La crise du monde moderne vue par les traditionalistes
A l'ère du matérialisme, de l'humanisme, de l'universalisme et de toutes ces idéologies qui finissent en "ismes", on a presque oublié que les civilisations, durant des millénaires, étaient attachées à ce qu'on appelle la Tradition ! C'est à dire la conscience selon laquelle "l'Esprit" (que l'on nomme au choix Dieu, la Nature, le grand Architecte) précède la Matière. Que l'être humain n'est pas une fin en soi mais un maillon d'un grand tout qui le contient et le dépasse.
René Guénon, ce grand métaphysicien français spécialiste des Traditions orientales fut en pointe de la critique du monde moderne et de son corollaire : l'individualisme !
Voici un article qui, à travers la pensée de la Tradition, met en lumière les fausses oppositions des "Modernes" entre eux et la supercherie des prophètes de cette dernière religion sans dieu qui s'appelle l'Humanisme !
Quelques définitions préalables
La Tradition : "C’est la conscience à partir de laquelle les civilisations ont bâti un certain nombre de principes fondamentaux, considérés comme "universels" et s’appliquant à toute l’humanité. Il y avait alors une "révélation" (ou une spiritualité) commune".
L’individualisme (au sens des traditionalistes en général et de René Guénon en particulier) : "C’est la négation de tout principe supérieur à l’individualité, et, par suite, la réduction de la civilisation, dans tous les domaines, aux seuls éléments purement humains ; c’est donc, au fond, la même chose que ce qui a été désigné à l’époque de la Renaissance sous le nom ’ d’humanisme’ et c’est aussi ce qui caractérise le ’point de vue profane’. " René Guénon La crise du monde moderne.
Cette définition de l’individualisme est très importante car elle se distingue de la définition dite contemporaine et anglo-saxonne (individualism) selon laquelle l’individualisme signifie "l’autonomie individuelle" par rapport à l’Etat ou par rapport à toute autre structure. Dans l’approche traditionaliste, qui rejoint aussi celle de Tocqueville, l’individualisme signifie tout simplement le fait de placer "l’individu" au centre de toute civilisation.
Le Kali Yuga : au sens de Frithjof Schuon, l’Histoire est cyclique et le Kali Yuga correspondrait donc à la fin d’un cycle plus étendu. Schuon le décrit ainsi :
"Nous nous trouvons à la fin d’un cycle, doublement si l’on peut dire puisque cet âge, qui est notre âge présent, le Kali Yuga, coïncide avec la fin d’un cycle plus étendu, qui correspond à la période complète de notre humanité. Nous sommes entrés et depuis plusieurs siècles dans une phase de décomposition qui s’accélère d’ailleurs - c’est le propre des fins de cycles – et qui annonce d’une part « la fin d’un monde », selon l’expression de René Guénon, et la promesse d’un nouveau cycle complet, d’une nouvelle humanité...Ce qui est indubitable, c’est que nous nous trouvons au terme d’un cycle – leKali Yuga – qui s’est caractérisé comme « un temps où la connaissance spirituelle est devenue cachée, et où quelques uns seulement peuvent encore l’atteindre, pourvu qu’ils se placent dans les conditions voulues pour l’obtenir. »
La metaphysique : "est une branche de la philosophie et de la théologie qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Elle a aussi pour objet la connaissance de l’être absolu comme première cause, des causes de l’univers et de la nature de la matière. Elle s’attache aussi à étudier les problèmes de la connaissance, de la vérité et de la liberté".
Pour Aristote, il s’agit de la science la plus élevée : "La plus dominante des sciences et celle qui commande le plus à ce qui est subordonné est celle qui connait en vue de quoi chaque chose est accomplie ; cela c’est le bien de chacun, et d’une manière générale, c’est le meilleur dans la nature entière. La sagesse doit donc être une connaissance théorétique des premiers principes et des premières causes ; et en effet, le bien, le "ce en vue de quoi" est l’une des causes"
Les "faux-prophètes" de l’âge Moderne
Voici une excellente conférence consacrée à la critique des principaux penseurs dits modernes et de leur soi-disante opposition qui est en réalité totalement factice.
"Que chacun écoute attentivement s’il a des oreilles pour entendre"
4 grandes figures marquantes du XIXè siècle sont citées :
- Charles Darwin : Pour ce naturaliste anglais, théoricien de la "sélection naturelle" et de l’évolution humaine, tout part de la "matière" pour évoluer par la suite. La vie émergerait, en quelque sorte, de la matière inerte, cette même matière qui se transformerait continuellement. La Tradition réfute le fait "qu’une espèce puisse se transformer en une autre". Par la suite, les théories racialistes et eugénistes qui ont émergé dans la foulée, puis les évènements liés à la seconde guerre mondiale ont, quelque peu, remis en question le darwinisme. Il n’en est pas de même pour ce qui concerne le 2è "prophète" cité dans cette conférence, qui est en réalité le premier dans l’ordre d’importance de la Modernité
- Karl Marx : Qu’ils fassent partie de ce qu’on appelle "le système" comme Jacques Attali ou qu’ils fassent partie de la "dissidence" comme Etienne Chouard ou Alain Soral, ils ont un point commun majeur : ils se revendiquent tous de la pensée du "théoricien de la lutte des classes" : humanistes, universalistes et matérialistes, ils n’entevoient la religion qu’en tant que facteur social et non en tant que transcendance ou véritable spiritualité (Soral, il est vrai, se revendique comme étant attaché à la Tradition mais, tout comme les autres, il n’est pas véritablement croyant). Karl Marx est en réalité le grand vainqueur de notre époque : il est le prophète le plus abouti de notre époque moderne.
Je passe rapidement sur Freud et sa psychanalyse prétendant "guérir les adultes de leurs religions considérées comme des névroses de type infantile" ainsi que sur Nietzsche, bien que celui-ci ait développé une pensée très profonde et très cohérente, eu égard à la modernité.
L’Humanisme : une religion sans révélation
Donc ce qui est au centre de la Modernité, c’est à dire ce qui mit fin définitivement à la Tradition Occidentale, c’est l’avènement de l’Homme avec un grand ’H’ au coeur de la Civilisation. L’Homme à qui on a consacré des "Droits", oubliant au passage ses "devoirs", c’est à dire que l’on a ainsi officialisé le "culte que l’Homme se rend à lui-même". Sous l’ère moderne, l’Homme est devenu Dieu ! D’habitude, je n’emploie jamais ce genre d’expression, car trop connotée irrationnelle et moraliste, mais si on reste dans le domaine de la symbolique traditionnelle, on peut dire que ce sacre de l’Homme est véritablement "satanique". Par exemple, dans le livre de la genèse, après qu’Adam et Eve furent chassés du Paradis, Dieu se dit en lui-même : "Voilà que l’homme est devenu comme un dieu pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, empêchons-le de tendre la main, de prendre aussi du fruit de l’arbre de vie, d’en manger et de vivre éternellement." (Genèse 3-22).
L’homme moderne est en quête d’immortalité, de vie éternelle. Après l’humanisme, le transhumanisme, via les technologies et la toute-puissance de la science ! Voilà la suite de ce scénario.
Cela dit, si on voulait poursuivre l’analyse, il ne faudrait pas s’arrêter à l’Humanisme et à la Renaissance, qui ne sont que la dernière étape d’un long processus "d’individualisation" mais il faudrait remonter plus loin et se pencher sur le rôle des religions elles-mêmes. Pour un lecteur attentif des textes sacrés, et tout particulièrement de la Bible, on constate que les "religions", considérées non pas en tant que transcendances (religare) mais en tant qu’institutions humaines et collectives furent en réalité une trahison complète de l’esprit traditionnel d’origine ! Ainsi il y a bon nombre de textes bibliques qui reprochent aux juifs d’avoir imposé de nouveaux rites et de nouvelles traditions mais avec le "coeur éloigné de Dieu". C’est à dire de se situer non plus dans un processus vertical d’obéissance spirituelle à Dieu mais dans un processus horizontal d’obéissance à des rituels d’origine humaine. Tels les Pharisiens qui ont ainsi rompu avec le judaïsme des origines imposant progressivement ’leurs’ rites. Puis ensuite, l’église chrétienne qui, notamment avec Constantin au 4è siècle, fut une trahison complète des évangiles car devenue ainsi une institution de pouvoir. Quant à l’islam, il en fut de même, notamment avec la condamnation de l’islam soufi (= la mystique de l’islam) en tant qu’hérésie, l’islam s’appuyant encore plus que le christianisme sur le nombre et la masse des individus.
En résumé, les 3 monothéismes ont remplacé "l’Universel vertical" de la Tradition par "l’Universalisme horizontal" des individus. Ensuite le mouvement humaniste de la Renaissance, afin de consacrer pleinement "l’individu-roi", n’eut plus qu’une seule chose à faire : en finir officiellement avec Dieu !
Mais pour ceux qui sont attachés à la Tradition, l’histoire ne s’arrête pas là : cette période moderne est, certes, une étape de dégénerescence mais elle ne constitue qu’une période transitoire. Avant le retour à une spiritualité authentique. Nous assistons en direct à un monde qui s’achève !
Une leçon divine à l’homme moderne
Voici ce que Dieu, dans le livre de Job, répond à cet homme moderne matérialiste qui se prend pour Dieu (Job 38 4-19) :
"Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Déclare-le, puisque tu es si intelligent ! Qui a fixé ses dimensions ? Tu le sais, n’est-ce pas ? Ou qui en a posé la pierre angulaire alors que les étoiles du matin éclataient ensemble en chants d’allégresse et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ?... Depuis que tu existes, as-tu donné des ordres au matin ? As-tu montré sa place à l’aurore pour qu’elle attrape les bords de la terre et que les méchants en tombent ?...As-tu pénétré aux sources de la mer ? T’es-tu promené dans les profondeurs du gouffre ? Les portes de la mort t’ont-elles été dévoilées ? As-tu vu les portes de l’ombre de la mort ? As-tu perçu toute la largeur de la terre ? Déclare-le, si tu sais tout cela ! Où est le chemin qui conduit à l’habitation de la lumière ? Et les ténèbres, où ont-elles leur domicile pour que tu puisses les conduire vers leur territoire et discerner les sentiers qui mènent chez elles ? Tu le sais puisque tu étais déjà né et que le nombre de tes jours est si grand !"
Cette (superbe et ironique) réponse divine remet ainsi les hommes à leur place et leur rappelle ainsi que la vie humaine ne "tient qu’à un souffle". Celui de l’Esprit !
Tags : Société Culture
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