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Commentaire de Felix Perez

sur Le général de Gaulle sur Israël en 1967


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Felix Perez (---.---.81.172) 2 janvier 2008 21:36

De Gaulle, dans sa fameuse conférence de presse dont nous venons de célébrer les 40 ans, évoquait le « peuple juif sûr de lui et dominateur », à peine 20 ans après la quasi extermination des juifs par la Shoah, provoquant alors un immense scandale qui fait encore écho aujourd’hui. Cependant, ces mots ne sont que l’arbre cachant dans ce discours une dense forêt d’antijudaïsme verbal dont nous souhaitons révéler la teneur et l’ampleur aux lecteurs trop éblouis par le célèbre slogan incriminé et trop peu conscient du poids des paradigmes chrétiens dans les attitudes des dirigeants de l’époque. Célèbre dessin de Piem illustrant le juif « sûr de lui et dominateur », 20 ans après la Shoah

Le Général de Gaulle n’était pas antisémite. A Londres, il déclarait « qu’il attendait l’Eglise et qu’il avait eu la Synagogue », tant son entourage juif dont il appréciait le patriotisme était nombreux. Il est élevé dans un milieu en partie Dreyfusard et n’a jamais montré aucun signe ni aucune déclaration suspects en la matière. Jusqu’à la Conférence, objet de cet article ! Notre objet n’est donc pas d’accuser le père de la Résistance et le grand héros national d’antisémitisme. Mais plutôt, de montrer combien, sous la pression des intérêts géopolitiques de la France (perçus comme tels par lui), l’antijudaïsme historique que tous les chrétiens ont « tété au sein de leurs catéchismes ou de leurs familles » jusqu’à Vatican II, fournit la trame architecturale d’une fresque historico morale du Peuple juif qui lui permet de replacer Israël de 1967 dans un contexte diachronique favorable à sa politique pro-arabe.

Tout d’abord, malgré une actualité chargée - notamment par la guerre du Vietnam qui fait des milliers de morts -, le Général parvient à consacrer pas moins d’un tiers très disproportionné de la Conférence à sa tirade, en réponse aux questions de deux journalistes, l’un arabe et l’autre israélien. Ce monologue est déclamé sans aucune note écrite, avec une tonalité théâtrale très animée, assortie de nombreux gestes des mains, comme si le Général trouvait l’occasion de donner en spectacle sa vision de l’histoire du peuple juif, une sorte de « Passion » jouée comme au Moyen Age.

De Gaulle passe immédiatement d’Israël aux « juifs » ce qui à l’époque est déjà quelque peu surprenant, notamment car en France on préfère alors parler d’israélites, le terme « juifs » ayant été très chargé par l’Eglise. Le tableau qu’il dresse du peuple juif est fascinant. Il souligne la permanence de leurs caractéristiques (« ce qu’ils avaient été de tous temps »), sous-entendant qu’un juif est toujours comme ci ou comme ça et retrouvant alors les slogans péjoratifs. Effectivement, la permanence attribuée aux juifs n’est pas l’éthique ou toute autre bonne valeur, mais l’orgueil, la domination « ce qu’ils avaient été de tous temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». Dispersé, en ghetto, le juif domine quand même, sans doute en coulisses ? On comprend alors que le peuple juif a un instinct de domination car le Général explique que, dès qu’il retrouve une assise (sa terre), il redevient conquérant « une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante ». Les « milieux » juifs disposent d’influence d’argent et de propagande qui en font des dominateurs et des acteurs mondiaux de premier plan « des vastes concours en argent, en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux Juifs ». On croit lire du Maurras !

De ce fait, s’il subit des malveillances à travers son histoire, c’est qu’il les provoque ou qu’il les suscite. L’antisémitisme est le fruit de l’attitude des juifs « des malveillances qu’ils provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement » !

Partant de cette analyse, Israël ne peut qu’être l’agresseur au Moyen Orient : on oublie le vote de l’ONU, la nécessité vitale d’Israël de se défendre face à des agresseurs qui l’encerclent et ont déclaré vouloir jeter les juifs à la mer pendant 20 ans « Israël ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre » ! Israël agresse car il a tout fait pour doubler sa population « l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments, donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps ». De Gaulle oublie les réfugiés juifs qui y arrivent tous seuls du monde entier, y compris du Maghreb d’où la France s’est retirée. Israël doit dès lors s’agrandir et attaquer pour cela : le Général oublie que le pays est assez grand pour une population doublée et qu’Israël n’a jamais menacé quiconque. Il fait de plus remonter cette lubie d’attaque israélienne à 1956, qaund Israël se défendait déjà et le faisait, de plus,sur instructions franco-britanniques « depuis 1956 ; à la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez, on avait vu apparaître, en effet, un Etat d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir » ! Israël a aussi acquis les terres arabes depuis Balfour de manière plus ou moins douteuse, « des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables » à l’instar sans doute de Jacob face à Esaü comme dans la vision chrétienne du juif roublard. La vision théologique du juif puissant, orgueilleux conquérant et ayant des visées précises d’expansion territoriale, l’amène à distordre la vérité historique : de Gaulle déclare que les arabes sont moins bien armés quand Israël est en fait 40 fois moins armée qu’eux « beaucoup mieux armés que les Arabes ».

La chrétienté a été sympathique avec Israël dans son histoire (sic !) « un capital considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire dans la Chrétienté ». Ceci est une erreur historique tellement énorme : les conciles depuis Nicée jusqu’à Latran puis, jusqu’à Nostae Aetate, sont antijudaïques. Les terres chrétiennes également et l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la Lithuanie, l’Ukraine, la Grèce, pour ne citer que les pires terres antisémites de la Shoah, sont bien chrétiennes ! Cette erreur est nécessaire au Général pour lui permettre de placer le monde chrétien et la France en conseillers, de tout temps sympathiques, à qui Israël peut dès lors se fier. Il ne garantit d’ailleurs à Israël que la non destruction du pays « Si Israël est attaqué, lui dis-je alors en substance, nous ne le laisserons pas détruire », ce qui est bien maigre : Israël pourrait alors être amputée de terres, souffrir sur plusieurs plans sans que la France n’intervînt. Malgré tout, de Gaulle déplore qu’Israël ne se soit pas contentée de cette peau de chagrin et ait attaqué contre ses avertissements. L’orgueil d’Israël l’aura empêché d’écouter ses conseils.

De Gaulle ne parle pas de ses demandes ou avertissements au camp arabe, comme si il avouait que la politique de la France était biaisée, selon d’ailleurs un axe à nouveau ouvertement avoué par lui comme pro-arabe, après l’abandon de l’Algérie. Il oublie totalement le blocus - acte de guerre de l’Egypte auquel Israël ne fait que répondre. De ce fait les terroristes arabes deviennent des résistants « manifeste contre lui la résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ». Les régulières ruptures du cessez le feu par les seuls arabes sont attribuées par lui aux deux camps « les deux belligérants observent d’une manière ... irrégulière, le cessez-le-feu »

De Gaulle annonce déjà qu’Israël est en plus la cause des problèmes du Moyen Orient et des tensions sur une échelle plus large « ne pas manquer d’augmenter dans le monde une tension déplorable et d’avoir les conséquences très malencontreuses pour beaucoup de pays, si bien que c’est à vous, devenus des conquérants, qu’on en attribuerait peu à peu les inconvénients ». Dès lors, il propose, dès avant même le début de toute négociation, d’adopter comme solution la position arabe extrême de retour aux lignes de 1948, comme si les arabes n’avaient pas agressé. Et, au passage, en bon fils de l’Eglise, il retire aux juifs et aux musulmans Jérusalem pour le remettre aux mains chrétiennes sous couvert d’internationalisation. Félix Perez Publié dans ma revue net Hebdo Yerouchalmi (libre de tout droit pour tous)N° 27 il y a un mois Courrier [email protected] Site Internet pour télécharger les N° en pdf : http://CLUBdu17.net/Yerouchalmi.aspx


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