Nos archives regorgent des exactions des sarrasins, qui pillaient régulièrement le pays vers l’an 1000.
Voici un extrait du poème au Roi Robert d’Adalbéron de Laon, évêque de Laon.
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Préoccupé par l’observance des règles monastiques dans les monastères, il envoit un de ses fidèles moine à Cluny pour y enquêter. Quand celui-ci revient, a lieu cet échange (Odilon est l’abée de Cluny).
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« Est-ce bien toi, mon
moine ? C’est toi que j’ai envoyé [à Cluny] ? » L’autre serre les
poings, tend les bras en l’air, relève les sourcils, tourne le cou,
roule les yeux : « Je suis soldat maintenant, et si je reste moine, ce
sera pour changer de manières. Non, je ne suis plus moine, mais je
combats sous les ordres d’un roi ; car mon maître, c’est désormais
Odilon, roi de Cluny. » – « Songes-tu bien à l’article de la règle
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? » – « Oui, oui, je me rappelle en effet avoir autrefois étudié les
figures de la rhétorique. Mais aussi, ce n’est pas la colère qui
t’échauffe qui va m’empêcher de parler ? Laisse-moi donc te transmettre
tranquillement le message de mon maître :
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« Les Sarrasins, cette race aux mœurs les plus sauvages, ont
envahi, le fer à la main, le royaume de France ; ils l’occupent tout
entier, et rongent tout ce que nourrit le sol de la Gaule. Partout un
sang vermeil humecte et rougit cette terre, et gonfle les torrents que
fait déborder l’excès du carnage. Les reliques des saints, objets des
soins de l’Eglise, ornements consacrés de ses sanctuaires, volent
dispersées à travers les airs, pour aller désormais tenir compagnie aux
oiseaux et aux lions. C’est maintenant le diocèse de Tours que les
barbares dévastent et dépeuplent. Saint Martin tout en larmes invoque à
grands cris le secours d’un défenseur ; Odilon, qui est accablé des
mêmes épreuves, partage ce désespoir. Il est allé à Rome demander du
secours pour ses moines. Cependant la voix des religieux de Cluny
s’élève ; ils se mettent soudain à crier, à presser leur chef : «
Allons, maître, ordonne à tes soldats de s’équiper : de quelles armes
doivent-ils se couvrir, par devant, par-dessus, par-dessous ? – Eh bien,
suspendez à votre cou vos boucliers échancrés ; mettez par-dessus votre
cotte d’armes au triple tissu ; entourez vos têtes d’une courroie aux
ornements à fleurs ; attachez votre casque à la ceinture polie qui
enserre vos reins. Vos javelots derrière le dos, votre épée entre les
dents ! » Il continue et ordonne aux jeunes gens de monter sur les chars
à la marche traînante ; il enjoint à la foule des vieux moines de
monter à cheval : « Deux d’entre vous iront à âne ; dix monteront sur le
chameau. Cela ne suffit pas ? trois places encore à dos de buffle. »
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Et les voilà maintenant, ces mille et milliers de guerriers,
partis en campagne, lanciers en avant. Le combat s’engage au fer, et se
prolonge trois jours durant. Pour moi, porte-enseigne, au milieu de
l’armée, et tout empressé, je ne songeais guère à ronfler. J’avais les
joues décousues, et j’ai pensé rendre l’âme en combattant. Mais par les
dieux ! combien de milliers j’en ai renversés de mes propres coups, je
n’en sais rien ; certes, Jupiter doit marquer ces deux premiers jours de
son caillou blanc. Quant au troisième, on ne peut dire à si juste
raison qu’il ait été consacré au dieu Mars : un coup de pointe m’a jeté à
bas de mon cheval, et j’ai lâchement abandonné mon étendard ; puis,
fuyant avec ceux qui restaient, voici que j’ai regagné le canton qui m’a
vu naître. Tout cela, sache-le bien, s’est passé au premier jour de
décembre, mais nous tenterons de nouveau le combat aux calendes de mars.
Or donc Odilon, notre grand chef de guerre, m’envoie vers toi : le
grand ordre guerrier des moines t’envoie ses vœux, seigneur ; nos
bataillons t’appellent et t’invitent à honorer ces combats de ta valeur.
Entoure-toi de tes troupes et hâte-toi de remplir cet office : il te
convient mieux de mourir les armes à la main qu’en cultivant tes champs.
L’Europe d’ailleurs, bien que troisième partie du monde, ne s’en vante
pas moins de nous envoyer plus de guerriers que l’Asie ne promet de
feuilles à ses arbres ou la noire Afrique de sable humide aux rivages de
ses mers. »
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Bref, la conséquence de la piraterie Sarrasine fut que les moines se sont armés, mais comme cela ne correspondait pas aux règles monastiques, Adalbéron, évêque de Laon, a proposé au roi un système basé sur trois ordres - oratores (ceux qui prient), Bellatores (Ceux qui combattent), Laboratores (Ceux qui travaillent) - inventant ainsi le système féodal....