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Commentaire de Walid Haïdar

sur Mélenchon et l'écologie : intervention au forum alternatif de l'eau


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Walid Haïdar 24 mars 2012 17:18

Mais comment peux-tu croire que le FN n’est pas libéral ?


As-tu écouté le fondement de sa stratégie vis à vis du FN, de l’UMP et du PS ?

Allez, je vais te la donner, il l’a énoncée plusieurs fois, et même si on peut ne pas être d’accord, j’attend qu’on me démontre que cette position n’est pas cohérente. Mais j’espère vraiment que tu liras avec attention et surtout bonne foi (et c’est parce que tu me sembles ouvert que je prend cette peine) : je suis désolé, j’ai du prendre la peine de partir du début, parce que les choses ne prennent leur sens qu’à l’aune du processus réel qui les conditionne.

1/ En quoi consiste le Front de Gauche à la base ? Le front de gauche est un rassemblement de forces du NON de gauche de 2005, qui souhaitent s’affirmer à gauche d’un PS trop libéral à l’occasion des européennes de 2009.

2/ Qu’est-ce le Parti de Gauche ? Le parti fondé par Mélenchon lorsqu’il démissionne du PS en 2008. Cette démission est l’aboutissement de 30 ans de militantisme ardent à l’intérieur du PS, dans des courants toujours minoritaires, toujours raillés, toujours méprisés. En 2008, après le congrès qui voit la défaite assez lourde de la motion Hamon soutenue par Mélenchon, ce dernier prend acte de ce qu’il est temps pour lui de renoncer à sa volonté de réorienter le PS de l’intérieur, et de tenter de le faire de l’extérieur. Le parti de gauche est à l’initiative du FdG, et en fait partie, avec le PC, et divers courants de la gauche radicale, y compris des dissidents du NPA.

3/ Après les européennes, le FdG poursuit son unité pour les régionales, et c’est payant, puisque la barre des 10% est dépassée.

4/Mélenchon écrit peu après "qu’ils s’en aillent tous", où il expose une vision succincte mais assez générale de la France et du monde : un grand chambardement du pouvoir économique et politique doit avoir lieu, car nous pataugeons dans un marasme qui doit énormément à l’oligarchie qui a la main mise sur la France, et de manière générale, sur le monde. Le peuple doit relever la tête et s’affirmer en face des soit-disant experts et politiciens responsables, en réalité chiens de garde ordinaires du système capitaliste réel, celui que nous vivons : le capitalisme financier. Il sent qu’il y a donc un MOMENT politique qui se joue, et annonce simultanément que le FdG doit la saisir en présentant un candidat unique à la présidentielle sur la base d’un programme commun. L’idée n’est pas du tout évidente à mettre en oeuvre.

5/Au départ, non seulement la candidature unique n’est pas du tout jouée d’avance, mais surtout, l’objectif qu’il y a derrière n’est pas du tout envisagé de la même manière selon les divers courants. Si le parti de gauche et en particulier Mélenchon sentent qu’inéluctablement les conditions vont se préciser pour une radicalisation (en vérité, un simple réveil) de l’opinion de gauche, et donc pour en fin de compte dominer à gauche devant le PS, ce n’est pas du tout l’opinion dominante ailleurs dans le Front de Gauche. Aujourd’hui, ce sentiment est beaucoup plus largement partagé dans le Front de Gauche, mais pourquoi ?

6/Mélenchon brigue la candidature du FdG et l’emporte assez largement comme nous le savons, y compris au PC avec 60% des voix, ce qui est remarquable. Il met à cette occasion en lumière une tendance qui se dessinait à la base du PC et dans une partie de sa tête, à savoir qu’une majorité nette du PC est dorénavant favorable à une stratégie d’affirmation vis à vis du PS, et non plus seulement dans une attitude d’alliance tiède motivée au fond par des fauteuils à divers échelons du pouvoir. Depuis ce vote assez massif, la tendance s’est encore accentuée, puisqu’on constate que les militants du PC, même hostiles à la base, ou sceptiques, sont de plus en plus conquis et enthousiastes par la stratégie et la campagne de Mélenchon : c’est d’ailleurs un phénomène qui s’auto-alimente, la force engendrant la confiance dans un cercle vertueux.

7/ Aujourd’hui, fort du succès de sa stratégie, Mélenchon est sur le point de remporter une bataille décisive (il fait même comme si c’était déjà joué, c’est la méthode coué et à mon avis en l’occurrence c’est efficace) : celle de l’émancipation radicale du PC vis à vis du PS, et donc d’une unité beaucoup plus forte du FdG, qui va permettre, nous l’espérons, de consolider et maintenir le projet de plus en plus envisageable de passer devant le PS à terme (si c’est pas 2012, ce sera pendant les élections intermédiaires ou 2017).

8/ Il n’y a pas d’amalgame entre l’UMP et le PS, chez nous. Il y a bien des gens qui ne se déplaceront pas au second tour si c’est Hollande (ce n’est pas mon cas), mais nous ne disons pas que Sarkozy vaut Hollande, ou que Guéant et Hortefeux valent Valls et un autre, ni même que les deux programmes se valent (par contre nous pensons que les deux programmes n’ont que peu de consistance). De plus il y a au PS des militants et des hommes qui sont proches de nos positions : nous (je parle de ceux qui sont parmi nous plutôt proches de l’analyse de Mélenchon) n’en faisons pas abstraction, et SURTOUT, nous pensons que stratégiquement, la victoire du PS est beaucoup plus souhaitable que la victoire de l’UMP (je ne parle même pas du FN, car nous considérons qu’il s’agit d’un parti ultra libéral sur le plan économique (en dépit des ravalements de façade incohérents), et absolument incompatible avec nos idées, et nos conceptions de la vie et du monde (toujours en dépit des divers maquillages à deux sous). D’abord pour la France, nous pensons que l’UMP fera un travail encore bien pire que celui du PS. Mais cela ne nous empêche pas d’être parfaitement conscients que nous sommes radicalement en désaccord avec le PS. L’autre raison, qui se combine à la précédente, c’est qu’il nous paraît très clair qu’une grosse dynamique du FdG à la présidentielle signifierait dans la foulée une grosse dynamique aux législatives, et donc que le FdG, dans une majorité de gauche, mais sans s’abaisser dans des négociations de coin de table (cf le point suivant), pourrait peser très fort, combiné à la pression populaire qui ne manquera pas (ba oui, austérité implique colère populaire) d’orienter se façon substantielle l’orientation du PS pendant cette législature, et pourquoi pas en son propre sein, en réveillant ses militants, comme l’ont été ceux du PC, déjà assez partants. Une explosion du PS avec un sous parti centriste et une aile gauche qui rejoindrait le FdG ou carrément le PG ? pourquoi pas...

9/ Mélenchon a affirmé plusieurs fois qu’il n’était PAS QUESTION de négocier à la va vite quoi que ce soit, sur aucune base programmatique sérieuse. Il a demandé à débattre avec le PS sur le fond depuis très longtemps, et n’a reçu que mépris et insultes, le débat lui a été refusé, il a été snobé. Ensuite Hollande a affirmé de toutes façons qu’il n’y avait rien a négocier, et que seuls ceux qui sont d’accord avec son programme pourraient participer à quoi que ce soit. Il n’y a donc strictement aucune raison que le FdG négocie avec le PS, et cela n’arrivera pas (sauf éventuellement quelques opportunistes dissidents et encore, mais ce ne sera pas la ligne du Front). Mais par contre la volonté de battre la droite, quelle qu’elle soit, reste intacte (pour les raisons exposées au point précédent), et ne se négociera pas : ceux qui pensent ainsi se déplaceront au second tour pour voter Hollande s’il y est (c’est mon cas). Ceci étant dit, Mélenchon l’a dit et tout le monde le sait : si Hollande veut les voix des électeurs du FdG, c’est à Hollande de convaincre et Mélenchon ne pourra rien pour lui (sauf convaincre du bien fondé de la stratégie ci-dessus, mais statistiquement, on sait très bien que si Hollande ne convainc pas, Mélenchon ne le fera que très partiellement par le biais d’arguments de stratégie : moi même des fois franchement j’ai envie de dire merde à ce gros naze, mais c’est pas lui qui compte en vérité, c’est la stratégie).

10/ Enfin (ouf !) Mélenchon (et moi avec) est convaincu que les points centraux du programme commun (planification écologique, 6ème république par constituante) sont absolument incontournables, et que si le PS ne les met pas en oeuvre (ce qui est très probable), il ira dans le mur, et alors le FdG prendra le pouvoir. Parce que le travail de militants et de débat citoyen ne va pas s’arrêter après les élections. On va continuer de faire vivre le débat et le programme du Front de Gauche dans la société, maintenir cette tension, et le PS, nous le pensons (mais peut-être qu’on a tord), va soit se réformer profondément et voir la domination de son aile gauche, soit exploser en vol, au plus tard lors des échéances de 2007.

Voilà, désolé pour la longueur. Je conçois parfaitement qu’on puisse ne pas être d’accord avec cette analyse, ne pas voir les mêmes tendances et les mêmes enjeux. Par contre je ne vois pas ce qu’il y a d’incohérent là dedans. Pas évident, OK, discutable, OK, mais c’est, relativement à d’autres schémas dans les autres partis ou courants, plutôt cohérent, et surtout fondé sur du FOND, et pas de la forme, pas des enjeux superficiels, et ça c’est assez remarquable (même si ça devrait toujours être le cas, force est de constater ce ne l’est pas).

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