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Commentaire de Joe Chip

sur Audrey Crespo-Mara : nous sommes les caniches des américains ? Michel Onfray : "OUI" !


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Joe Chip Joe Chip 13 septembre 2015 14:00

@Qaspard

Onfray entend évidemment ici le concept de "guerre défensive" au sens moral et même philosophique : nul motif valable d’aller agresser chez eux des gens qui ne viennent pas empiéter sur notre territoire et ne nous ont rien fait. Bref, l’application au niveau collectif de l’attitude civilisée que nous sommes supposés avoir entre voisins au niveau personnel. 

Et c’est pour ça que je parle de sophisme. Pour moi, on ne peut pas extrapoler les principes du droit individuel et des relations interpersonnelles aux nations et entités géopolitiques, car il existe une différence de nature, et non de degré, entre les deux. Autrement, il existerait un droit abstrait à la sauvegarde des nations et des peuples en tant qu’entités collectives, comme le propose Hervé Juvin, et on voit bien que cela serait impossible à appliquer pour toute une série de raisons (anthropologiques, économiques...) comme l’explique très bien MaQiavel. La politique obéit à ses propres critères ("il vaut mieux être un agresseur injuste qu’un agressé juste", etc.)

@berphi

Shauble a déclaré ironiquement que l’Allemagne n’était pas plus puissante que la France puisqu’elle n’avait pas de siège permanent à l’ONU. C’est évidemment la prochaine étape sachant que l’Allemagne est déjà associée à de nombreuses négociations internationales. Je pense d’ailleurs que cela se produira durant le prochain quinquennat, la France proposera d’elle-même de "partager" - évidemment, au nom de l’Europe et du "couple franco-allemand" - son siège à l’ONU : les Allemands s’emploieront dès lors à la marginaliser comme ils l’ont fait au sein de l’Europe, et nos élites laisseront faire, comme le dit très bien MF Garraud. 

@MaQiavel

Je ne crois pas que l’alignement français à la politique atlantiste ait été une fatalité, cela serait vrai si l’empire américain était encore en situation d’hégémonie, ce qui n’est pas le cas, avec la multi -polarisation du monde.

Ce terme de multi-polarisation reste encore très vague. La Chine n’a pas encore affirmé ses ambitions internationales et se contente pour le moment de tancer les Japonais et de placer ses pions en Afrique. Les BRICS sont en décomposition - monnaies en chute libre, violences, déficits... -, la Russie est confrontée à de sérieuses difficultés économiques et peine - quoiqu’on en pense - à se hisser politiquement et économiquement au rang de superpuissance. Un grand territoire ne fait pas tout, il faut encore pouvoir le tenir. A titre personnel, je ne suis même pas certain que son partenariat avec la Chine soit si "limpide" que cela, les Chinois lorgnant avec avidité sur l’immense plaine sibérienne, vide de population et riche en ressources. Or, les Russes ne parviennent pas à développer l’est du pays, qui se traîne lamentablement dans un environnement asie-pacifique en pleine explosion économique. Je pense que les Russes redoutent une clientélisation de leur territoire et de leur économie primaire par la Chine, beaucoup plus riche et puissante en réalité. C’est pourquoi ils essaient à toute force, en dépit de leur discours, de s’ancrer diplomatiquement en Europe. 

Pour moi les USA reste la puissance dominante, sur le plan militaire il n’y a même pas photo.

La France avait d’autres cartes à jouer dans cet environnement multipolaire que l’alignement à l’empire américain .

En 2003, il n’y avait aucune multipolarité. Il y avait l’hyperpuissance américaine et ses acolytes (dont la Russie, pour pouvoir liquider tranquillement ses islamistes avec l’alibi de la guerre bushienne contre la terreur) et la France, toute seule. Cet épisode a justement révélé les limites de la posture gaullienne en l’absence d’une puissance de contrepoids comme l’Union Soviétique. Cela a montré aussi les limites du tiers-mondisme chiraquien : c’est bien gentil d’être applaudi par les représentants - éventuellement corrompus - des pays pauvres, mais cela ne fait pas une politique et nous avons été logiquement "écrasés" par les Américains ("il faut punir la France"). Villepin, au-delà des effets de manche et de l’humanisme de prétoire, c’était aussi la corruption, les relations troubles avec tout ce que le Moyen-Orient compte de dictateurs, etc... 

Cet alignement ne résulte pas qui selon moi d’une stratégie française concertée et réfléchie mais de la conquête américaine de la France par le soft power.

Je suis d’accord mais la "conquête américaine" a eu lieu il y a longtemps, au niveau de l’Europe. Je dis juste que les Français ont renoncé à une certaine prétention illusoire de pouvoir "rivaliser" avec les Américains pour s’intégrer à une dynamique occidentaliste que les élites françaises ont sans doute perçu comme inéluctable. Ceci étant dit, je continue de croire que la France reste un pays bien plus indépendant stratégiquement parlant que la plupart des pays occidentaux : autrement, les USA ne maintiendraient pas une telle défiance dans la relation transatlantique ; autrement, elle ne serait pas un des principaux exportateurs d’armes, avec des clients comme l’Inde ou l’Egypte. 

Guerre contre productive dans le sens qu’elle n’a pas servi les intérêts de la France, nous sommes d’ accord. Mais illégitime, je ne vois pas pourquoi : la guerre est toujours légitime pour celui qui la fait, sinon, il ne la fait pas. Il n’existe pas de guerre illégitime.

Je dis ça parce que je sais qu’ici aucun point de vue plus nuancé sur cette question ne peut être accepté, BHL étant dans l’affaire. Or, on oublie que la France n’a mis aucun soldat sur le sol, que des Libyens se battaient sur place, que l’intervention était légale et soutenue d’ailleurs par de nombreux Etats africains, ce que ne rappelle pas Onfray.

Kadafi, il faut le dire aussi, a fait un nombre remarquable d’erreurs et a commis une tragique surestimation du pouvoir de nuisance qu’il croyait pouvoir continuer à exercer sur les occidentaux à travers un chantage à l’immigration ("vous me soutenez où j’ouvre les vannes"), sans comprendre qu’une bonne partie des élites occidentales souhaitait de facto ouvrir les vannes migratoires pour différentes raisons. Il faut d’ailleurs se souvenir que ce sont les Français qui l’ont soutenu à bout de bras durant les années 80 et qui lui ont sauvé la peau quand Mitterrand a interdit le survol de l’hexagone par des avions américains chargés de bombarder son palais. Kadafi a cru qu’il pouvait se pointer en France, installer sa tente de bédouins dans la cour de l’Elysée et humilié ouvertement un type comme Sarkozy sans rien avoir à craindre : c’est l’histoire du vassal arrogant et fantoche qui finit par se croire indispensable et dont on se débarrasse comme un chien enragé. 


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