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Commentaire de Joe Chip

sur Philip K. Dick l'écrivain visionnaire


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Joe Chip Joe Chip 8 juin 2017 23:50

@gaijin

Sauf que cette fameuse conférence de Metz de 77 est un gros gag, comme cela a été confirmé par le biographe de Dick et plusieurs témoins de l’époque. Dick était un type malicieux et iconoclaste qui savait qu’il allait s’adresser à une horde de marxistes français pontifiants, passablement antiaméricains et athées qui le considéraient comme le pape de la contre-culture.

Voilà le compte rendu de Fluide Glacial à l’époque : 

Metz. Festival de. Consacré à la S-F, Saucisses Frites pour ceux qui ne savent pas. Metz, ville des curés et des militaires (…) Nous a dit des choses très bien en privé dans un magnéto. Deux jours plus tard, il a enfilé des conneries pendant sa conférence. S’était mysticisé entre temps, contaminé par l’air de la ville et la présence obsédante de cette cathédrale plutôt sale qui est le seul point de repère de loin. Devenu mystique, saint Dick. Mystique et mysticon. Sont dans un bateau. Le même. Mystique tombe à l’eau. Reste con. Dick pourtant est ce que l’Amérique a de meilleur. Qu’est-ce que ça doit être le reste. »

Et selon son traducteur :

Lorsque Dick est venu au Festival de Metz, speech mémorable dans la poche, une imposante croix autour du cou et affirmant à qui voulait l’entendre qu’il tuait les puces par imposition des mains — méthode qui quand on y réfléchit ne fait nullement appel à des pouvoirs supranormaux —, j’ai eu la chance, en tant qu’ami ou interprète bénévole, d’assister à quelques unes de ses interviews ainsi qu’à ses discussions avec des écrivains ou critiques français. Et, moi qui croyait innocemment le connaître un peu pour avoir passé plusieurs fois quelques jours chez lui, j’ai compris que je n’avais rien compris. À seulement quelques heures d’écart, j’ai découvert un Dick marxiste bon teint, un autre qui ne jurait que par la psychanalyse, un troisième qui cherchait à atteindre la vérité par le zen. Et le plus étonnant est qu’à chaque fois cet autoportrait spontané correspondait très exactement aux attentes secrètes de ses interlocuteurs. Tous sont repartis ravis, satisfaits devoir qu’ils ne s’étaient pas trompés sur son compte etque leur vision était la bonne.

Mécanisme de défense et de séduction ? Dick caméléon ? Dick Zelig ? A chaque fois il m’a paru totalement sincère, et somme toute rien n’était vraiment contradictoire dans ses déclarations, mais quand même. Je ne sais pas si le plus frappant était cette incroyable faculté de mimétisme ou ce sens quasi télépathique qui lui permettait si bien de deviner ses interlocuteurs.

Quoi qu’il en soit, cela m’a incité à me poser quelques questions sur les interviews qu’il m’avait accordées. Versons néanmoins au dossier cette discussion du maître avec un jeune fan français et would-be writer qui découvrait les Etats-Unis au moment où les sixties finissaient de s’effilocher.

J’ai quitté l’auteur d’Ubik ravi, illuminé, et aujourd’hui encore je reste convaincu que c’est le vrai Dick qui s’exprime dans ces quelques pages. D’ailleurs, n’était-il pas exactement tel que nous l’imaginions à la lecture de ses livres ? Or un livre est un livre. Certes les interprétations peuvent différer, mais il ne peut tout même pas se transformer en fonction de chacun de ses lecteurs ! Cela ressemblerait trop à du Dick...


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