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Batman, héros platonicien ?

Retour sur un film-phénomène, The Dark Knight, chef-d'œuvre de science-fiction et objet de philosophie politique.

 

 

En 2008 sortait sur nos écrans l’excellent The Dark Knight du non moins excellent Christopher Nolan. Ce film est l’un des rares à culminer à la fois dans le box-office mondial et dans l’estime des spectateurs. Même la presse fut unanime, à une exception près. Le journal Libération proteste :

 

"Christopher Nolan et son frère Jonathan ont d’évidence cherché, dans leur scénario, à créer des situations qui évitent le bras de fer du bien et du mal, au profit de débats triangulaires, où les intérêts des uns et des autres se superposent et souvent s’annulent. La tonalité crépusculaire du film trahit aussi la solennité d’un projet qui entend mener de front le roulement de mécanique du film d’action et le débat politico-moral. Un coup de Batmobile, un dialogue de Platon, un bourre-pif bien placé, un séminaire sur Leo Strauss. Mais on a quand même l’impression que le vacarme des traditionnelles séquences d’actions (bagnoles écrabouillées et bâtiments explosés) relève de la même poudre aux yeux que les efforts désespérés de Nolan pour avoir l’air plus finaud que la moyenne. Sa noirceur n’est jamais mélancolique et sa description d’un monde traversé par la terreur trahit non une véritable angoisse, mais une occasion rêvée d’en rajouter une couche. Le film, du moins, prête voix à une sourde demande fascistoïde, l’obsession générale du « nettoyage » de la ville confinant ici au grotesque."

 

Dans le même article (en lien plus bas), même le jeu du défunt Heath Ledger est égratigné :

 

"Sa prestation limite, qui remplit d’une énergie incontrôlable chaque séquence où il apparaît, vide d’autant les scènes où il s’absente. Méconnaissable sous le maquillage défigurant du Joker, Ledger semble péter les plombs en direct et les rumeurs qui, après le tournage, le disaient perturbé par un rôle qui l’aurait envahi au-delà du raisonnable, alimentent à tour de bras la légende de ce néo-James Dean, qui pourrait recevoir un oscar à titre posthume [tu ne crois pas si bien dire, ndr]."

 

http://next.liberation.fr/cinema/20...

Batman Gotham City

Alors pourquoi un tel acharnement à démonter un film ? Parce que l’auteur de l’article (Didier Péron) y a vu des choses que d’autres n’ont pas su voir. Et que ce qu’il a vu va à l’encontre des valeurs perpétuées par le journal qui l’emploie. L’extrait (toute fin du film) en témoigne...

 

On y voit le commissaire Gordon et l’homme chauve-souris déplorer la mort d’Harvey Dent, procureur intègre et dynamique, devenu Double-Face vindicatif et fou de rage après la mort de sa belle des mains du Joker, figure du nihilisme. Gordon représente le bras armé d’une justice légale devenue impuissante, BatMan la super-justice radicale. Entre les deux devait enfin s’immiscer une justice réactive et garante des lois, une justice en laquelle les citoyens de Gotham pourraient avoir confiance, une justice qui s’incarnerait dans des exemples moraux à suivre, en tête desquels le fameux Harvey Dent. Le Joker met fin à cet espoir... que BatMan décide de maintenir coûte que coûte en se sacrifiant.

 

En andossant les crimes commis par un Dent rempli de haine et de désespoir, le héros masqué absorbait la part de mal, l’enfouissait dans les ténèbres de Gotham et permettait ainsi à la population de vivre dignement et honnêtement dans le souvenir d’un héros à leur image, d’un héros ordinaire dressé contre le mal, de Dent le martyr. Il fallait donc mentir aux citoyens. Il fallait leur mentir car dans l’ensemble ils ne comprendraient pas. Ils ne comprendraient pas qu’un homme dans le camp du bien puisse basculer et abandonner la cité à son sort par amour égoïste. Ainsi fallait-il avoir recours au pieux mensonge.

 

Le pieux mensonge consiste à faire accroire à quelqu’un quelque chose que l’on sait être faux afin de rendre cette personne meilleure à son insu. Platon use de ce "noble mensonge" (gennaîon) au Livre III de la République. Il stipule en substance que les gouvernants doivent y avoir recours lorsque la cité court un grave danger, lorsque la stasis menace. La désunion, l’anarchie, le chaos que susciterait la vérité brute (et le Joker en est l’agent) pousse à de telles extrémités. Les démocraties modernes ne coupent pas à cela, Wikileaks en atteste.

 

Cette mystification au sommet se pare de vertus édifiantes : face à la pluralité des dispositions éthiques maintenues toutes au même niveau d’importance, l’État tranche, parie sur le médiocre pour éviter les désillusions, et fait de l’agent le plus immature et le moins moral un standard. C’est le choix opéré par Batman dans l’extrait proposé, estimant que des citoyens guidés sur le chemin du bien méritent mieux que l’âpre vérité.

 

Alors, ce Batman, héros ou facho ?

Tags : Culture




Réagissez à l'article

205 réactions à cet article    


  • 3 votes
    Qamarad Qamarad 17 février 2014 09:53

    "Alors, ce Batman, héros ou facho ?"
    Surtout trop élitiste pour le journaliste moyen officiant à Libé smiley


    • 3 votes
      bourne 17 février 2014 12:23

      Mon psy m’a dit que Superman était malsain, alors un mec masqué et en collant noir .... j’vous dis pas !


    • 1 vote
      micnet 17 février 2014 10:08

      Merci Eric pour le partage ! Malheureusement, je ne peux pas m’exprimer sur ce film, ne l’ayant pas vu en entier, mais cet éclairage m’incite à le visualiser smiley


      • 4 votes
        Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 10:14

        Les films de philosophie politique sont très rares. Là s’en est un, très clairement, drapé dans la cape de l’homme chauve-souris.

        Il y a aussi un passage de philosophie morale dans le film, mais je ne l’ai pas trouvé sur Youtube.


      • 13 votes
        Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 17 février 2014 10:20

        Batman est un héros plutonien des temps inversé, tout le contraire d’un héros solaire apollinien. C’est un chevalier noir qui a une chauve-souris comme emblème, donc un démon converti qui doit accomplir son destin en restant dans l’obscurité. Le combat contre sa propre obscurité, il le livre en lui, contrairement à ceux qui déversent leur négativité sur les autres à travers des chasses aux sorcières. Assumant sa part d’obscurité, il peut combattre la fausses lumières de la ville. La puissance tragique du récit atteint son apogée quand le diable noir se sacrifie pour la Cité en prenant sur lui les crimes de "Double face", le héros blond solaire brisé par sa propre dualité. 


        La structure métaphysique fondamentale de ce conte moderne peut s’énoncer ainsi : il n’y a pas que la lumière positive opposée à des ténèbres diaboliques comme cela apparaît aux yeux du public naïf ; il y a aussi une lumière diabolique (fausse, trompeuse et séparatrice) et une âme bienveillante dans les ténèbres (celle des héros anonymes et incompris).

        • 3 votes
          Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 17 février 2014 10:23

          Des temps "inversés"... Ce sont les temps qui sont inversés. Mais c’est aussi un héros inversé (comme la chauve-souris qui dort à l’envers). smiley


        • 2 votes
          Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 10:23

          Joli complément à mon article, bien troussé, comme à l’accoutumée.
          Merci Gaspard.


        • 5 votes
          Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 17 février 2014 10:34

          Faut dire qu’avec mon "look", je suis un peu le Batman d’Agotham. smiley


        • 6 votes
          Rounga Rounga 17 février 2014 10:31

          Alors, ce Batman, héros ou facho ?

          Sans m’exprimer sur le film, que j’ai vu à sa sortie et dont je ne me souviens plus dans les détails, on peut faire quelques remarques sur ce qu’est fondamentalement Batman.
          Il y a dans l’univers des super-héros américains quelque chose qui m’a toujours dérangé, et qui est l’élection. La plupart des super-héros tiennent en effet leurs pouvoirs d’une cause extérieure et contingente : l’origine extra-terrestre de Superman, la piqure d’araignée de Spiderman, la divinité de Thor, un phénomène cosmique pour les 4 Fantastiques, etc. Pour ce genre de héros, l’origine de leur supériorité est transcendante : le destin les a choisis, ils sont élus, et ils endossent avec détermination la responsabilité qui leur a été confiée. Il n’en est pas ainsi de tous les super-héros : Batman, Iron Man, Hulk, doivent à eux-mêmes leur particularité. Mais alors il est remarquable que cette fonction de justicier leur soit octroyée finalement par leur grande fortune (pour Batman et Iron Man). C’est la privatisation de la justice (pour Batman) et de la défense (pour Iron Man) qui est proposée ici en spectacle, et donc en modèle.
          Il y a donc chez la plupart des super-héros un fond idéologique bien identifiable, probablement d’origine protestante (l’élection et la valorisation de la richesse étant des éléments du protestantisme, et celle-ci constituant un signe de celle-là) et libérale.
          Je précise que ce n’est cependant pas le cas de tous les super-héros : les pouvoirs des X-Men les mettent dans une situation tragique, et optent soit pour la lutte pacifique pour la reconnaissance de leurs droits, soit pour le terrorisme.


          • 4 votes
            Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 10:43

            Salut Rounga, et merci pour ce commentaire.
            J’ajouterais qu’il y a autre chose de dérangeant dans ces super-héros : ils sont tous américains. smiley

             
            Sur la richesse d’un Batman ou d’un Ironman (et au passage, personnellement je trouve que ce sont les deux séries de films de très loin les mieux réussies), je ne sais pas si je pousserais aussi loin que vous la réflexion philosophique, même si elle est bien vue et que je n’y avais absolument pas pensé. Je pense surtout qu’il y a là moyen - et seul moyen - de compenser humainement ce qu’un dieu ou en tout cas une sur-nature nous refuse ; n’oublions pas que le super-héros a un rang extraordinaire à tenir et que le spectateur attend son lot de gadgets et d’explosions.

             
            L’an prochain devrait sortir un film des DC comics réunissant Batman et Superman... Quand on a vu de quoi est capable le nouveau Superman, on se dit que le pauvre Batman va avoir bien du mal à tenir son rang avec ses petits poings, même avec un gros compte en banque !! smiley


          • vote
            Awake Awake 17 février 2014 10:55

            @Rounga
            Analyse intéressante :)
            Par contre, je ne suis pas vraiment d’accord sur Superman, qui est un super héro un peu à part, justement du à sa nature extra-terrestre.
            C’est Bill qui l’expliquait bien !


          • vote
            Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 10:57

            Aïe, votre lien ne fonctionne pas je crois.


          • vote
            Awake Awake 17 février 2014 11:01

            Mince, peut être comme ça : http://www.youtube.com/watch?v=RkfIPIx_9Tk


          • vote
            Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 11:09

            Là c’est bon, merci.
            Bill nous dit : la supériorité de Superman découle de sa nature extraordinaire, qu’un déguisement culturel n’a pas besoin de travestir.
            Superman, de ce point de vue, serait encore plus politiquement incorrect que Batman ou Spiderman.
            Mais bon, ce qui m’intéresse par-dessus tout dans The Dark Knight, c’est son aspect politique, unique en son genre il me semble. Le vengeur masqué n’est là que pour habiller habilement un thriller politique.


          • vote
            maQiavel maQiavel1983 17 février 2014 11:17

            Rounga , on a exactement la même analyse. 


          • 1 vote
            Rounga Rounga 17 février 2014 11:43

            J’ajouterais qu’il y a autre chose de dérangeant dans ces super-héros : ils sont tous américains.


            C’est vrai, ça. Quelle était la probabilité pour que le vaisseau spatial abritant le jeune Kal El s’écrase aux Etats-Unis ? La Russie, vu l’immensité de son territoire, avait plus de chances. Ou alors, est-ce que les super-héros prolifèrent aux Etats-Unis parce que ce serait le pays où la justice est le plus absente ? smiley


          • vote
            Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 11:46

            Tant qu’on y est : et pourquoi Kal n’était pas noir ou n’avait-il pas les yeux bridés ?

            Ou alors blanc mais débarquant en Chine, il eût été alors plus difficile pour lui de se fondre dans la masse...


          • 2 votes
            Morpheus Morpheus 17 février 2014 12:26

            D’accord avec Rounga, la mythologie des superhéros à l’américaine est l’illustration du mythe de l’ÉLU, le SAUVEUR, l’HOMME PROVIDENTIEL, supérieur, l’élite. Le gardien du système oligarchique et aristocratique, de l’élection (choix du "meilleur"), mêlé au mythe christique libéral (protestant) du SAUVEUR de l’humanité.


          • vote
            Joe Chip Joe Chip 18 février 2014 15:09

            Excellente analyse. Le film de super-héros est devenu le principal véhicule du messianisme américain : mythe de l’élection, apologie du démiurge, monde divisé de toute éternité entre le "bien" et le "mal" mais perception relative voire "inversée" des valeurs (le mal peut engendrer le bien, au sens de l’utilité, tandis que la recherche orgueilleuse du bien peut conduire au mal, réflexion au cœur de la théologie luthérienne). Tout l’enjeu du super-héros, au départ enclin au doute, à la timidité voire la médiocrité, est de se montrer à la hauteur de la révélation de son élection (apparition du super-pouvoir) et de la responsabilité qui a été placée arbitrairement en lui (il n’a au fond aucun mérite, sa supériorité sur les autres hommes résulte du "don gratuit de Dieu").

            Je relativise juste ton point sur les exceptions que constituent à tes yeux Iron Man ou Hulk. En réalité Iron Man répond au même type d’appel, tout aussi irrésistible, la seule différence c’est que cet appel ne provient plus d’un élément surhumain ou transcendant mais d’un émissaire (mandateur) humain qui le remplace en assumant exactement la même fonction : le père, un inventeur démiurgique investi du sentiment de sa responsabilité envers l’humanité, etc... dans le premier Iron Man - si mes souvenirs sont bons - le super-héros retrouve le "plan" d’une cité utopique imaginée par son père, dont l’hologramme (référence biblique) charge le fils de reprendre et exploiter au mieux sa richesse et son héritage pour le bénéfice des hommes. Là encore, on ressent le poids symbolique de la conception de l’épargne et de la transmission entre génération dans le protestantisme. C’est Bill Gates qui dit à son fils "je te donne tout cet argent et tout ce pouvoir mais tu dois te montrer à la hauteur". En France, Iron Man recevrait une lettre du fisc l’enjoignant de payer sa taxe sur l’héritage. 
             
            Hulk est un cas à part, car ce récit se rattache davantage au mythe fantastique du double et/ou de la créature révoltée, qu’à la mythologie messianique du super-héros américain. 


          • vote
            Éric Guéguen Éric Guéguen 18 février 2014 15:14

            Merci pour votre point de vue, Joe.


          • 1 vote
            cathy30 cathy30 17 février 2014 10:47

            Tous ces héros ne sont que des transpositions des héros grecs, des dieux au-dessus des hommes. Des dieux taillés pour la guerre dont les hommes en font les frais. Batman pourrait correspondre à Hadès.


            • 2 votes
              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 10:49

              Vous êtes un peu dure. Plutôt Orphée ?


            • 1 vote
              Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 17 février 2014 11:17

              "Plutôt Orphée ?"


              Heu, vous voyez Batman chanter en s’accompagnant à la lyre ? smiley

            • 1 vote
              Morpheus Morpheus 17 février 2014 12:22

              Ce que dit Cathy n’est pas tout-à-fait faux (une façon de dire que c’est vrai smiley ).
               
              Des héros (demi-dieux) qui finalement agissent au service d’un monde, d’une cité dominée non pas par Zeus, mais bien par Hermès, dieu des marchands ET des voleurs (ce n’est pas par hasard que les marchands et les voleurs sont assimilés...). Nous sommes bien dans le monde d’ HERMÈS, et c’est ce dieu là qu’il faut faire tomber.


            • vote
              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 12:29

              Hermès a l’écoute des marchands, Morpheus, et chaque homme est marchand en puissance. D’où le fait qu’il trône à présent sur l’Olympe.


            • vote
              Rounga Rounga 17 février 2014 13:24

              Nous sommes bien dans le monde d’ HERMÈS, et c’est ce dieu là qu’il faut faire tomber.


              Connaissez-vous la thèse que développe Yuri Slezkine sur les peuples mercuriens et appolliniens dans son livre Le Siècle Juif ?


            • vote
              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 13:25

              Développez Rounga svp...


            • vote
              Morpheus Morpheus 17 février 2014 13:35

              Non, Rounga, je ne connais pas. Dites voir smiley


            • vote
              Gollum Gollum 17 février 2014 14:55

              Nous sommes bien dans le monde d’ HERMÈS, et c’est ce dieu là qu’il faut faire tomber.


              Attention à ne pas tomber dans le manichéisme ou la simplicité. Tout dieu a une face sombre et une face claire. Sinon, en gros d’accord avec ça.. smiley



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              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 14:56

              Il faut surtout le remettre à sa place.


            • 1 vote
              Rounga Rounga 17 février 2014 15:16

              Eh bien, Yuri Slezkine distingue deux types de peuple :
              -les peuples apolliniens, qui sont attachés à la terre
              -les peuples mercuriens, nomades, qu’il nomme d’après Mercue, le dieu messager, passe-frontière.
              Les peuples apolliniens développent des valeurs liées à la défense de la terre (la force, le courage), et organisent leur activité autour de l’agriculture. Les peuples mercuriens, à l’image d’Hermès, ont recours à la ruse, et valorisent davantage l’intelligence. En effet, ils ont besoin de s’intégrer dans les pays où ils passent, ce qui implique d’étendre sa culture intellectuelle et de développer son sens de l’urbanité. Cela explique la facilité qu’ont les peuples mercuriens à se hisser au sommet des professions intellectuelles, commerciales, et financières.
              Pour Yuri Slezkine, les Juifs sont le peuple mercurien par excellence. D’autre part, il assimile la modernité à la progression des valeurs mercuriennes sur les valeurs apolliniennes, ce qu’il résume par cette phrase : "la modernité, c’est que nous sommes tous devenus juifs".(Pas de panique, Yuri Slezkine n’est pas suspecté d’antisémitisme, bien au contraire).
              Par conséquent, attention quand vous dites qu’il faut tuer Hermès : d’aucuns pourraient y voir un propos antisémite. smiley
              (Je signale tout de même votre commentaire à la LICRA, par précaution...)


            • 2 votes
              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 15:22

              Très intéressant.
              D’autres questions se posent alors ?
              N’est-il pas important de savoir si chaque peuple a choisi ou subit son statut (apollinien ou mercurien) ? Quid du christianisme évangélisé ? Mercurien (apport de la bonne nouvelle) ou apollinien (générateur de valeurs) ? N’est-il pas mercurien tout d’abord, pour devenir apollinien une fois établi ?


            • 1 vote
              Gollum Gollum 17 février 2014 15:26

              les peuples apolliniens, qui sont attachés à la terre
              -les peuples mercuriens, nomades, qu’il nomme d’après Mercue, le dieu messager, passe-frontière.


              Hum je trouve cela assez discutable.. Je préfère les nomades fils d’Abel et les sédentaires fils de Caïn. Les fils d’Abel ne peuvent pas être à la source de la civilisation car le nomadisme ne permet pas la culture.. Pas de possibilité de fonder des villes.

              Le sédentaire est fondateur de ville. D’ailleurs Rome fut créée à la suite d’un meurtre (comme Caïn) selon le mythe.. La ville permet la culture, la civilisation. Babel en est l’archétype.

              De là il est vrai que se met en place un nouveau nomadisme, celui des marchands et de l’argent filant d’une place financière à l’autre à la vitesse V..

            • vote
              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 15:32

              Pour rebondir sur vos propos Gollum, cela signifie qu’en fait, les êtres mercuriens reconnaissent eux-mêmes le besoin des cités : ils attendent simplement que les êtres apolliniens les édifient pour s’immiscer à l’intérieur.
              Autrement dit, pas de réelle complémentarité entre eux.
              Rounga, est-on hors sujet ?


            • vote
              Morpheus Morpheus 17 février 2014 16:02

              Plutôt d’accord avec Gollum.
               
              Les offrandes d’Abel plaisent à Dieu, tandis que celle de Caïn ne lui font pas honneur. Pourquoi ? On peut supposer que ce n’est pas uniquement à cause de ses goût culinaires smiley mais plutôt parce que Abel, le nomade (ou semi-nomade) est en accord avec les cycles naturels (donc la Terre-Mère), tandis que le sédentaire Caïn, lui, par son mode de vie se désaccorde d’avec les cycles naturels (les lois naturelles) et qu’il déshonore la Terre-Mère, ce qui ne plait pas au Père (Dieu).
               
              De dépit, Caïn (la civilisation) tue Abel (les nomades) ce qui se vérifie dans les faits historiques et prend donc tout son sens : on a alors une interprétation complètement inverse : c’est le civilisé qui vit en dehors des cycles et de l’ordre naturels (terrestre), tandis que les nomades, au contraire, sont par leur mode de vie en phase avec l’ordre naturel (terrestre). De plus, Hermès (équivalent de Pazuzu en Mésopotamie, de Thot chez les égyptiens, de Mercure chez les Romains, d’Ogma chez les Celtes, etc.) est un dieu civilisé, pas nomade.
               
              De plus, c’est avec la civilisation et la sédentarisation que viennent : les hiérarchies sociales, la guerre, l’esclavage, la monoculture, l’économie productiviste, la monnaie, les inégalités, etc. Alors que les peuples nomades sont beaucoup plus égalitaires, fonctionnent sur une économie d’abondance (sauf en période de déséquilibre climatique, mais ils peuvent alors se déplacer vers des zones plus fastes, comme le gibier et les troupeaux).
               
              Le lien avec le mythe du juif errant (que l’on peut alors associer aussi aux manouches, gitans, etc.) est que leur mobilité et leur autonomie sont profondément mis en péril par les cultures sédentaires, qui imposent leurs lois et leur ordre aux nomades, quand elles ne les réduit pas carrément en esclavage. Et là, on a un fameux paradoxe avec la culture juive (et ses croyances religieuses) : si celle-ci repose sur des traditions, celles-ci ne devraient pas être fondées sur une soumission à un dieu céleste, aérien (tel Hermès), paternaliste, mais à une déesse terrestre, chthonienne (telle Gaïa). Pour comprendre ce hiatus, il faut suivre le périple des hébreux depuis leur pays d’origine (l’Égypte de la XVIIIe dynastie et plus particulièrement Akhenaton, le Pharaon monothéiste et hérétique, « celui dont on ne peux prononcer le nom », maudit par les prêtres d’Amon (le dieu multiple) après sa mort), passer par la Judée, puis Babylone (réduits en esclavage sous le règne de Nabuchodonosor II), etc. Le dieu de l’ancien testament n’est autre que ATON à travers le pharaon Akhenaton, puis le régent Aï.
               
              Pas étonnant qu’on nage en pleine confusion et inversion smiley


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              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 16:07

              Donc, Morpheus, la civilisation, un bien ou pas en définitive ?
              (Cf. également mon message récapitulatif, tout en bas de la liste, j’aimerais avoir votre ressenti sur la question).


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              Morpheus Morpheus 17 février 2014 16:57

              Plutôt un mal jusqu’ici, compte tenu des faits.
               
              Mais pour apporter une nuance au propos : comme disait Matthieu Ricard « Si la technologie (ndlr : la connaissance, la culture, le fruit de la civilisation) a apporté d’immenses bienfaits, elle a engendré des ravages au moins aussi importants. (...) La science n’engendre pas la sagesse. Elle a montré qu’elle pouvait agir sur le monde mais ne saurait le maîtriser. (...) S’adonner pendant des siècles à l’étude et à la recherche ne nous fait pas progresser d’un pouce vers une meilleure qualité d’être, à moins que nous ne décidions de porter spécifiquement nos efforts en ce sens. La spiritualité doit procéder avec la rigueur de la science, mais la science ne porte pas en elle les germes de la spiritualité. »
               
              Donc, il reste encore le maigre espoir que nous décidions de porter spécifiquement nos efforts (connaissances, savoir, culture, ...) dans le sens d’une meilleure qualité d’être pour tous - et non pour une petite poignée au détriment de tous les autres et de la planète elle-même.


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              Éric Guéguen Éric Guéguen 17 février 2014 17:02

              Encore d’accord avec ce que vous dites, à un détail près : on ne fait pas accéder un individu (majeur) à la culture libératrice contre son gré. Si certains préfèrent s’abrutir devant la télé, les peoples, les bagnoles et les jeux vidéos (et il y en aura toujours), c’est leur droit et il faut que ça le reste. Mais c’est aussi le droit de la communauté de leur refuser, sans plus d’investissement de leur part, l’accès à des responsabilités politiques qu’ils se rendent incapables d’honorer par leurs manquements.


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              Morpheus Morpheus 17 février 2014 17:16

              Oui, on est bien d’accord. Du moment que l’on n’encourage pas hypocritement l’apathie et le refuge dans le consumérisme matérialiste, et qu’au contraire, on donne les moyen (à ceux / celles qui le veulent, sans obliger) de s’émanciper et de s’impliquer, alors d’accord avec vous Eric.


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              Gollum Gollum 17 février 2014 18:19

              Donc, Morpheus, la civilisation, un bien ou pas en définitive ?


              Il ne faut pas raisonner en mode binaire je l’ai déjà évoqué mainte fois.. smiley L’avantage de la civilisation est qu’elle permet le livre. Nous ne serions pas là sinon… smiley

              En même temps cela se fait au détriment de la nature et de Gaïa.

              Encore une fois je ne suis pas manichéen et je pense qu’il peut y avoir du bon dans du mauvais et inversement. Vieux principe taoïste. Et qu’en définitive il n’y a pas de mauvais dans l’Absolu. Sinon Dieu ne pourrait être tout-puissant. Donc tout a une finalité et une signification.


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