L’émergence de La ChinAfrique
« Nous souhaiterions que la Chine dirige le monde, et quand ce sera le cas, nous voulons être juste derrière vous. Quand vous allez sur la Lune, nous ne voulons pas être laissés derrière, nous voulons être avec vous. »
Olusegun Obasanjo, président du Nigéria, s’adressant à Hu Jintao, 2006
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Pendant des millénaires, l’Empire du Milieu ne s’est pas intéressé au reste du monde. Seulement voilà : désormais, vraiment, tout change, même la Chine.Elle est, désormais, à l’assaut de l’Afrique.
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Si l’on en croit par exemple Lansana Conté, l’ancien Président guinéen : « les Chinois ne colonisent pas, ils travaillent ». La Chine n’a pas besoin de dominer les Etats africains pour rafler les matières premières : elle troque capital et travail contre ressources. C’est un nouveau modèle d’implantation étrangère en Afrique, et le succès de ce modèle n’a rien de mystérieux : les Chinois s’imposeraient spontanément, par l’incroyable potentiel de développement qu’ils dégagent, avec leur main d’œuvre docile, bien encadrée par des ingénieurs compétents, financée par des réserves de capital apparemment inépuisables. Une conquête par le travail, sans guerre, sans armes ? Une conquête commerciale, en tout cas. Le commerce bilatéral Chine/Afrique est passé de 10 à 55 milliards de dollars entre 2000 et 2006, et devait atteindre 100 milliards en 2010. C’est peu à l’échelle de l’économie chinoise, moins de 10 % des exportations. Mais c’est énorme dans certains pays africains, au PIB microscopique.
Les Chinois vont en Afrique parce qu’on y trouve ce qu’ils recherchent aujourd’hui le plus : des matières premières. La Chine est un pays qui possède probablement 2.000 milliards de dollars de réserves de change, et qui cherche par tous les moyens à s’en débarrasser. Alors si les Africains veulent des dollars en échange de leurs matières premières, pourquoi se priver ?Les Chinois abordent les pays africains un par un, sans a priori idéologique. Hu Jintao n’a rien à dire sur les droits de l’homme en Afrique (et pour cause…). Le Soudan est aussi bien traité en Chine qu’il est rejeté par les occidentaux. Et la Chine ne se pose pas davantage de question sur la moralité financière des élites africaines : elle fait des affaires, point final. Si cela implique de travailler avec un dictateur qui esclavagise une partie de sa population, où est le problème ?
Ils débarquent et proposent, d’entrée de jeu ou presque, un « package » intégré : « Ici, nous allons vous construire un barrage, là, nous allons vous construire des routes, et en échange, là-bas, la mine, nous l’exploitons. » C’est évidemment plus productif que la méthode occidentale (ressources naturelles contre pots de vin, pression politique voire militaire, etc.). Mais cela revient en réalité à une nouvelle forme de conquête.
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Pékin sait habilement jouer sur le souvenir du mouvement des non-alignés. La Chine offre aux Africains une sorte d’alternative à la domination occidentale. Elle leur promet de respecter leur intégrité territoriale, de ne pas s’ingérer dans leurs affaires, de les traiter avec égalité en vue de bénéfices mutuels , la conférence de Bandung, revue et corrigée façon capitalisme asiatique. Les Africains, bien placés pour savoir ce que recouvrent concrètement les arnaques « humanitaires » des spécialistes de l’ingérence occidentale, apprécient. En arrière-plan, un rêve : le 1789 mondial qui verrait le Sud, majoritaire à l’ONU, prendre le pouvoir, tel un tiers-état mondial en révolte contre le Nord prédateur.
L’entreprise chinoise présente, tout de même, quelques points faibles.
Tout d’abord, la Chine entre en Afrique, mais ne se mélange pas à elle. Donc, à ce stade, il ne semble pas que la Chine transforme profondément les mentalités africaines. C’est d’ailleurs probablement la seule carte qu’il reste à l’Amérique en Afrique : la victoire culturelle. Les Américains, semble-t-il, en sont conscients.
Un peu partout sur ce continent la sinophobie monte ,les Africains reprochant en gros aux Chinois de prendre leur travail .Les petits commerçants chinois dévorent littéralement le marché dans certaines agglomérations africaines, la pacotille chinoise détrône l’africaine (mieux faite, moins chère) .Au final, quand on balance points forts et faibles, on ne s’étonne pas de l’ampleur de la percée chinoise en Afrique…
De cette stratégie simple et progressive, la Chine commence d’ailleurs à retirer de grands avantages :
- Des matières premières, d’abord, bien sûr. La Chine obtient du continent noir, 30 % de son pétrole. Les compagnies chinoises exploitent les forêts africaines. Les terres africaines sont désormais mises en valeur, de plus en plus, par des fermiers chinois
- L’Afrique, pour Pékin, c’est peut-être, aussi, pour l’instant de manière très marginale, un terrain d’exercice. Un lieu où l’influence chinoise peut commencer à s’exercer de manière dure, directe parce que beaucoup de pays africains sont faibles, divisés contre eux-mêmes. C’est en somme un site d’entraînement pour une superpuissance qui doit encore se préparer à un prochain statut de parité avec les USA.La Chine, tout doucement, commence à se mettre, aussi, au colonialisme « dur », celui des armes (partenariats militaires avec 43 pays africains). Pékin paye les salaires des fonctionnaires centrafricains en échange de l’organisation, sur le sol du Centre-Afrique, d’une rébellion tchadienne équipée d’armes chinoises (enjeu : le pétrole du Tchad). L’opération échoue sur le terrain, mais le président tchadien, sentant le vent tourner, comprenant que la France recule et que la Chine avance, choisit ensuite de donner son pétrole à Pékin. Ainsi, les services secrets chinois apprennent, se perfectionnent… un jour, ça servira peut-être, sur des théâtres d’opération moins secondaires.
- L’Afrique, c’est aussi, pour Pékin, un déversoir offert aux millions de travailleurs pauvres de la Chine intérieure. L’Empire du Milieu possède un réservoir de main d’œuvre gigantesque, et son principal problème, c’est de trouver des débouchés viables. En Afrique, les Chinois peuvent travailler utilement, les investissements sont rentabilisés vite.
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Merveille de la mondialisation : Jacques Attali va nous expliquer que l’Afrique se développe, alors qu’en réalité, les chômeurs africains rêvent d’Europe pendant que leurs pays sont mis en exploitation par les firmes chinoises ! Pendant ce temps-là, les « élites » africaines ne se demandent même pas pourquoi elles ont eu besoin des Chinois pour construire les beaux quartiers où elles se pavanent, en rêvant de la Lune.
Sources :
2.Note de lecture de scriptoblog « La Chinafrique (S. Michel, M. Beuret) »
Tags : Afrique Economie Chine International
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