• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


Commentaire de Joe Chip

sur Amerigeddon


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Joe Chip Joe Chip 10 août 2016 14:23

@maQiavel

C’est une question qu’il serait trop vaste à abordé ici d’autant plus que les catégories françaises ne permettent tout simplement pas de comprendre exactement ce qui est en jeu mais ce qu’il faut retenir, c’est que cette suspicion de volonté de désarmer les américains est loin d’être absurde , elle s’inscrit dans un contexte global et une tendance bien réelle à la centralisation fédérale qui est perçue comme , à mon avis à raison , une dérives oligarchiques au fédéralisme , au viol de la constitution et à la centralisation sécuritaire sous des prétextes divers et variés.

Je suis plus que sceptique sur la volonté politique de "désarmer" le peuple - qu’aucun élément concret ne permet d’étayer - quand bien même cela serait matériellement faisable. Je ne vais pas revenir là-dessus. Même en France avec une restriction générale il y a toujours des millions d’armes en circulation.

Ce qui nous ramène à Alex Jones, car seules des opérations militaires ou paramilitaires dirigées contre la population permettraient de récupérer les armes à moyen terme. Il me paraît donc impossible de relier la volonté de réguler l’accès aux armes à feu à une volonté plus générale de désarmer le peuple, sans entrer dans une logique ouvertement complotiste.

Pour le reste je suis assez d’accord, d’ailleurs je laisse aux Américains leurs catégories et je ne prétends pas avoir autre chose qu’un point de vue français sur la situation. 

Par contre, je ne parlerais pas de dérive fédéraliste car celle-ci est inscrite politiquement dans l’histoire américaine au même titre que l’individualisme. C’est la vieille opposition entre les hamiltoniens, partisan d’un fédéralisme fort, et les jeffersoniens, partisan d’un Etat aux prérogatives limitées. Aucune n’est plus américaine que l’autre, les deux tendances sont en interraction permanente, comme la tendance interventionniste/messianiste et isolationniste sur le plan de la politique étrangère. 

Et effectivement, la détention d’armes y est vu comme une liberté fondamentale, ce qui n’est pas pour me déplaire ceci dit en passant.

Du fondamental au fondamentalisme... de mon point de vue, c’est justement cette religiosité qui pose problème, tant sur le plan de la politique étrangère qu’au niveau des libertés individuelles. Il me paraît difficile de dénoncer l’une sans critiquer l’autre. De "vous n’avez absolument aucun droit de m’empêcher de posséder une arme" à "vous n’avez absolument aucun droit de m’empêcher d’envahir ou de déstabiliser tel pays", c’est au fond l’application du même principe "fondamentaliste". Je crois que ça explique aussi la très grande complaisance du pouvoir américain à l’égard du fondamentalisme sunnite et une certaine proximité de vue, notamment dans le rejet des souverainetés nationales. 

De là dire que les fondements historiques des communautés afro-américaines n’est pas la violence est faux. Et l’existence de militants pour la cause civique mettant l’accent sur la non violence ne change rien à cette réalité, les militants ne sont jamais représentatifs des communautés qu’ils prétendent défendre , dans leur ensemble dont les communautés noires ont toujours été traversés par la violence , il existe des récits de ce phénomène depuis l’époque de l’exode massif des Afro-américains vers les villes industrielles après l’abolition de l’esclavage.

Martin Luther King n’était pas un simple idéologue ni un militant communautaire au sens étroit du terme, il représentait une tendance profonde et singulière au sein de la communauté afro-américaine, un pastoralisme aux racines anciennes et diverses qui a d’ailleurs souvent été interprété, à tort, comme un fatalisme, une complaisance ou une tendance à la passivité. Les premiers militants radicaux s’en sont pris violemment à cette culture, accusant les noirs bien en vue d’être les complices des blancs, des "intégrationnistes". On sait aussi que des petits criminels et autres maqueraux, auparavant ostracisés au sein de la communauté noire comme dans toute communauté saine, chevauchèrent cyniquement le thème de l’émancipation raciale pour justifier leurs activités sous l’angle du progressisme bourgeois : et beaucoup de blancs vinrent naturellement les légitimer et les conforter dans cette posture, sapant ainsi l’autorité morale des pères, des pasteurs... Marchands d’armes, maqueraux, dealers devinrent en quelques années des "rebelles" révoltés contre l’ordre blanc, presque des héros, célébrés notamment dans la blaxploitation puis, de façon plus imagée et apolitique, dans le rap. Le maquerau cynique qui assume la violence de l’Amérique : pouvoir, argent, sexe... Encore dans les années 60, les black panters venaient emmerder Jimi Hendrix en essayant de l’embrigader dans la rhétorique du conflit racial comme il l’avait fait avec tant d’autres (Malcolm X fut assassiné quand il voulut mettre à distance les radicaux). C’est aussi par patriotisme qu’il s’accapara l’hymne américain, et non pour critiquer la guerre contre le Vietnam comme les activistes tentèrent de le faire croire par la suite.

Je ne ne nie pas la violence subie et intériorisée par les afro-américains, mais la violence que l’on voit aujourd’hui se déployer dans les ghettos est pour moi d’une autre nature, et ne correspond pas aux fondements de la communauté.

C’est comme les "experts" qui veulent réduire les problèmes de la violence des banlieues françaises à la colonisation, en expliquant que les jeunes seraient pratiquement contraints de restituer la violence ou l’injustice subie par leurs ancêtres, alors même que la plupart d’entre eux n’ont aucune relation historique précise avec ces évèments. Evidemment, il y a une influence, mais les facteurs principaux sont d’ordre politique.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès