@yoananda
On pourrait mais ce n’est
pas seulement la représentativité qui ferait que le tirage au sort est le mode
de sélection démocratique par excellence.
La démocratie est en
principe le régime dans lequel les citoyens gouvernent eux-mêmes directement,
font les lois et les exécutent. Ça c’est la signification qui nous vient des
Grecs.
Dans les pays modernes
contenant des dizaines de millions d’individus, tous les citoyens ne peuvent
pas gouverner tout le temps car cela demande du temps et que le processus de
décision serait très lent (je synthétise en une phrase ce qui devrait être explicité
en dix pages).
Donc, il faut que le peuple délègue ce qu’il ne peut pas faire lui-même à un petit nombre d’individu. Comment sélectionner ces délégués ? Ça peut se faire de
plusieurs façons :
-Par l’élection : le peuple choisi en son sein des délégués. C’est
un mécanisme de sélection qui est par définition oligarchique (car il s’agit de
choisir un petit nombre d’individu pour gouverner l’ensemble). Donc ici, c’est le jugement des autres qui ouvre
l’accès aux fonctions publiques.
-Par le mérite : par des procédures de sélection spécifique,
des individus se qualifient pour pouvoir exercer une fonction publique, c’est
une procédure de sélection qui est par définition aristocratique ( car il s’agit
de choisir les meilleurs pour gouverner l’ensemble , si tant est que ce soit
possible car c’est très subjectif et qu’il faut que ce peuple arrive à se
mettre d’accord sur les critères qui définissent le meilleur , qu’ils fassent
en sorte que ce soit toujours à tout moment les meilleurs qui au gouvernent etc). Donc ici, c’est
la compétence reconnue qui ouvre l’accès aux fonctions publiques.
-Par tirage au sort : ici, on part du principe que si le peuple
ne peut pas directement exercer le pouvoir directement tout le temps, chaque
citoyen volontaire doit pouvoir tour
à tour occuper la position de gouvernant
et de gouverné. Ici , contrairement aux
deux cas précédents , on ne va pas exhorter les gouvernants à se mettre en esprit à la place des gouvernés ,
les gouvernants sont obligés de tenir compte du point de vue des
gouvernés car celui qui gouverne est dissuadé d’abuser de son pouvoir sur
ses subordonnés parce qu’il sait qu’il devra un jour leur obéir.
Puisque un grand nombre citoyens
volontaires doivent être appelés un jour
ou l’autre à exercer des fonctions publiques, peu importe l’ordre dans lequel
ça se fait, on peut donc laisser au hasard l’ordre dans lequel on accède à la
fonction publique, d’où le tirage au sort. C’est ainsi LE mécanisme de sélection démocratique par excellence car il permet à tous les citoyens qui le souhaitent de gouverner.
A ce stade, j’insiste sur
le volontariat : le tirage au sort
implique de par son utilisation la mise en place de contrôle constant, donc
chaque citoyen sait par avance que
s’il occupe une fonction publique, il aurait à rendre des comptes, il serait
constamment confronté à la possibilité d’une critique et que cette charge
pourrait tourner à son désavantage. Ce qui fait que la combinaison du
volontariat et l’anticipation des risques encourus doit entrainer une sélection
spontanée des candidats potentiels. L’ensemble du dispositif a ainsi pour effet
de donner une chance d’accéder aux fonctions publiques à n’importe quel
citoyen s’en jugeant capables de les exercer. L’accès aux charges est
déterminé en plus du hasard par l’estimation que chaque volontaire se fait
lui-même et ses capacités (raison pour laquelle l’argument selon lequel, le tirage au sort sélectionne n’importe qui,
y compris des individus n’ayant aucune compétence particulière pour gouverner
tombe à l’eau, sans parler du fait que les fonctions attribuées par tirage
au sort sont collégiale et que leur mandat sont courts et non renouvelables). On
est déjà loin de la lotocratie.
Autre chose :
tu seras assez intelligent pour te rendre compte que c’est une synthèse de la
synthèse qui est par définition très incomplète et que les choses sont
largement plus complexe que je les explique car je suis obligé de faire des
raccourcis sinon je tartine 50 pages. Il
y’a d’ailleurs d’autres mécanismes de sélection de gouvernant et il peut
y avoir des combinaisons à plusieurs niveaux (je ne connais pas beaucoup de
gens qui demandent le tirage au sort intégral), la question est donc de savoir
à quel niveau l’utiliser et pour quelles
finalités.
Dernière chose :
là je ne suis que sur des généralités théoriques car si on ne se comprend pas là-dessus,
ça ne servirait à rien de parler des expériences concrètes au cours de l’histoire
proche ou éloignée et des différents protocoles de tirage au sort.