Ce que vous dites sur les effets déshumanisant de la ville m’ a fait penser à ces passages de " retour au meilleur des mondes " :
- " Notre société occidentale contemporaine, malgré ses
progrès matériels, intellectuels et sociaux, devient rapidement moins propre à
assurer la santé mentale et tend à saper, dans chaque individu, la sécurité
intérieure, le bonheur, la raison, la faculté d’aimer ; elle tend à faire de
lui un automate qui paie son échec sur le plan humain par des maladies mentales
toujours plus fréquentes et un désespoir qui se dissimule sous une frénésie de
travail et de prétendu plaisir.
- La vie urbaine est anonyme et pour ainsi dire abstraite.
Les êtres ont des rapports non pas en tant que personnalités totales, mais en
tant que personnifications de structures économiques ou, quand ils ne sont pas
au travail, d’irresponsables à la recherche de distractions. Soumis à ce genre
de vie, l’individu tend à se sentir seul et insignifiant ; son existence cesse
d’avoir le moindre sens, la moindre importance.
-Le tout social dont la valeur est censée être supérieure
à celle de ses composants n’est pas un organisme au sens où la ruche et la
termitière en sont un. Ce n’est qu’une organisation, un rouage de la mécanique
sociale. Il n’existe de valeur qu’en fonction de la vie et de la conscience
qu’en prend l’individu ; or, une organisation n’est ni consciente, ni vivante,
et sa valeur est celle d’un instrument, dérivé. Elle ne saurait être bonne en
soi, elle ne l’est que dans la mesure où elle contribue au bien des individus
la composant.
- Nos « maladies mentales toujours plus fréquentes »
peuvent trouver leur expression dans les symptômes des névroses, très voyants
et des plus pénibles.. Ces derniers ne sont pas nos ennemis, mais nos amis ;
là où ils sont, il y a conflit et un conflit indique toujours que les forces de
vie qui luttent pour l’harmonisation et le bonheur résistent encore ». Les
victimes vraiment sans espoir se trouvent parmi ceux qui semblent les plus
normaux. Ces millions d’anormalement normaux vivent sans
histoires dans une société dont ils ne s’accommoderaient pas s’ils étaient
pleinement humains et s’accrochent encore à « l’illusion de l’individualité »,
mais en fait, ils ont été dans une large mesure dépersonnalisés".