Judas l’Iscariote, un homme trahi !
Voici une passionnante réflexion que Jean-Yves Leloup, docteur en théologie, nous fait partager ici sur le célébrissime disciple de Jésus-Christ, Judas le zélote. Il n'est sans doute nul personnage dans le monde qui ne fut plus détesté que ce disciple "traître". "Au sein de l'enfer, s'il ne devait en rester qu'un, assurément ce serait celui-là" fut un adage répandu durant des siècles au sein de la Chrétienté. Et pourtant, sans Judas, point de sacrifice de Jésus, donc point de résurrection et point de Salut.
Jean-Yves Leloup, conformément à son approche à la fois historique et archétypale des personnages bibliques nous propose, à travers le personnage de Judas, de se poser la question du sens du Mal. Ou comment le personnage de Judas peut, d'une certaine manière, entrer en "résonnance" à certains moments dans notre vie.
(Mille excuses par avance pour les problèmes de sons dus au vent, la 'conférence' se passant à l'air libre...)
Où il est rappelé, après avoir fait lecture du fameux passage biblique du repas de la Cène lorsque Jésus fait la déclaration suivante à ses disciples " l’un de vous me trahira", que la traduction du texte par utilisation du mot "trahir" n’est sans doute pas la bonne. Et que la traduction exacte est plutôt l’emploi du mot "livré". Judas étant considéré alors comme celui qui "livre le Christ".
Jean-Yves Leloup analyse alors la psychologie de Judas comme étant quelqu’un de profondément déçu par son maître Jésus et qui se sent lui-même à son tour trahi dans ses propres attentes. Et un homme se sentant trahi peut-il devenir lui-même autre chose qu’un traître ? Lorsqu’on se sent nous-même trahi par quelqu’un, faut-il en vouloir nécessairement à ce quelqu’un ?...Ou ne seraient-ce pas plutôt nos propres attentes que nous projetons sur ce quelqu’un qui sont à remettre en cause ?
Car Judas faisait partie des zélotes, c’est à dire de ce courant judaïque ultra-nationaliste ("sioniste", dirait-on aujourd’hui), et pourrait-on dire, jusqu’au-boutiste car prêt à défendre sa terre d’Israël les armes à la main (il portait le "sicaire", c’est à dire le poignard, d’où son nom de Judas "l’iscariote") contre l’occupant romain. Et les zélotes attendaient le messie qu’ils imaginaient comme un redoutable guerrier qui les délivrerait du joug romain. Las, le Christ fut tout le contraire d’où l’immense déception de Judas. Et pourtant, contrairement aux pharisiens, c’est à dire à ce courant ’universaliste’, ’pacifiste’ et qui ’collaborait’ avec le pouvoir romain (tiens, tiens voilà qui fait penser à une autre période bien plus récente de notre histoire liée, elle aussi, à une période de "collaboration"...), Jésus n’a jamais, à aucun moment, eu de phrases de condamnation envers Judas qu’il appelait même ’mon ami’. Judas, le violent, l’extrémiste, le "traître", bref en un mot, la figure incarnée du "Méchant" en opposition avec la figure de l’homme "Bon" qu’était Jésus aura été le "livreur de lumière". Voilà qui remet formidablement en question les schémas binaires que nous avons peut-être en tête sur la notion de ’Bien et de Mal’.
Voici quelques extraits "d’un homme trahi", le roman de JY Leloup consacré à Judas qui décoiffent :
" Judas regarda Yonahan (Jean) en souriant :
’- Qui est le créateur de Satan ? Satan n’a-t-il pas une fonction, une mission pour le bien de tous ? Relis les Ecritures, Yonahan, souviens-toi : dans le livre de Job, Satan est un fils de Dieu, sa fonction est de tester les justes, de sonder ce qu’ils ont dans le ventre, dans le coeur, dans la tête...Sa fonction, c’est d’éprouver la vérité, le poids de chacun. Son nom ne veut-il pas dire ’obstacles’ ? Sans obstacles, sans épreuves, comment pourrions-nous nous connaître nous-mêmes et grandir ? Satan, c’est Dieu lui-même, ajouta Judas.
-’Arrête, tu blasphèmes !’ crièrent ensemble Simon Pierre et Yonahan. ’-Décidément vous ne connaissez pas les Ecritures’ reprit Judas. ’Relis le livre des Nombres : ’un ange de Dieu sortit en chemin (Vayityatzev Malak Hachem border) pour lui faire obstacle (Le-satanne lo)’ ne faut-il pas traduire : ’un ange de Dieu sortit en chemin pour être Satan ?
Judas se mit à rire : ’ Voyez, il ne faut pas avoir peur. Dieu, le diable, ce sont des noms que l’on donne à une unique réalité celle qui nous fait rire, qui nous fait pleurer, qui nous fait fleurir, qui nous fait faner. Si votre Dieu n’est que lumière, c’est un faux Dieu, car que devient la réalité de l’ombre ? Si votre Dieu n’est que du Bien, alors pourquoi le Mal ? Ne vous faites pas un Dieu à l’image de vos plus grandes qualités, n’oubliez pas toutes les horreurs dont vous êtes capables - Dieu n’est-il pas là aussi ?
Il ajouta à voix basse, pour que personne ne puisse l’entendre : ’ Un messie qui ne serait que lumière et bonté ne peut être qu’une illusion, il incarnerait un Dieu incomplet...un Dieu qui n’est pas tout. Moi Judas, je l’aiderai à s’accomplir et, s’il n’y a pas de péché en lui, il lui manque ce qui justement fait de l’homme un humain. Je serai tout le mal qui lui manque pour être Dieu, pour être tout...Oui mon lumineux Yeshoua, ma belle moitié, tu ne seras pas Dieu sans ton sombre Judas...’ "
"Satan, c’est Dieu !" Voilà qui fait sursauter ! Et si le Mal, l’épreuve n’avaient d’autre but que de nous délivrer in fine de toutes nos fausses illusions et nos fausses attentes pour que ne survive que ce qui est purement humain et éternel en nous ?
Quand Dieudonné voulait réhabiliter (à son insu)...le plus célèbre des sionistes !
Voici un excellent extrait du spectacle de Dieudonné Pardon Judas où, en plus de faire "la fête aux Prophètes", Dieudonné, en imaginant un dialogue entre Jésus et Judas, énonce des choses pouvant choquer de prime abord tout bon chrétien qui se repecte mais qui sont très profondes en réalité et qui vont dans le sens de ce qui est énoncé dans cet article.
Et tout comme Dieudonné, je réclame à mon tour qu’on réhabilite Judas !
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