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Commentaire de ffi

sur Quand Jean Bricmont parle de Dieudonné sans se faire couper la parole (CSOJ / Taddeï)


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ffi 12 janvier 2014 14:13

Intéressant qu’il relève le fait que ce qui est condamnable est l’incitation à la haine et non le "racisme" en tant que tel.
 
Le montage juridique actuel me semble assez tordu à vrai dire...
 
La discrimination est définie à l’article 225-1 du code pénal :
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Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de l’apparence physique, du patronyme, de l’état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des moeurs, de l’orientation ou identité sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales.

On voit que l’ambition universaliste de notre droit oblige à citer toute une série de cas particuliers. Or une liste de cas particuliers n’est jamais une généralité universelle. Dans la loi, le dispositif se traduit donc comme une liste de privilèges. Cette liste est susceptible de s’étendre à l’infini. Mais l’application peut montrer des contradictions, et il faudra donc parfois établir une hiérarchie entre les discriminations en ce cas. J’y reviens plus bas.
 
Maintenant, que signifie "discrimination" en langue française ?
"Action, fait de différencier en vue d’un traitement séparé (des éléments) les uns des autres en (les) identifiant comme distincts. Synon. distinction."
C’est donc distinguer entre plusieurs alternatives afin d’opter pour l’une d’entre elles.
On voit bien que "discriminer", est à la racine de la faculté de choisir, et donc que c’est l’exercice naturel de la liberté.
 
Comment est punie la discrimination ? (Article 225-2)
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La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 Euros d’amende lorsqu’elle consiste :

1° A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;

2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;

3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;

4° A subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1 ;

5° A subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1 ;

6° A refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.

Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 Euros d’amende.

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On voit tout de suite que :
1°/ L’ambition universaliste de notre droit oblige à nouveau à faire une liste de cas particuliers, qui est donc susceptible de s’allonger démesurément avec tous les risques de contradictions que cela comporte. Par exemple, si un artisan maçon du BTP désire employer un homme pour réaliser des travaux de forces, et qu’à ce titre il refuse d’embaucher une femme enceinte pour ce travail, il est susceptible de tomber sous le coup de la loi, parce il refuse d’embaucher une personne (faute citée dans l’article l’article 225-2) en raison de son sexe et de sa grossesse (discrimination illégale visée à l’article 225-1)... Bref : une femme enceinte pourrait traîner devant les tribunaux un artisan qui refuse de l’embaucher pour des travaux de force...

2°/ a. Dans l’article 225-1, il existe la notion de discrimination en raison des opinions politiques.
2°/ b. Dans l’article 225-2, le refus de louer une salle de spectacle est pénalisable au titre du refus de fournir un bien ou un service. L’arrêté d’interdiction des maires est pénalisable au titre d’entrave à l’activité économique.
2°/ c. Dieudonné est discriminé pour ses opinions politiques, vraies ou supposées.
 
La situation est intéressante, car Dieudonné nous dévoile la manière dont est traité le paradoxe. La simple présomption d’incitation à la haine d’une population (car en effet, c’est plutôt une incitation à la rigolade en vérité) permet de légitimer une discrimination politique.
 
Voilà donc une bonne illustration de la manière dont cette loi faussement universaliste, car fondée sur une liste non exhaustive de cas particuliers, résout ses inévitables contradictions internes : il faut hiérarchiser entre les divers cas particuliers.
 
Il s’ensuit que certaines protections vont prioritairement à certains cas particuliers.
 
Ces lois sont donc en effet faussement universalistes,
et leur application en fait des privilèges.


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