Marine Le Pen refuse de débattre avec le "leurre" Mélenchon
Marine Le Pen était l’invitée, jeudi soir, de l’émission Des paroles et des actes sur France 2. A notre époque de politique spectacle, c’est le non-affrontement avec Jean-Luc Mélenchon qui retiendra l’attention, alors que ce fut le moment creux de l’émission. Il est vrai qu'on n'avait jamais vu un politique refuser, sur un plateau de télévision, de débattre avec un autre. Certains diront que Marine Le Pen a eu tort de refuser le jeu démocratique ; d'autres penseront qu'elle a eu raison de profiter de ce face-à-face qu'on lui a imposé pour dénoncer, devant les Français, l'attitude de plus en plus insultante et "antirépublicaine" de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que les dérives de la télévision-spectacle.
Après un premier débat de bonne tenue face à Henri Guaino (UMP), Marine Le Pen a refusé, comme elle l’avait annoncé, de débattre avec le candidat du Front de Gauche. Elle a avancé trois motifs : d’abord, étant en position d’accéder au second tour de la présidentielle, elle aurait préféré débattre avec des candidats également susceptibles d’y accéder, afin, on l’imagine, de renforcer sa stature. Il est vrai qu’on n’imagine pas France 2 organiser un débat entre Nicolas Sarkozy et Eva Joly, ou entre François Hollande et Dominique de Villepin...
Ensuite, Jean-Luc Mélenchon a adopté une stratégie très agressive à son encontre, au point de l’insulter presque systématiquement à chacune de ses sorties. Le 19 février sur LCP, il a ainsi déclaré qu’il allait "lui pourrir la vie jusqu’au dernier jour" :
"Semi-démente", "fasciste", "barbare", etc., la coupe était pleine pour la candidate du FN, qui est en procès avec l’ancien sénateur socialiste, qu’elle accuse surtout d’insulter à travers elle des millions d’électeurs et environ 40% des ouvriers français qui s’apprêteraient à voter pour elle, selon certains sondages. Sans compter la violence dont se rendent parfois coupables les militants du Front de Gauche lors de ses meetings.
D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon n’a pas condamné la récente agression de Nicolas Dupont-Aignan lors d’une manifestation de soutien au peuple grec. Selon lui, NDA aurait dû être plus prudent et comprendre par lui-même qu’un gars comme lui (de droite et souverainiste) n’avait pas à se mélanger avec ses militants :
Je suis arrivé après que Nicolas Dupont-Aignan ait été mal reçu, je ne sais par qui, ni de quel parti, ni comment. Je suis désolé qu’il ait été maltraité. Mais il lui revient de savoir que personne parmi nous n’aime la confusion des genres politiques. Il aurait dû y penser. Il aurait dû organiser sa présence de son côté avec les militants de son parti. Personne ne les aurait empêchés de le faire. Mais venir au milieu des nôtres, comme s’il était chez lui : non. Ce n’est pas raisonnable pour lui de ne pas l’avoir compris tout seul. Aucun de nous n’a envie de donner prise aux insupportables amalgames qui font les délices de la presse « oui-oui » qui met dans un même sac « souverainiste » ou « populiste » tout ce qui s’oppose à leur cruel aveuglement. Et devant le martyr des Grecs nous mettons en cause le capitalisme de notre époque, français, allemand et nord-américain en particulier. Pas les billevesées des frustrations nationalistes. Nous ne voulons pas être récupérés. Nous sommes internationalistes.
Enfin, Marine Le Pen a refusé de débattre avec "un leurre", considérant que Jean-Luc Mélenchon n’était pas un vrai candidat, mais un rabatteur de voix au second tour pour le candidat du Parti socialiste François Hollande, qui défend pourtant une politique libérale et qui a signé tous les traités européens que prétend combattre Mélenchon. Selon Marine Le Pen, Mélenchon est une "imposture", au même titre que les rabatteurs de voix de l’UMP que sont Christine Boutin, Hervé Morin ou Frédéric Nihous.
Il est vrai que d’ordinaire, l’émission présentée par David Pujadas n’organise qu’un seul débat, et que celui qui fut ajouté en fin de soirée avec Mélenchon ressemblait à un coup marketing pour la chaîne publique, en quête d’audimat. Marine Le Pen ne manqua pas de le faire remarquer, traçant un parallèle entre cette mascarade et le fameux débat entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie, pour lequel Paul Amar avait ramené des gants de boxe. Marine Le Pen a jugé que David Pujadas s’était déshonoré en se comportant comme Paul Amar en son temps.
Marine Le Pen a posé deux conditions pour accepter le débat avec Jean-Luc Mélenchon : d’abord, qu’il présente ses excuses aux électeurs qu’il avait insultés, ensuite qu’il annonce solennellement qu’il n’appellerait pas à voter pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, prouvant par ce geste qu’il serait un vrai candidat. Mélenchon refusa, redoublant d’injures, et promettant au contraire de faire élire le candidat socialiste dans l’hypothèse, très probable, où il finirait devant lui.
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont tous deux opposés au MES, mais le candidat d’extrême gauche se ralliera donc au candidat libéral du PS, qui va sans doute permettre son adoption. Comme quoi, le MES ne doit pas être un sujet si important... Privé de débat, Mélenchon repartit la queue entre les jambes.
Marine Le Pen a fait quelques révélations sur ce que pourrait être son futur gouvernement. Elle a annoncé que son Premier ministre ne serait pas issu du Front national. Elle a aussi précisé que ni Jean-Marie Le Pen, ni son compagnon Louis Aliot ne ferait partie du gouvernement. Elle a clairement marqué sa ligne idéologique : la défense de la France et de la nation contre le mondialisme.
Sa grande force dans cette émission a sans doute été sa critique du système médiatique, une attitude courageuse très rare chez les politiques, que l’on avait déjà vue chez François Bayrou ou Jean-Luc Mélenchon. Elle a, subrepticement, fait référence à l’appartenance de David Pujadas au club Le Siècle, pour dénoncer le "suivisme" des journalistes vis-à-vis de l’idéologie dominante, dans une posture qu’elle avait déjà eue quelques jours plus tôt face à Ruth Elkrief.
Son point faible réside sans doute dans son programme économique, qu’elle a eu du mal à rendre clair face à un François Lenglet coriace. Refusant de répondre sur la référence de son père à Robert Brasillach, elle a touché là à une autre de ses limites : son appartenance à un parti dont elle assume tout, mais dont certains aspects sulfureux continueront encore longtemps de l’entraver dans sa quête de pouvoir.
Débat avec Henri Guaino :
Echange sur l’économie avec François Lenglet :
Alors qu’on lui demande si elle appelle au départ de Bachar el-Assad en Syrie, Marine Le Pen tient à nuancer sa réponse...
Tags : Politique Marine Le Pen Jean-Luc Mélenchon Présidentielle 2012
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