Tiens, cadeau pour toi Riton, un petit passage de Junger qui parle de toi. Comme tu ne risques pas de te reconnaître, je te l’indique : " On a même pu voir les victimes s’associer au chœur qui les condamnait."
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"Le navire représente l’être temporel, et la forêt, l’être
supra-temporel. A notre époque de nihilisme, l’illusion d’optique se
répand selon laquelle le mouvement paraît gagner du terrain au détriment
de l’immobile. En réalité, tout ce que notre époque déploie de
puissance technique n’est qu’une effulgescence passagère des trésors de
l’être. Si l’homme parvient à y pénétrer, ne fût-ce que l’espace d’un
éclair, il en rapportera l’assurance : le temporel ne perdra pas
seulement son allure de menace ; il lui paraîtra chargé de sens.
La proscription sanctionnait en général l’assassinat, tandis que de nos
jours, elle atteint l’homme avec le même automatisme que la chance à la
roulette. Nul ne sait s’il n’appartiendra pas dès demain à un groupe de
hors-la-loi. En de tels moments, la vie perd son badigeon de culture,
car les coulisses du confort tombent et se muent en indices de
destruction. Le paquebot de luxe devient navire de guerre, à moins qu’on
ne hisse à son bord le pavillon noir des pirates, les drapeaux rouges
des bourreaux.
Du temps de nos ancêtres, le proscrit était
accoutumé à penser par lui-même, à mener une vie dure, et à n’en faire
qu’à sa tête. Plus tard, il a pu se sentir assez fort pour assumer
l’excommunication, avec le reste de son destin, et pour se créer, de son
propre chef, guerrier, médecin et juge, mais aussi prêtre. Il n’en est
plus ainsi. Les êtres sont si bien enclavés dans la collectivité et ses
structures qu’ils se trouvent presque incapables de se défendre. C’est à
peine s’ils se rendent compte de la forme toute particulière qu’ont
prise en notre siècle de lumières les préjugés. D’ailleurs, la vie vient
des prises de courant, des conserves et des tuyauteries ; d’où les
mises au pas, répétitions, transmissions de forces. La santé, elle non
plus, n’est guère brillante. Voici que brusquement s’abat la
proscription, et souvent, comme un coup de tonnerre dans un ciel
serein : tu es blanc, ou rouge, ou noir, Russe, Juif, Américain, Coréen,
Jésuite, Franc-maçon mais en tout cas plus vil qu’un chien. On a même
pu voir les victimes s’associer au chœur qui les condamnait."
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Pour les autres, Voir cet excellent article de Simone Manon