Géopolitiques de Nantes : un regard du Cercle des Volontaires
Peut-on débattre sur l’état du monde en approfondissant la pensée dans une France en guerre ? C’est au fond la question centrale si l’on veut faire le bilan de ces deuxièmes Géopolitiques de Nantes qui ont eu lieu dans la ville des ducs, au Lieu Unique, les 26 et 27 septembre derniers.
Incontestablement ces deux journées nantaises font événement même si les médias grand-public semblent les avoir plutôt ignorées. Une leçon inaugurale par un ancien ministre des Affaires étrangères. 15 tables rondes sur des sujets aussi cruciaux que la guerre, l’énergie, « l’arme alimentaire », les religions, les inégalités , Israël et la Palestine, la Russie, l’Iran, la Chine etc. Une bonne quarantaine de spécialistes, universitaires et chercheurs, auteurs de plusieurs ouvrage pour la plupart. Et un public qui se presse et qu’on peut évaluer à plus de 4000 personnes. Il n’y a pas en France un autre « festival » de cette ampleur portant exclusivement sur des sujets de géopolitiques…
Je ne prétends nullement à l’exhaustivité du compte-rendu. J’étais le seul représentant du Cercle. En plus de la leçon inaugurale, je n’ai assisté entièrement qu’à trois tables rondes (elles se déroulaient simultanément trois par trois). Je suis parti au milieu d’une quatrième. Mais ce que j’ai vu, entendu et filmé me permet d’avoir une idée globale assez objective je pense de l’intérêt global de la chose.
Approfondir la réflexion ? Parfois certainement. La table ronde : « peut-on parler de guerre de religions ? » est incontestablement à ce sujet la meilleure à laquelle j’ai assisté. Bertrand Badie et Raphaël Liogier ont fait des exposés magistraux au meilleur sens du terme et Pascal Boniface les a intelligemment relayés en montrant comment l’épouvantail religieux et particulièrement islamique était utilisé avec inconscience ou cynisme. Je vous invite à les écouter :
Peut-on parler de guerre de religions ?
La leçon inaugurale d’Hubert Védrine se voulait aller aussi dans le sens d’un approfondissement pour ce qui est de la réflexion sur l’état du monde. Sa longue critique de l’expression convenue : « communauté internationale » qui fait l’essentiel de ma seconde vidéo ne manque pas de sel. Malheureusement Védrine n’a pas su gérer son temps. Parti pour nous montrer -c’est du moins ce que j’avais cru comprendre- que les nouveaux bombardements en Irak n’étaient peut-être pas la meilleure solution pour régler la crise, il s’est fait interrompre à la fin de sa longue introduction par une apparitrice. Coincé comme un candidat à un concours qui se met à déborder du temps imparti, il a dû résumer en deux ou trois phrases sa position sur les événements actuels. C’était quand même là qu’on l’attendait surtout et ce laconisme fut plutôt frustrant…
La « communauté internationale »
Vidéo : Arnaud Dubien : la Russie partenaire ou adversaire ?
Sur la crise franco-russe, Arnaud Dubien fait un exposé relativement équilibré. Il souligne en tout cas comment les Etats-Unis apparaissent comme le grand bénéficiaire d’un conflit que la France a attisé et où elle a beaucoup à perdre. Mais l’universitaire Anne de Tinguy et surtout la journaliste grand reporter Anne Nivat donnent à cette table ronde un tour assez nettement anti-Russe, en prétendant mettre en avant la brutalité de Poutine, la fourberie de l’action russe et en glosant sur la volonté supposée des habitants du Donetsk de rester rattachée à Kiev.
Dans le prospectus de présentation, Pascal Boniface, directeur de l’IRIS (1) et organisateur de ces deux journées, décrivait ainsi les invités : « des personnalités du monde politique, experts, journalistes, qui tâcheront de vous proposer leur point de vue et viendront en débattre avec vous en écoutant le vôtre ». Plus que les autres, la table ronde sur la Russie m’a encore mieux montré la fausseté de la dernière promesse. Au dernier quart d’heure, Dubien a autorisé le public à poser trois questions seulement et en spécifiant bien qu’aucune de ces questions ne devait contenir des éléments de réponse : c’est dire la possibilité de dialoguer que pouvaient avoir les assistants ! La table ronde sur les religions et surtout celle sur les médias (dont je parlerais plus loin) ont été un peu plus ouvertes à la parole du public. Avec beaucoup de ténacité, j’ai pu à chaque fois faire une brève intervention. Mais l’idée d’un dialogue avec l’assistance quand celle-ci (comme dans le grand atelier) comptait jusqu’à cinq cents personnes et qu’un temps minimum lui était réservé en fin de séance est une aimable plaisanterie.
Mais si le débat avec le public était a priori bloqué, le débat entre intervenants n’était pas non plus toujours assuré. Je me demandais plus haut si l’on pouvait débattre à Nantes de façon approfondie sur l’état du monde dans une France en guerre. Eh bien la dernière grande table ronde m’a paru finalement apporter une réponse plutôt nette : non, s’il s’agit de parler de la guerre que fait la France. La question posée au grand atelier samedi après-midi était précisément la suivante : « La France de Hollande est-elle une puissance guerrière ? » François Clémenceau, rédacteur en chef au Journal du Dimanche, et Michel Foucher, ancien ambassadeur, ont développé l’un et l’autre sans recevoir de réelle contradiction un plaidoyer sans nuance pour la politique extérieure hollandiste : François Hollande mènerait sur tous les fronts une guerre juste et la France pratiquerait une politique pleinement responsable. Fermez le ban. Quand j’ai vu le tour que prenait cette table ronde, j’ai quitté la salle. Je ne m’en excuse pas.
S’il est un lieu pour un vrai débat citoyen sur l’état du monde, ce n’est pas Nantes et ses Géopolitiques, c’est internet. Merci à Edwy Plenel de l’avoir dit à un moment quand la question un peu hors sujet par rapport aux relations internationales était posée : « les médias façonnent-ils l’opinion ? » La vidéo : « Edwy Plenel et la révolution de l’information numérique » permettra d’apprécier comment ce journaliste et essayiste, directeur de Mediapart, nous montre le biais pour nous dégager des faiseurs d’opinion démagogiques et pour aller vers une vraie information en participant à un libre et réel débat :
Clément Dousset
(1)Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Vidéo : Edwy Plenel et la révolution de l’information numérique
Tags : Religions Médias International Russie Guerre
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