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Commentaire de Erca

sur Débat Mediapart sur la démocratie


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Erca 24 mars 2012 16:59

"Parler de démocratie comme d’un objet éternel ne me paraît pas pertinent. La démocratie se mesure toujours relativement à un contexte, et un processus en cours."

=> Je suis plutôt d’accord avec vous. La démocratie, c’est historiquement et avant tout le régime athénien des -Vème et -IVème siècles. A l’époque moderne, on peut certes lui emprunter des idées, des institutions, mais certainement pas la reproduire hic et nunc, pour des tas de raisons. Il me semble donc pertinent, si l’on veut réinventer notre régime politique avec lequel on ne pourra rompre intégralement du jour au lendemain, de réinventer des concepts, comme l’a fait par exemple François Amanrich avec la clérocratie. Les révolutions occidentales modernes ont vu resurgir les concepts politiques de l’Antiquité : s’il est évident que l’homme est toujours influencé par l’histoire et s’inspire nécessairement en bonne partie des expériences passées (jusqu’à parfois se masquer à lui-même ses véritables valeurs et ses véritables projets), il doit aussi introduire une part d’innovation pour être véritablement en phase avec son temps. Les gouvernements représentatifs ont constitué une véritable innovation au XVIIIème siècle : à nous de marquer une nouvelle étape, plutôt que de tenter de reproduire servilement et naïvement un modèle inscrit dans une réalité sociale, culturelle et géopolitique qui n’a plus rien à voir avec la nôtre.

"Rien ne dit que le meilleur système qu’on puisse imaginer aujourd’hui ne se révèle finalement, à l’épreuve des faits, peu démocratique (on parle par exemple des assemblées citoyennes dans cet entretien, avec la question de savoir si ce système n’est pas ultra aristocratique, puisqu’il privilégie certainement le talent oratoire, qui n’est qu’un talent particulier qui n’a pas forcément à voir avec la compétence ou la pertinence : je ne tranche pas la question, je pointe juste qu’il faut toujours être prudent, et donc ne pas essentialiser ce qui est vraiment démocratique et ce qui ne l’est pas)."
=> Je ne sais pas si vous connaissez le classique de Robert Michels, Les Partis politiques, mais l’idée que vous dessinez le traverse de part en part : les hommes étant ce qu’ils sont, ils ne peuvent jamais prétendre à une organisation purement égalitaire. Comme le disait Rousseau, une démocratie idéale ne pourrait exister qu’avec des dieux. La démocratie athénienne était une forme d’aristocratie : par exemple, les contrôles et les sanctions assorties au tirage au sort, procédure centrale à Athènes, conduisait à un filtrage très important, à un degré comparable avec celui d’une élection. Et comme vous le dites, ce n’était pas n’importe qui qui osait prendre la parole à l’assemblée, devant 6000 personnes. En fait, j’ai l’impression que la distinction que l’on établit entre la démocratie ("pure" si j’ose dire, telle qu’elle a été conçue à Athènes) et ce que l’on a coutume d’appeler l’oligarchie, réside dans la façon de distribuer le pouvoir au groupe dominant : si celui-ci constitue une classe dominante relativement explicite et identifiable socialement en oligarchie, il est beaucoup plus indéterminé en démocratie, beaucoup plus inclusif de jure mais à un degré assez négligeable de facto.

"A ce compte là, on constate, comme si bien dans cet entretien, que nous vivons une crise de la démocratie, c’est à dire un moment où les dysfonctionnement, insuffisances et énormes lacunes de notre système d’institutions sensés garantir la démocratie, sont particulièrement, et de plus en plus visibles, palpables, et de moins en moins acceptés."
=> Il est clair que nous vivons une crise assez vivace de la représentation politique, mais le gouvernement représentatif est depuis le début traversé par des crises : c’est inscrit dans son génome. Car sa légitimité est essentiellement de nature performative : en effet, les citoyens acceptent le régime tant qu’ils se sentent représentés, mais il peut basculer à partir du moment où ils en décident autrement, bien que les dirigeants aient acquis le pouvoir légalement. Si on a une lecture rousseauiste, on constate que c’est un régime foncièrement illégitime puisque le droit qu’il instaure réside avant tout dans la force de ceux qui sont au pouvoir et que les gouvernés consentent à leur confier. Dans la démocratie athénienne, toute révolution ne pouvait être qu’un coup d’Etat étant donné que le pouvoir n’était pas identifiable et qu’il était disséminé. Dans le gouvernement représentatif, une révolution est légitime à partir du moment où elle a l’appui de la majorité, bien qu’elle soit illégale d’un point de vue juridique. Mais qu’est-ce qu’un droit qui ne s’appuie que sur le pouvoir de la force et le consentement de la majorité ? De la tyrannie et de la fumée (puisque tout tyran ne tient que tant qu’il a un rapport de forces favorable)...

"Tout ceci se joue dans un processus où une force politique montante, le FdG, propose une constituante, élue au suffrage universel, dont les élus ne doivent jamais avoir été élus et ne pourront plus l’être ensuite."
=> Ne pensez-vous pas qu’une Constituante tirée au sort permettrait de la rendre désintéressée de façon plus efficace ? Dans le cadre que vous proposez, les inéligibles peuvent tout à fait promouvoir des agents à leur solde s’ils ont les manettes d’un parti puissant...

"Il paraît assez naturel d’imaginer que l’évolution de la démocratie peut se faire par étapes (à moins de vouloir absolument que ça se fasse du jour au lendemain, donc par la violence, et avec grosse instabilité à la clé), en passant par un système mixte avec des chambres élues combinées à des chambres tirées au sort."
=> Cela me paraît effectivement le compromis le plus raisonnable. Il s’agirait d’un amendement majeur du gouvernement représentatif, sans en sortir complètement pour autant.

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