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Commentaire de Guit’z

sur Qu'est-ce que l'économie - Jacques Fradin


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Guit’z 16 décembre 2015 00:01

@Bainville

C’est vrai que Jésus ne craint pas de parler d’argent. Maintes paraboles font référence aux biens matériels, à la nécessité de faire fructifier les talents reçus, lesquels s’inscrivent dans la quotidienneté, et ses inévitables occurrences matérielles. Jésus n’est pas un puritain, et comme il préfère le bon vin au mauvais, il parle volontiers de pognon (même si quelques minutes par semaine semblent lui avoir suffi sur le sujet).

Mais Jésus, s’il n’hésite pas à multiplier les miracles, refuse catégoriquement de faire de l’or à partir de rien... Il s’énerve même si on le presse en ce sens. Lorsque Pierre se plaint à lui de ne pouvoir acquitter le droit d’entrée dans Jérusalem, et que Jésus lui promet que s’il mouille ses filets à tel endroit il en remontera un poisson avec une pièce d’or dans la bouche, ce n’est pas un démiurge tout-puissant qui parle mais la divine prescience d’un messie qui se découvre lui-même à mesure... Peu de miracles, donc (la magie n’est jamais la vérité...) ; et jamais, jamais, jamais de fausse monnaie ; jamais de chrématistique, d’argent pour l’argent. Sur ce point, la péripétie du carême au désert est lumineuse. Jésus, en déclinant l’offre du Tentateur, témoigne d’un parfait mépris, d’une aversion souveraine envers ce que j’appelle le "plan social" - le monde pour le monde, le monde contre l’Esprit.

C’est pourquoi j’écrivais sans rire que rendre séparément à César et à Dieu, c’est à mon avis beaucoup plus que distinguer le temporel du spirituel : demi-tartuferie qui convient aussi bien à ces Catholiques du dimanche, banquiers la semaine... le tout sans aucun problème de conscience (je connais bien ce milieu-là). Rendre séparément à Dieu, c’est prendre César pour un mal inévitable, en tâchant de se défaire des chaines qu’il fait peser sur nous (et, pour revenir à la vidéo, notamment grâce au monopole discrétionnaire qu’il exerce sur le cours de l’or, dont la volatilité contrôlée par ses soins jaloux exerce une fascination sociale proportionnelle : abondant au fond des rivières, l’or n’intéresse personne). L’État n’est qu’une ordure, et à sa raie publique il faut pisser gaiment : voilà ce que me dit le Christ.

Jésus, rabbin pieux fidèle aux prophètes, sait la tragédie du monde, l’épouvante qu’est la société enchainée à la nécessité - et, à force, au Veau d’or, à Baal... Et il se défie de cette apparente fatalité, en invoquant le destin de l’âme, qui est en Dieu. Les biens de ce monde ne valent que ce que le jour en demande. C’est pourquoi, à supposer que le monde devînt juste, notamment par le glaive (c’est tout le propos de Judas, boursier des Douze et indépendantiste de son état), la justice même ne serait pas la Charité - laquelle se passe bien de la sécurité sociale anonyme de l’État et ne peut exister que d’âme à âme, par le truchement de la grâce.

Kierkegaard dit que le christianisme est la croix de la pensée... S’il veut dire que "l’espérance est le désespoir surmonté", que la vraie joie est en quelque sorte inhumaine autant qu’antisociale, je suis de cet avis. En un sens, le christianisme est une crucifixion quotidienne ou bien une résurrection dominicale ; l’individualisme intransigeant de l’âme ou bien la plus mollassonne des coteries. On chercherait en vain une quelconque doctrine sociale dans l’Évangile ; celle de l’Église et des Démocrates-Chrétiens n’est donc qu’aimable foutaise, contorsion de castrats et trafic d’Indulgences.


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