smiley


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                      maQiavel machiavel1983 4 mars 2013 15:45

                      1. Je comprend. Mais il parle bien de" Ingenium " ce que vous dites qu’ Aristote appelle Dunamis n’ est ce pas ?

                      Mais perfide personnage que vous êtes smiley , je vous soupçonne de soupçonner Lordon de ne pas vouloir remettre en cause la notion d’ égalité ai je tord ?
                      2. Sur Marx , je comprends très bien ce que vous dites , et votre thèse ne me surprends pas. mais je pense que vous avez tord. Pour Marx ( le vieux , pas celui du manifeste )l’ être ne se révèle que dans certaines conditions et parmi ces conditions il y’ a le dépassement de la servitude à la marchandise. Marx ne voulait pas d’ une société égalitaire , mais que les hommes dépassent la société pour renouer avec la vie radicale des temps primitif .
                      3. D’ accord , je comprends votre explication. Mais je vais vous provoquer : peut être au fond qu’ Aristote est le premier moderne dans ce sens qu’ il n’ a pas recouru aux dieux pour parler de l’ âme et de l’ éthique. Peut être fait il parti des premiers à avoir introduit le vers dans le fruit ...
                      Je constate que vous êtes très prudent avec la transcendance divine , la vraie question est : peut il exister des transcendances qui ne le soient pas ( ou du moins que les hommes considèrent comme tel ) ?

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                      Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 16:10

                      Rapidement (désolé) :
                      1. Exact. L’égalité est LE culte en vigueur. c’est au travers de cette valeur que tout se conjugue. La remettre en question, c’est tomber dans le camp du mal.
                      Or, tout le monde sait au fond que l’égalité n’est que formelle, et que la nature se contrefout de l’égalité. La nature veille à l’harmonie, à l’homéostasie de l’écosystème. L’égalité n’en est tout au plus qu’un moment, qu’un accident.
                      2. Pas d’accord sur Marx. Il n’était pas un apôtre du Dieu-Égalité, certes, mais il n’empêche qu’il n’était pas question pour lui de finalité commune, simplement de confort partagé, fût-ce en vue d’avoir accès, par la suite, à la quête de la connaissance (elle aussi individuelle). Lisez Dumont, il ne vous convaincra peut-être pas mais vous verrez, c’est passionnant (et assez vite lu).
                      3. Il faut se rappeler qu’Aristote n’a aucune notion des monothéismes que l’on connaît et que l’on a en tête lorsque l’on parle de religions. La notion de progrès, qui découle notamment d’un cheminement entre la Chute et l’accès au Paradis, est totalement anachronique dans l’Antiquité grecque. Il ne faut pas analyser Aristote en fonction de nos religions, tout simplement. Ce même si des représentants des trois monothéismes ont tenté d’accorder leur culte avec les penseurs païens (Platon et son disciple notamment).
                      D’où cette certitude qui est la mienne : même si de tout temps il y a eu des religions, on ne peut pas réduire la transcendance à du divin. La nation, par exemple, est un élément transcendant, pourtant typiquement laïc.


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                      Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 17:10

                      Ah j’oubliais... Il semblerait en effet que l’Ingenium soit l’équivalent de la Dunamis chez Aristote, c’est-à-dire la capacité native en gros.


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                        maQiavel machiavel1983 4 mars 2013 17:56

                        1. Vous savez sur l’ égalité je suis d’ accord avec vous. Vous me demanderez peut être pourquoi je suis en faveur de la démocratie ( donc de l’ égalité politique ) et de l’ égalité matérielle , c’ est tout simplement parce que c’ est selon moi un moindre mal , les puissants abusant des plus faibles.

                        2. Sur Marx je suis en désaccord. Je n’ ai pas lu Dumont mais j’ ai lu Marx presque entièrement ( bien que de nombreux points ne me semblent pas très clair ) mais je sais que ceux qui commentent Marx ne l’ont pour la plupart jamais lu ou alors très mal.
                        3. Sur les monothéismes je sais , ce n’ est pas à celà que je fais allusion. Ce que je veux dire c’ est que la religion est le lieu de l’extériorité et que les collectifs humains ont besoin de se doter d’un lieu de l’extériorité pour instituer le surmoi collectif.et sa finalité.
                        C’ est pourquoi je dis pour vous taquiner que parler de transcendance sans divin , c’ est le vers moderne dans le fruit.
                        La nation est un élément transcandant laïc mais justement c’ est qu’ explique ici Vincent Peillon : La révolution française a échoué, la deuxième république a échoué. Les républicains se demandent pourquoi le modèle républicain échoue et se disent que : « l’Eglise catholique détient le pouvoir spirituel et un formidable pouvoir d’opinion et de conscience (..). Les autres pays ont réussi leur révolution (en Amérique, en Angleterre, au pays bas) parce qu’ils avaient la religion protestante (...).Il faut donc que nous inventions pour établir la république une spiritualité voir une religion (…).C’ est à dire que la république pour s’établir a besoin de sa propre religion qu’ils vont appeler la laïcité  ».

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                        Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 18:01

                        "Ce que je veux dire c’ est que la religion est le lieu de l’extériorité et que les collectifs humains ont besoin de se doter d’un lieu de l’extériorité pour instituer le surmoi collectif.et sa finalité."
                        => On est bien d’accord là-dessus.


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                        Éric Guéguen Éric Guéguen 4 mars 2013 22:57

                        Dernière chose avant d’éteindre : j’ai exagéré le détachement d’Aristote à l’égard du divin. Mais son divin ne correspond à rien de ce que l’on connaît de nos jours, c’est ce que je voulais dire.


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                        Walid Haïdar 5 mars 2013 10:47

                        J’ai lu votre discussion avec intérêt. Il me semble qu’il y a un malentendu très dommageable dans la lecture que vous faites de Spinoza, Guéguen.


                        Vous dites "songer au dessein commun, c’est raisonner en termes de fin" et faites valoir que Spinoza "souhaitait que les hommes s’accordent et finissent par emprunter le même chemin". Vous en déduisez une aporie dans le refus de Spinoza d’intégrer "vraiment" une finalité à sa pensée, insuffisance théorique que vous pensez induite par le dégoût qu’éprouvait Spinoza pour la morale religieuse.

                        Mais il faut bien distinguer plusieurs choses :
                        - Spinoza affirme qu’il n’y a pas de finalité dans la Nature. En fait, le concept de finalité Naturelle ou Divine, n’a à proprement parler aucun sens dans le système Spinoziste, par construction. Toute personne qui a lu l’Ethique le comprend facilement.
                        - En revanche, Spinoza expose dans son Traité politique (inachevé malheureusement) sa proposition pour la société des hommes, qui découle des principes élaborés dans son Ethique, principes qui découlent "géométriquement" d’une série d’axiomes et de définitions, assez restreinte. Par exemple, il déduit dans son Éthique, que rien n’est plus précieux à un homme qu’un homme raisonnable, et il en tire que nous avons tous en tant qu’êtres humains, intérêt à ce qu’il y ait moins de cons, par conséquent un désir supérieur est celui que les hommes soient plus instruits et sachent raisonner, ce qui constitue par suite un principe politique : le plus grand nombre doit avoir accès à la connaissance, et jouir des conditions permettant de raisonner plus sereinement.
                        Vous pouvez objecter : "au contraire, nous avons intérêt à ce que le plus de gens possible soient stupides, pour pouvoir les manipuler". En fait, Spinoza déduis dans son Éthique que la jouissance qui découle de la manipulation est une passion triste, autrement dit que cela répond d’un désir bas de gamme : attention, ce n’est pas chez lui un jugement de valeur a priori, mais une pure conséquence d’axiomes et définitions bien plus généraux.
                        Au fond, ce qu’il faut retenir sur cette question c’est que la hiérarchie des valeurs désirables pour Spinoza :
                        - d’une part, découle logiquement de son système d’axiomes et de définitions, et n’est pas à sa source.
                        - d’autre part valent pour l’homme en tant qu’être de désir, mais pas pour la Nature. C’est la particularité de l’homme qui selon Spinoza appelle les principes et le système politique que ce philosophe propose.

                        Par exemple sur le principe d’égalité que vous discutez, il s’agit d’un principe qu’il déduit dans son Ethique et au delà, encore qu’il faille bien s’entendre sur ce principe. Spinoza ne prétend nullement (et je crois qu’en fait strictement personne ne le prétend) qu’on puisse trouver deux hommes égaux au sens mathématique, et encore moins que la Nature soit "attachée au principe d’égalité". Cela n’a que peu de sens, mais c’est très pratique pour dénigrer le principe d’égalité. Le principe d’égalité chez Spinoza peut se trouver à plusieurs niveaux :
                        - égalité des hommes en tant qu’êtres de désir qui agissent dans la mesure de leur puissance. C’est la une égalité de principe d’action chez les uns et les autres, ou une égalité "de nature" si vous préférez.
                        - égalité politique : la démocratie est le meilleur système possible pour la société des hommes. C’est la thèse de Spinoza, suite logique des principes déduis dans l’Éthique. Cela ne veut absolument pas dire que la Nature entière devrait être une démocratie, ou encore que la Nature est démocratique. Cela veut simplement dire que, de même que chaque espèce de fourmis s’est conformée à un type d’organisation sociale qui découle de leur nature propre, l’homme a tout intérêt à trouver et se conformer au système qui lui convient le mieux. Certes, les fourmis n’ont pas choisi leur système en réfléchissant, mais par le jeu de l’évolution et de l’expérience s’y inscrivant. Mais l’homme choisit-il son système politique uniquement en réfléchissant ? Bien au contraire, la matrice historique des hommes est la lutte/composition de leurs désirs respectifs (en tant qu’individus, mais aussi et surtout en tant que communautés), lutte/composition dans laquelle, à la différence des fourmis, s’exprime entre autres la pensée rationnelle, come celle d’un Spinoza par exemple, ou de tout autre penseur politique.

                        Au sujet de l’individu enfin, pour ce qui est de Spinoza, il dit des choses très simples : l’homme est un être de désir, très attaché à l’affirmation de sa propre puissance, mais c’est aussi un être social, au point qu’il ne peut survivre qu’en tant qu’être social (certains ont l’illusion du contraire en occultant tout ce dont ils bénéficient/ont bénéficié de la part de la société et de l’histoire commune des hommes, mais ce n’est qu’une illusion). Ce n’est donc pas un individualiste, juste un réaliste.

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                        Éric Guéguen Éric Guéguen 5 mars 2013 12:40

                        Bonjour à vous et merci pour ces précisions importantes.
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                        Je vais m’employer à dissiper le « malentendu dommageable » dont vous faites état. Pour tout dire, je ne m’en tiens pas à une lecture « sèche » de Spinoza, mais à une mise en perspective de l’apport spinoziste en philosophie politique ainsi qu’à une interrogation quant aux motivations qui conduisent aujourd’hui beaucoup d’acteurs en sciences sociales à remettre Spinoza à l’honneur (et c’est tant mieux, cela dit).
                        De ce fait, je focalise mon attention sur ce que dit Spinoza de la nature (et de l’état de nature), des points communs et des divergences entre les êtres, et du problème politique majeur – à mes yeux – à travers l’histoire : la conciliation de l’un et du multiple, de l’individu et de la « société ».
                        ------
                        En quelques mots, ma thèse est la suivante : le devenir politique de l’Occident a vu émerger lentement l’individu. Cette résolution de la matrice originelle a eu quantité d’avantages qui nous sont devenus évidents avec le temps, mais aussi quelques inconvénients, trop longtemps négligés et qui nous reviennent aujourd’hui en plein visage. Les êtres déliés se sont mis à se comparer, à s’évaluer individuellement, sans aucune autre référence que leurs fins particulières, et l’égalité est devenue un mot d’ordre. La démocratie moderne s’est cristallisée autour de ses revendications qui, pour légitimes qu’elles étaient, ont aussi contribué à faire progressivement disparaître la politique au profit de l’économie, et en particulier du capitalisme. Ainsi notre régime représentatif a-t-il été conçu, non comme un pouvoir, mais comme un contre-pouvoir, comme le droit de se détacher de la politique sans subir de fâcheux retours de bâton. Atomisation dans un premier temps, relativisme dans un second temps, et, par voie de conséquence, la démocratie de masse devient un problème dans la mesure elle ne reconnaît que l’autorité des majorités… exactement comme le marché, d’où l’impuissance de nos hommes et femmes politiques. Autrement dit, nous sommes maintenant dans une situation paradoxale où la démocratie se défie du capitalisme et prétend le (re-)mettre au pas munie de sa seule arme : le nombre. Or, de quoi se repaît chaque jour davantage le capitalisme ? Précisément du nombre, indistinctement. Le régime représentatif actuel n’est pas la trahison des aspirations démocrates, c’en est en fait la lente agonie programmée.
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                        Qu’est-ce qu’a à voir Spinoza dans tout ça ? C’est assez simple. Eu égard à ce que l’École de Salamanque a développé comme l’ « état de nature » moderne, l’homme est un atome délié originellement, libre et égal à tout autre. Vous m’objecterez à votre tour que cette égalité n’est que formelle, tout comme cette idée de « contrat social originel », mais nos concitoyens y croient malheureusement dur comme fer, au pied de la lettre. Quelles alternatives a-t-on aux apories du contractualisme (Hobbes-Locke-Rousseau-Kant-Rawls) ? La théorie du marché natif (libéraux et utilitaristes)… pas évident de se saisir de ça pour contrer Hayek et son Homo Mercator à l’état de nature. Quid alors ? Les Anciens ? Non, car il nous faut rester modernes, assumer la rupture brutale d’avec la nature qui a permis à l’individu d’émerger (individu qui doit rester le point focal de la pensée politique) et l’on ne peut faire droit aux déterminismes naturels (injustes car vecteurs d’inégalités) que les Grecs ont mis au jour. Donc non. En revanche, il y a un penseur qui n’a pas misé sur le marché, et qui a récusé dans son Traité politique l’idée aporétique d’un contrat social et qui, il faut bien le dire, a bien peu d’égards pour les Grecs qu’il a tant lus : Spinoza. Et comme vous le dites vous-même, Spinoza n’est pas à proprement parler un « individualiste », il est plus subtil à ce sujet et prend en considération le déterminisme communautaire. Voilà en quoi il revient à la mode : il permet de penser le déterminisme contre le libéralisme économique, sans pour autant en appeler à une vision holiste, naturaliste, organiciste de la « société » à la manière des Anciens. Enfin, le conatus peut tout à fait trouver des résonnances dans la société de consommation, inéluctable, voire la légitimer par certains côtés, tout en faisant droit aux revendications conatives des plus démunis.
                        ---------
                        Peut-être trouverez-vous que je dévoie le propos de Spinoza (dont je n’ai lui que l’Éthique, le TP et le TRE). Je l’ai dit plus haut, il me faut absolument lire le livre d’Alexandre Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, curieusement LA référence pour les penseurs en sciences sociales désireux d’en découdre avec le capitalisme (je vous promets que je n’exagère pas). Peut-être que d’autres pistes me seront alors offertes, qui sait !
                        En tout cas, si vous vous êtes spécialisé dans Spinoza, bravo et encore merci pour votre intervention. Je ne suis, malgré tout, pas tout à fait convaincu d’avoir déformé la pensée de Spinoza au sujet du droit naturel, de l’individuation du conatus et – point sur lequel vous êtes le plus en désaccord – sur le vague qu’il laisse quant à une démocratie sans véritablement de projet et de bien commun (dernières lignes du TP inachevé, comme vous l’avez dit, et désolidarisation de la morale et de la politique).
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                        Bien à vous,
                        EG


                      • 1 vote
                        Éric Guéguen Éric Guéguen 6 mars 2013 09:33

                        Walid,

                        J’avoue qu’entre ma première réponse et maintenant, je me suis replongé dans Spinoza, et je dois m’incliner sur un point : OUI, vous avez raison, l’anti-finalisme de Spinoza se limite à la nature, et OUI, il est bien question chez lui, semble-t-il, du summum bonum.
                        Merci donc de m’avoir bousculé.
                        Et je vous remercie doublement car, à la lecture du livre de Frédéric Manzini, Spinoza : une lecture d’Aristote, je m’aperçois que mon erreur consiste, contre toute attente, à ne pas voir encore suffisamment les proximités entre Spinoza et Aristote. Le premier doit énormément au second, c’est indéniable et à la lecture de ce livre, certains copié-collés sont même troublants !
                        Reste une différence de taille. Si l’un et l’autre mettent en avant l’éthique et la politique, ils les font correspondre de manière strictement opposée : alors que pour Aristote l’éthique est un préalable à la politique, pour Spinoza, c’est la politique qui se trouve mise au service de l’éthique. Spinoza, à cet égard, n’est pas du tout opposé aux jugements de valeur, au bien et au mal, mais il n’attribue la faculté de discernement en cette matière qu’aux seuls sages, à ceux qui ont justement accès à la "connaissance de 3e type". Spinoza distingue lui aussi selon la disposition éthique des individus. Mais il est plus attaché, semble-t-il, au devenir individuel que le Stagirite, précisément parce que pour lui c’est le tout politique qui engendre l’auto-gouvernement éthique (individuel), et non l’inverse comme chez son devancier grec. Spinoza est un Moderne qui louche vers les Anciens, c’est ce qui fait sa force et son actualité.
                        Quant à l’attachement de Spinoza à la démocratie en tant que régime naturel, je suis d’accord là-dessus depuis le début, mis à part que Spinoza s’adresse en même temps, en filigrane, à une classe d’hommes philosophes qui "sortent du lot", et que les mots peu amènes qu’il a pour les femmes sont, curieusement, très peu mis avant...
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                        Au plaisir de vous lire... si toutefois quelqu’un ici m’écoute encore ! smiley


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                        Walid Haïdar 6 mars 2013 11:50

                        Ah, Spinoza et les femmes... Pour moi ce qu’il exprime à ce sujet ne fait que confirmer la nature désirante qu’il attribue à l’être humain, je veux dire qu’il est à côté de la plaque sur ce sujet, et que ce n’est pas par hasard !


                        Je vais méditer la comparaison Aristote-Spinoza que vous proposez dans votre dernier message, car a priori j’ai pas mal de réserves, mais vous touchez peut-être là quelque chose que je ne saisi pas. Il faut dire que je connais très mal Aristote, après tout, je ne suis qu’un petit matheux qui a atterri jeune étudiant dans Spinoza par curiosité pour ses prétentions de géomètre.


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