Mélenchon : « Je ne pardonnerai jamais à Hollande »
Au moment où des propos très polémiques de François Hollande, publiés dans le Guardian, ravivent de plus belle les tensions entre le candidat socialiste et le Front de Gauche, il est utile de rappeler, pour comprendre les ressorts de la campagne, que l'ancien Premier secrétaire du PS nourrit un contentieux de longue date avec Jean-Luc Mélenchon. Dans une vidéo pour France 24 (qui date au plus tard de 2009), ce dernier racontait le coup tordu que lui avait fait François Hollande lors du congrès de Brest de 1997, pendant lequel ils s'étaient tous les deux affrontés afin de succéder à Lionel Jospin à la tête du PS. Le moins qu'on puisse dire est qu'il l'a gardé en travers de la gorge.
Dans un billet datant d’octobre dernier, Alexis Corbière, fidèle lieutenant de Jean-Luc Mélenchon, racontait plus en détails cette affaire, ainsi que d’autres polémiques ayant contribué à envenimer davantage les relations du candidat du Front de Gauche avec François Hollande, en plus de leurs profonds désaccords idéologiques. Morceaux choisis :
« C’est dans ce cadre là, parce qu’il est porteur de cette orientation bien particulière à gauche, que François Hollande durant onze années va s’affronter à Jean-Luc Mélenchon, principal dirigeant du courant du PS « la Gauche socialiste ». Hollande veut briser ce pôle de résistance. Il le gêne. Il va s’y employer avec constante et opiniâtreté durant les années 90 et au début des années 2000. Et ce n’est pas avec des méthodes de « flamby » qu’il va le faire, mais avec la poigne de l’apparatchik qui triche et qui méprise. Oui, la triche et le mépris sont aussi une des marques du système hollandais à la tête du PS de 1997 à 2008. Elle n’ont pas commencé au congrès de Reims de 2008. Désolé de décevoir certains. »
Au sujet du congrès de Brest : « Pendant trois semaines, les résultats de ce vote ne seront pas proclamés officiellement. Jusqu’au jour où, 3 semaines plus tard (!) j’insiste, le score est annoncé. Jean-Luc Mélenchon a obtenu seulement 8, 8 % des voix. Pas plus. Moins que la motion qu’il défendait. Impossible. Quand Jean-Luc demandera à Hollande une explication, s’indignant qu’il n’ait même pas tenu parole, ce dernier lui répondra par un éclat de rire au visage. »
« Un autre souvenir me traverse l’esprit... Je me souviens très bien de lui, disant en 2005, lors du grand débat sur le TCE, « Le Pen n’a pas besoin de faire campagne pour le non, d’autres le font à sa place.. ». Il parlait de nous par cette injure. La comparaison avec Le Pen, déjà. Cette phrase, blessante, je l’avais prise comme un crachat sur la magnifique campagne que nous menions. Je sais qu’elle avait aussi marqué Jean-Luc, indigné qu’il ose ainsi parler de nous. »
« Une autre fois, lors d’un Bureau National du PS, à propos d’une discussion très sérieuse, engagée la semaine précédente, sur les questions internationales si rares, concernant des tensions entre la Géorgie et la Russie, François Hollande s’était permis de répondre à Jean-Luc à la volée après avoir dû reconnaitre qu’il avait tort et que Jean-Luc disait des choses justes (soutenues par Louis Mermaz) : « si maintenant, tu condamnes aussi les dictatures, on va pouvoir commencer à s’entendre .. ». Froid dans la salle. Même parmi ses amis. [...] ainsi était le « système hollande », la blague pour blesser, la triche pour faire plier. C’est aussi avec tout cela que nous sommes nombreux a avoir rompu en quittant le PS en novembre 2008. »
Avec le recul de ces informations, on ne peut s’empêcher de regarder avec un certain sourire cet extrait d’entretien datant d’il y a un an, dans lequel François Hollande expliquait qu’il avait tout fait pour tenter de garder Jean-Luc Mélenchon au PS, notamment lors du référendum de 2005 : sa campagne pour le "non" aurait pu lui valoir une exclusion, affirme-t-il, mais il aurait veillé à être bienveillant à son égard et à privilégier l’unité. Il se trouve que Jean-Luc Mélenchon est brièvement revenu sur cet épisode lors de l’émission Radio France Politique dimanche dernier, et a déclaré qu’il avait dû rappeler les règles du Code Pénal aux autorités du PS suite aux menaces dont il avait été l’objet (c’est à partir de la 16ème minute)... Il ne nommera pas François Hollande, mais on peut douter qu’il ait été étranger à ces menaces.
Ainsi, on comprend mieux pourquoi Jean-Luc Mélenchon hésite peu à lâcher ses coups envers le candidat socialiste depuis son investiture. On se souvient qu’il était beaucoup moins critique, si ce n’est carrément élogieux vis-à-vis de Martine Aubry...
Quand Mélenchon pointe du doigt « une attitude hautaine assez insupportable à l’égard du reste de la gauche » de la part de François Hollande, ce n’est donc pas seulement les propos du Guardian qu’il faut avoir en tête, mais tout ce passif, qui amplifie à coup sûr les petites phrases lâchées par l’un et par l’autre. Revenir sur cet affrontement entre les deux hommes permet également de mieux cerner les pratiques de Hollande quand il détient le pouvoir : il faudra sans doute s’attendre à retrouver à l’Elysée le mépris et la triche dont parle Alexis Corbière, s’il y accède. Vous me direz, ça ne nous changera pas beaucoup du locataire actuel.
Tags : PS François Hollande Jean-Luc Mélenchon Présidentielle 2012 Front de Gauche
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