Onfray : "BHL doit enjamber des mendiants boulevard Saint-Germain"
Cela signifie-t-il que BHL serait authentiquement de gauche, et Onfray passé à droite ? Car Onfray dit : "C’est bien qu’il y ait des gens qui s’occupent du destin de leur lointain, moi j’aime bien m’occuper du destin de mon prochain." Et je frémis lorsque je me souviens de cette phrase célèbre, qui a participé à démoniser Jean-Marie Le Pen : "Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis." Bref, Onfray serait-il devenu plus proche de Le Pen que de BHL ou Deleuze ?
Et qu’est-ce qu’être de gauche ? Penser d’abord à son prochain ? ou au lointain ? sachant que le lointain aura des conséquences sur nous si nous ne lui venons pas en aide... La gauche actuelle semble plutôt du côté de Deleuze que d’Onfray, et c’est pourquoi elle refuse le protectionnisme (incarné par Montebourg, dont Onfray est proche). Rappelons ce propos de François Hollande, lorsqu’il disait : "je crois qu’on a aussi une mission internationaliste, on n’est pas là, simplement, pour être des protecteurs de nos propres… [citoyens]".
Poutou est sur la même ligne internationaliste, comme il l’a encore montré dans Des paroles et des actes, en se disant favorable à la mondialisation, à la liberté de circulation et d’installation des hommes, à la fin des frontières, à la régularisation de tous les clandestins, et au droit de vote des étrangers à toutes les élections.
Même tendance chez Jean-Luc Mélenchon (dont Onfray s’est séparé), qui, dans Des paroles et des actes, a officialisé sa rupture avec la conception de Georges Marchais, qui voulait stopper l’immigration régulière et irrégulière pour protéger les travailleurs français, mais aussi immigrés déjà installés en France, et qui étaient fortement touchés par le chômage (voir entre 14 min et 16 min). D’ailleurs, lorsque David Pujadas lui montre le discours de Georges Marchais, Mélenchon éructe étrangement : "Ah, c’est le truc du Front national !..."
Aujourd’hui, on commence à voir apparaître des Français "issus de l’immigration" (maghrébine), comme Malika Sorel, et maintenant Camel Bechikh, président de l’association Fils de France, qui réclament une réduction drastique de l’immigration, afin de favoriser l’assimilation des musulmans déjà installés sur le territoire, qui autrement continueront à être assimilés à des étrangers. Des musulmans français, patriotes, qui critiquent la mondialisation, l’américanisation de notre société, l’immigration massive, et regrettent même la France franchouillarde, avec son béret, sa baguette et ses bistrots... sont-ils de gauche ou de droite ?
En tout cas, ils ne sont pas de la gauche du député de Seine-Saint-Denis, Patrick Braouzec (Front de Gauche), qui vomit la franchouillardise : "Derrière ce débat de comptoir [sur l’identité], je vois bien le béret et la baguette de pain, les lieux communs, le populisme (…). Notre identité nationale est en train de s’enrichir de toutes nos différences. On se nourrit tous de nos différences, on se tolère." Et qui s’excuse presque d’être français ; c’est la faute de ses parents : "Moi j’ai une identité nationale, je n’y suis pour rien, je suis né français. Ce n’est pas de ma faute, c’est la faute de mes parents". Son échange avec Malika Sorel, en 2009, montre bien le décalage énorme entre la gauche majoritaire d’aujourd’hui (qui préfère le lointain au prochain) et une partie des Français musulmans, qui se veulent patriotes (et donc de droite... ou de la vieille gauche de Marchais) :
En bonus, la récente intervention de Camel Bechikh lors de la 29ème Rencontre Annuelle des Musulmans de France, où il défend sa vision de la France, avec ce très beau passage (à partir de 14min20) sur le rapport charnel au pays que lui-même a pu développer (comme Onfray, mais sans doute pas comme BHL), étant né à la campagne : "La France, c’est pas McDonald’s et c’est pas le kebab. (...) Un jeune qui a grandi sur une dalle de béton, qui n’a jamais vu une vache, qui ne connaît pas l’odeur de la forêt le matin, qui ne sait pas ce que c’est que le soleil qui se lève sur la campagne française, évidemment il n’a pas de rapport charnel au pays, évidemment il n’a pas ce rapport profond, sentimental, que l’on a à sa terre. (...) C’est une réalité, l’amour de la terre, parce que c’est toute votre enfance..." Et pour finir, cet étonnant élan patriotique : "Il faut pouvoir dire, en tant que musulman, que la culture française est supérieure à la culture américaine, que la littérature française est supérieure à la littérature américaine, que le cinéma français d’Yves Boisset, de Claude Sautet, j’en passe et des meilleurs, est meilleur que le cinéma américain".
Tags : France Politique Immigration Philosophie Islam François Hollande Mondialisation Jean-Luc Mélenchon BHL Philippe Poutou Michel Onfray
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON