Arsène Lupin, un héros si français !
"C'est le plus grand des voleurs, oui mais c'est un gentleman" fredonne la célèbre chanson de Jacques Dutronc à propos du plus fabuleux des cambrioleurs (mythiques) de tous les temps : Arsène Lupin !
'Arsène Lupin', tout le monde connaît ce nom. Enfin tout le monde connaît son nom principal, tant l'individu, au-cours de sa vie d'aventurier emprunta des patronymes divers et variés (dont certains comme 'Paul Sernine' ou 'Don Luis Perenna' qui sont des anagrammes d' Arsène Lupin).
Je me suis toujours demandé pourquoi ce personnage de fiction, bien que voleur et dont les aventures me passionnent depuis que je suis tout jeune, fascine-t-il autant notre imagerie nationale encore aujourd'hui ? Les réponses sont certainement multiples mais en tout cas, j'estime qu'Arsène Lupin méritait bien un article.
1 - Qui est Arsène Lupin ?
Crée par Maurice Leblanc en 1905, Arsène Lupin est décrit ainsi par son auteur :
http://www.editionsdelondres.com/Ar...
"Impertinent, fantaisiste, insolent, rebelle, pétulant, optimiste, gouailleur, cabotin, ami des femmes, moral, chevaleresque, généreux, créatif, passionné, courageux…sont juste certains des qualificatifs qui conviennent à Arsène Lupin. Comme le dit la phrase devenue célèbre, « ce n’est pas un aristocrate qui vit comme un anarchiste, mais un anarchiste qui vit comme un aristocrate. »
La personnalité d’Arsène Lupin, visionnaire, créatrice, extravertie, calculatrice, comporte évidemment de nombreux aspects cachés, ce qui explique le goût de se grimer et de prendre de multiples personnalités, pour déjouer la police et ses futures victimes dira t-on, mais aussi pour continuer à refouler un passé sombre. Ce passé, nous ne le connaissons pas, mais nous pouvons le deviner : celui d’un enfant sans père, aimant sa père, humilié par la société et meurtri par elle, qui tous les jours s’en venge, en en ignorant l’injuste système, et en contribuant par l’illégalité à rétablir un semblant de justice.
Lupin est à l’aise dans tous les milieux. Tantôt aristocrate, tantôt voleur, il représente une morale plus vraie, qui ne s’encombre pas des faux-semblants et des passe-droits que procurent la situation sociale dans un monde où les lois servent à faciliter le pillage de la société par les privilégiés. Lupin est populaire car il cristallise la fusion du caractère joyeux, gouailleur et rebelle à l’autorité avec l’élégance, le chevaleresque, défenseur des grandes causes à condition qu’elles soient humaines. En exemplifiant cette fusion des genres, Lupin représente tout ce que le Français voudrait être, et rêve d’avoir été. Plus malin que D’Artagnan, plus drôle que Monte-Cristo, plus heureux que Jean Valjean, Lupin est probablement notre héros.
Arsène Lupin promène sa légende au cours de la « Belle Epoque » et pendant les « Années folles ». Il est le pendant gai de la Belle Epoque. Impertinent, redresseur de torts, anarchiste aristocrate, il n’en est pas l’antinomie, il en est probablement l’antidote."
’Un anarchiste qui vit comme un aristocrate’ tout est dit ! Toute la personnalité de Lupin tient dans ce superbe paradoxe, si caractéristique de l’état d’esprit français, à savoir ce mélange d’esprit iconoclaste et d’amour pour tout ce qui est noble, dans le vrai sens du terme ! Personnage plutôt anarchiste au début du XXè siècle, Arsène Lupin est ensuite décrit comme un vrai patriote pendant la première guerre mondiale, suivant en cela les évolutions de son créateur Maurice Leblanc.
2 - Comment fut inventé Arsène Lupin ?
L’histoire veut que Maurice Leblanc se soit inspiré d’un véritable voleur aux idées anarchistes qu’il découvrit au-cours d’un procès en 1905 : celui du dénommé Alexandre Marius Jacob, chef d’une organisation de cambrioleurs appelée Les travailleurs de la nuit.
3 - Lupin, tel Cyrano et d’Artagnan : la quintessence du panache français !
Oui, le "panache" est décidément le qualificatif qui convient le mieux à Arsène Lupin. C’est à dire cette bravoure conjuguée à une joie de vivre face à toutes les circonstances. Bravoure que l’on pourrait, dans le cas de Lupin, assimiler parfois à une certaine mégalomanie mais qui, combinée à une espièglerie digne de Gavroche, élève et donne de la grandeur au personnage. Extraits :
" ’Ce qui est plus triste encore, c’est cela, tout cela qu’il me faut abandonner. Est-ce beau ? La mer immense...le ciel... A droite et à gauche les falaises d’Etretat, avec leurs trois portes, la porte d’Amont, la porte d’Aval, la Manneporte... autant d’arcs de triomphe pour le maître...Et le maître c’était moi ! Roi de l’aventure ! Roi de l’Aiguille creuse ! Royaume étrange et surnaturel ! De César à Lupin...Quelle destinée !’
Il éclata de rire.
’Roi de féerie ? Et pourquoi cela ? Disons tout de suite d’Yvetot ! Quelle blague ! Roi du monde, oui, voilà la vérité ! De cette pointe d’Aiguille, je dominais l’univers ! Je le tenais dans mes griffes comme une proie ! Soulève la tiare de Saïtapharnès, Beautrelet...Tu vois ce double appareil téléphonique...A droite, c’est la communication avec Paris - ligne spéciale - à gauche avec Londres - ligne spéciale. Par Londres, j’ai l’Amérique, j’ai l’Asie, j’ai l’Australie ! Dans tous ces pays, des comptoirs, des agents de vente, des rabatteurs, des indicateurs. C’est le trafic international. C’est le grand marché de l’art et de l’antiquité, la foire du monde. Ah ! Beautrelet, il y a des moments où ma puissance me tourne la tête. Je suis ivre de force et d’autorité...Et voilà, c’est fini...Une petite femme a passé, qui a des cheveux blonds, de beaux yeux tristes, et une âme honnête, oui, honnête, et c’est fini...moi-même je démolis le formidable édifice...tout le reste me paraît absurde et puéril...il n’y a plus que ses cheveux qui comptent...ses yeux tristes...et sa petite âme honnête .
Beautrelet, tu diras à l’univers que Lupin n’a pas pris une seule des pierres qui se trouvaient dans le coffre royal, pas une seule, je le jure sur l’honneur ! Je n’en avais pas le droit. c’était la fortune de la France ! "
L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc
Et, en forme de conclusion, citons la fin d’une de ses dernières (et plus belles) aventures, Les dents du Tigre :
"Vous parlez de Lupin au passé. Le cycle de ses aventures est donc terminé selon vous ?
- Nullement. L’aventure, c’est la vie même d’Arsène Lupin. Tant qu’il vivra, il sera le centre et le point d’aboutissement de mille et une aventures. Il l’a dit un jour : ’je voudrais qu’on inscrivît sur ma tombe : "ci-gît Arsène Lupin, aventurier." Boutade qui est une vérité. Il fut un maître de l’aventure. Et, si l’aventure le conduisit jadis trop souvent à fouiller dans la poche de son voisin, elle le conduisit aussi sur les champs de bataille où elle donne, à ceux qui sont dignes de lutter et de vaincre, des titres de noblesse qui ne sont pas à la portée de tous. C’est là qu’il gagna les siens. C’est là qu’il faut le voir agir, et se dépenser, et braver la mort, et défier le destin. Et c’est à cause de cela qu’il faut lui pardonner, s’il a quelquefois rossé le commissaire et quelquefois chipé la montre du juge d’instruction...Soyons iduglents à nos professeurs d’énergie.’
Et Don Luis termina en hochant la tête :
’Et puis, voyez-vous, il eut une autre vertu qui n’est pas à dédaigner, et dont on doit lui tenir compte en ces temps moroses : il eut le sourire ! "
Les dents du Tigre de Maurice Leblanc
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