Eric Zemmour a plagié pour son livre Le suicide français
Scoop Enquête & Débat. Suite à des déclarations Henri de Lesquen (responsable de Radio Courtoisie) sur Meridien Zéro, cela m’a mis la puce à l’oreille et par curiosité j’ai acheté le dernier livre de Zemmour et j'ai commencé à chercher sur internet s'il avait plagié. J’ai trouvé au moins 2 sources que Zemmour a plagiées : un historien, David Cascaro, et un journaliste, figure importante de la Nouvelle droite, premier directeur de la rédaction du Figaro Magazine, Jean-Claude Valla.
Je publie l’étude complète sur ces 2 plagiats, mais j’indique qu’il se trouve nécessairement d’autres plagiats dans le livre que je n’ai pas encore identifiés, comme je n’avais pas identifié tous les plagiats dans Pondichéry de Thierry Ardisson. La raison c’est que je me suis contenté de faire mes recherches sur Internet, ce qui n’englobe donc que les sources qui ont été numérisées. Sachant que la plupart des livres ne sont pas intégralement numérisés, il faut donc passer beaucoup plus de temps, souvent des mois entiers, pour trouver des plagiats issus de livres non numérisés, comme je l’avais fait pour Pondichéry. Mais ces deux premiers plagiats sont la preuve que Zemmour et son équipe en ont usé et abusé, tout en se réclamant, comme Ardisson, de l’amour de la littérature.
1er plagiat : David Cascaro
Au moment où il rédige son article, en 1998, David Cascaro achève une thèse de doctorat sur La politique publique des arts plastiques en France sous la Cinquième Republique sous la direction de Hugues Portelli université Paris II-Panthéon-Assas. En juillet-septembre 1998, dans la Revue d’histoire « Vingtième siècle », N°59, pp. 120-128, David Cascaro publie Les « colonnes » de Buren, une crise politico-artistique.
Phrases exactes
Zemmour (p. 294) : « BHL proposa que les intellectuels se relaient pour assurer la protection du chantier. »
Cascaro : « Bernard-Henri Lévy propose même que des intellectuels se relaient pour assurer la protection du chantier. »
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Zemmour (p. 294) : « Le 28 mai, une dizaine de jeunes gens affublés de masques et de déguisements de zèbres défilèrent devant l’œuvre, saluant la victoire de l’imposture. »
« Cascaro : « Tandis que le 28 mai une dizaine de jeunes gens affublés de masques et de déguisement de zèbres défilent devant l’œuvre pour dénoncer l’imposture. »
Phrases très proches
Zemmour (p. 291) : « Les voitures garées en désordre encombraient l’élégante cour d’honneur du Palais-Royal. Le ministre de la Culture, Jack Lang, souhaitait s’en débarrasser et réaménager l’ensemble édifié avant la Révolution pour le duc d’Orléans. »
Cascaro : « En 1984 Jack Lang exprime sa volonté de réaménager les jardins du Palais-Royal. […]. La commande faite à Buren entre dans ce cadre, un artiste contemporain venant donner vie à la Cour honneur du Palais-Royal utilisée alors comme parking. »
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Zemmour (p. 291) : « Le ministre socialiste comptait bien achever les travaux avant les élections législatives du 16 mars 1986. Mais, à la suite d’une plainte des riverains du Palais-Royal, une décision de justice les interrompit. À partir de janvier 1986, Le Figaro, dans la grande tradition de la presse française, sonnait la charge contre ce qu’on appela avec un brin de mépris « les colonnes de Buren ». »
Cascaro : « Jack Lang espérait achever ces travaux contestés avant échéance électorale des législatives du 16 mars 1986. Dès le mois de janvier 1986 dans une violente campagne de dénonciation le journal Le Figaro et des riverains du Palais-Royal obtenaient par une décision judiciaire arrêt des travaux. »
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Zemmour (pp. 291-292) : « La campagne électorale s’en empara, les politiques s’empoignèrent, l’opinion se passionna. La querelle artistique devint idéologique et politique. »
Cascaro : « Le climat de campagne électorale a transformé une certaine conception de la politique culturelle en un clivage politique. »
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Zemmour (p. 291) : « En France, l’affaire des « colonnes de Buren » est une date historique : elle marque la défaite définitive des Anciens et la victoire absolue des Modernes. »
Cascaro : « Nouvelle querelle des Anciens et des Modernes l’ « affaire des colonnes de Buren » a mobilisé de nombreux acteurs et divisé un grand nombre de Français. »
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Zemmour (p. 291) : « Pour la cour d’honneur, Jack Lang commanda à Daniel Buren une œuvre qui s’intitulait Les Deux Plateaux. »
Cascaro : « En juin 1985, le ministre de la Culture, Jack Lang, passait commande à l’artiste Daniel Buren d’une œuvre pour occuper la cour d’honneur du Palais-Royal. »
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Zemmour (p. 292) : « Daniel Buren était un artiste militant. Depuis les années 1960, il se définissait en « provocateur du système idéologique dominant » ; il était l’héritier lointain des pères de l’art abstrait, les Russes Kandinsky et Malevitch, et de la célèbre formule de ce dernier : « Ce que je veux, c’est la négation de ce qui nous précède. » En passant commande à Buren, Jack Lang montrait qu’il ne craignait pas l’« art subversif ». »
Cascaro : « Depuis 1965 Daniel Buren s’est comporté comme provocateur du système idéologique dominant. Par là il entend remettre en cause le pouvoir des institutions artistiques, notamment celui des conservateurs ou des commissaires d’expositions. Par cette commande Jack Lang prouve que l’Etat ne craint pas l’art subversif. »
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Zemmour (p. 292) : « Quand on lui reprocha d’être récupéré, Buren se défendit en rhétoricien habile : « N’est-ce pas à l’intérieur de l’institution que l’on pose le mieux les questions qui la concernent ? » »
Cascaro : « Daniel Buren, en l’acceptant, prend le risque de la récupération tout en conservant son attitude critique : « N’est-ce pas intérieur de l’institution que l’on pose le mieux les questions qui la concernent. » Opus International 113, avril 1989
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Zemmour (p. 293) : « Le sénateur RPR Taittinger et le rédacteur en chef du Figaro Magazine Louis Pauwels proposaient de convoquer un référendum populaire. »
Cascaro : « Les opposants eux veulent soumettre le projet à un référendum parisien, proposition du sénateur Taittinger et du rédacteur en chef du Figaro-Magazine Louis Pauwels), seule voie à leurs yeux réellement démocratique. »
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Zemmour (p. 294) : « Dans les grands médias télévisés, ceux-ci dominaient. Le groupe d’initiative pour l’œuvre de Buren reçut le soutien de Jacques Derrida, Pierre Boulez, Georges Duby, et même Lise Toubon, l’épouse très « branchée » du secrétaire général du RPR, tandis que l’association des amis du patrimoine (Claude Lévi-Strauss, Jacques Soustelle, Henry Troyat, Michel Déon) écrivait au président de la République pour protéger la beauté du site. »
Cascaro : « L’élan est tel que le Figaro-Magazine reproche l’usage quasi unilatéral de la télévision et de la radio au profit des partisans de Buren. Ainsi le Groupe initiative pour l’œuvre de Buren […] reçoit ainsi le soutien de personnalités aussi diverses que Pierre Boulez, Jacques Derrida, Georges Duby, et même Lise Toubon, épouse de Jacques Toubon, député et secrétaire général du RPR. […] Le président de la République demeure un interlocuteur sollicité (Michel Parent […] fait signer par une première liste de personnalités : René Huyghe, Claude Lévi-Strauss, Jacques Soustelle, Henri Troyat, Michel Déon) par les associations. »
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Citations identiques
Zemmour (p. 291) : « Le socialiste Jack Lang reprenait une très vieille idée d’un de ses prédécesseurs, le gaulliste Maurice Druon, qui avait déclaré le 23 mai 1973 à l’Assemblée nationale : « J’envisage une opération particulière au Palais-Royal pour faire revivre cet ensemble et, à l’instar de ce qui se fait dans certaines villes nouvelles, redonner à notre capitale le sens de la place dans la Cité, la place où l’on marche, le lieu d’échanges où se rencontrent chalands, flâneurs, visiteurs, fonctionnaires, et marchands. » »
Cascaro commence son article par cette même citation de Druon, commençant à « J’envisage » et terminant à « marchands », en indiquant en note de bas de page : « Jamais Jack Lang n’a évoqué ce projet (le connaît-il seulement ?) voulu par son très conservateur prédécesseur au ministère douze ans auparavant. »
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Zemmour (p. 293) : « Buren, méprisant, répondit : « L’art ne peut être plébiscité pour avoir le droit d’exister. » »
Cascaro : « Pour Buren « l’art ne peut être plébiscité pour avoir le droit d’exister » »
2ème plagiat : Jean-Claude Valla
Avec Louis Pauwels au Figaro Magazine, par Jean-Claude Valla. Ce texte figure en annexe du dernier livre d’Alain de Benoist : Au temps des idéologies « à la mode », recueil d’articles parus dans Le Figaro Dimanche et Le Figaro Magazine de 1977 à 1982.
Phrases proches
Zemmour (p. 183) : « On n’avait pas connu d’attentat à Paris depuis la guerre d’Algérie. Huit jours plus tôt, une explosion à la fête de la bière de Munich avait fait 13 morts ; deux mois auparavant, une bombe à la gare de Bologne avait tué 85 personnes. »
Valla : « L’émotion fut d’autant plus grande que cet attentat, le premier de cette ampleur en France, intervenait huit jours après celui de la Fête de la bière à Munich qui avait fait treize morts, et deux mois après celui de la gare de Bologne où quatre-vingt-cinq personnes avaient trouvé la mort. ».
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Zemmour (p. 185) : « En juillet 1981, Gaston Defferre, devenu ministre de l’Intérieur, exigeait encore que la police dirigeât ses recherches vers les milieux d’extrême droite. »
Valla : « En juillet 1981 Gaston Defferre, nouveau ministre de l’Intérieur, tentait encore de relancer la piste de « l’extrême droite ».
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Zemmour (p. 186) : « Dix ans plus tard, des tombes juives furent profanées à Carpentras. »
Valla : « Pierre-Bloch et Lévy venaient d’inventer la thèse du « climat » que l’on verra ressurgir dix ans plus tard après la profanation du cimetière juif de Carpentras. »
Citations identiques
Zemmour (p. 185) : « Bernard-Henri Lévy, à l’époque proche de Mitterrand, bouclait la boucle dans Le Quotidien de Paris : « Tout le ramdam qu’on a fait récemment autour des thèses élitaires, indo-européennes, parfois eugénistes, des sous-développés de la Nouvelle Droite par exemple, a préparé le terrain à la situation d’aujourd’hui… Le Figaro Magazine, en un sens, c’est pire que Minute ; c’est ce qui permet à des milliers de gens de penser qu’on peut être fasciste sans être un nervi ou une brute de la FANE. » »
Valla : « Le lundi suivant, Bernard-Henri Lévy prenait le relais dans Le Quotidien de Paris : « C’est toujours délicat d’établir des liens de cause à effet entre les discours et les actes. Mais il ne me paraît pas absurde de dire que tout le ramdam qu’on a fait récemment autour des thèses élitaires, indo-européennes, parfois eugénistes, des sous-développés de la Nouvelle Droite, par exemple, a préparé le terrain à la situation d’aujourd’hui. » Et le sous-penseur de la gauche-caviar ajoutait : « Le Figaro Magazine, en un sens, c’est pire que Minute ; c’est ce qui permet à des milliers de gens de penser qu’on peut être fasciste sans être un nervi ou une brute de la Fane. »
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Zemmour (p. 184) : « Deux jours après l’attentat, à Tarbes, Mitterrand rappelait la présence d’« activistes d’extrême-droite » dans les rangs du service d’ordre du candidat Giscard en 1974. Dans Le Monde, Jean-Pierre Chevènement enfonçait le clou : « La vérité est qu’une véritable osmose s’est créée entre une partie du personnel dirigeant giscardien et l’extrême droite française, de Vichy au Club de l’horloge en passant par l’OAS. » »
Valla : « « La vérité, écrivait Jean-Pierre Chevènement dans Le Monde du 8 octobre, est qu’une véritable osmose s’est créée entre une partie du personnel dirigeant giscardien et l’extrême droite française, de Vichy au Club de l’Horloge en passant par l’OAS. » Trois jours plus tôt, François Mitterrand, de passage à Tarbes, avait déjà […] rappelé la présence « d’activistes d’extrême droite » dans les rangs du service d’ordre du candidat Giscard en 1974. »
Autres
Bien que cela ne relève pas du plagiat, on s’amusera de la lecture du plaidoyer pro-Zemmour de l’hebdomadaire Rivarol (qui m’a qualifié notamment de "vilain cafard juif") dont voici la conclusion :
"On pourrait certes émettre quelques objections contre certaines analyses inabouties de Zemmour. Selon nous le déclin de la France est bien antérieur aux quarante dernières années, le gaullo-bonapartisme qu’il affiche nous paraît, à bien des égards, discutable, le rôle de la franc-maçonnerie et de certains éléments juifs dans ce qui s’apparente davantage à un génocide programmé qu’à un suicide eût pu être mis davantage en évidence, tout comme le rôle dévastateur de Vatican II dans la déchristianisation du pays et dans la perte de tous ses repères spirituels, moraux et familiaux. Reste qu’il s’agit dans l’ensemble d’un bel et bon livre qu’il faut lire et méditer, même si les lecteurs de RIVAROL n’y apprendront pas grand-chose tant il correspond à ce que nous répétons in deserto depuis des décennies. Mais au moins le juif sincèrement patriote Zemmour a-t-il, lui, le droit de dire beaucoup de vérités devant des millions de téléspectateurs. Même s’il est bien tard pour dresser tous ces constats de faillite, il est toujours bon que la vérité soit dite, quels qu’en soient l’origine et le canal de diffusion, car c’est bien connu, seule la vérité rend libre."
Rivarol continuera-t-il de soutenir un plagiaire ? Pour notre part, nous partageons plutôt l’analyse très critique vis-à-vis de Zemmour de l’Institut Coppet, dont voici la conclusion :
« Zemmour fasciste, n’est-ce pas un peu fort ? Il est vrai que le personnage a malgré tout l’air sympathique et peu porté sur la violence, mais ce qui m’intéresse ici n’est pas l’individu, mais ce à quoi mènent les idées qu’il défend, et qui viennent de s’écouler à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires en un mois. Zemmour mélange nationalisme, étatisme, culte de l’ordre social embrigadé dans le communisme, mépris répété des droits de l’homme et des droits individuels. C’est précisément le cocktail fasciste. Il n’y a pas un « danger Zemmour », il y a un danger fasciste, disons plutôt boulangiste pour exprimer sa profonde confusion idéologique, son caractère désorganisé et hasardeux. Ce danger n’a jamais existé durant les décennies où on cherchait à effrayer le peuple avec la montée du FN. Mais à force de crier au loup, à force de discours antilibéraux et de politiques désastreuses, nos gouvernants, et les médias qu’ils achètent à coups de subventions, ont bien remué le shaker et concocté contre eux-mêmes une émulsion très inquiétante. Et le livre d’Eric Zemmour est pratiquement une synthèse doctrinale de ce boulangisme qui s’annonce, réunissant les orphelins du Parti Communiste triomphant, les vieux gaullistes, les vieux poujadistes, et potentiellement, selon l’aggravation de la situation, tout ce qu’il y a d’antilibéral dans ce pays, c’est-à-dire beaucoup de monde dans une France où l’ensemble de l’échiquier politique est pénétré par les thèses socialistes. Avec Eric Zemmour, c’est carrément le passage du marxisme à l’extrême-droite qui est consacré. Le Suicide Français, c’est le monstrueux hybride entre le Front National et le Front de Gauche qui menace, aujourd’hui, de faire basculer notre pays. En considérant ce nouveau socialisme de droite, le titre du livre est moins un diagnostic qu’un programme. »
Tags : Livres - Littérature Eric Zemmour Polémique
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