- Et puis, la démocratie est exercée par des citoyens
et pas par des professionnels. Ils sont tirés au sort et deviennent
magistrats. Il y a un système extrêmement compliqué qu’Aristote décrit dans La
Constitution des Athéniens : pour
qu’il n’y ait pas de tricherie possible et pour que tout le monde ait des
chances égales de participer à la magistrature. Ces magistrats représentent la
cité, la polis, et ils sont tirés au sort parmi tous les
citoyens, puisque tout citoyen est supposé être également capable que tout
autre de représenter la polis et d’exercer la fonction de magistrat. Ces magistrats n’ont pas d’autres prérogatives que
d’exécuter les décisions prise par l’assemblée.
Or ça, c’est la
conception de la démocratie qui a été créée là et qui va de pair avec ce qu’il
faut bien appeler la création de la politique (Du latin politicus, issu du grec ancien ??? ? ?????, politikos,
composé de ??????? (« citoyen ») avec le suffixe - ????. , Politikos, indique le cadre
général d’une société organisée et développée), au sens profond du terme. La
politique chez les Grecs, c’est comment faut-il instituer la société ?
C’est-à-dire quelle est la bonne société, la juste société et par quelles
institutions cette société vertueuse
peut s’incarner ? Et la réponse démocratique, c’est que ce n’est que le peuple
qui doit vivre sous ces lois qui peut décider de quelles sont les meilleures
lois.
Il faut absolument que
tu fasses la différence avec le régime politique actuel : Chez les Grecs,
il n’y a pas l’idée de la représentation. Encore une fois, personne ne dit que tout le monde peut décider à tout
moment de toute chose. Ou bien il y a des spécialistes, ou bien il y a des
magistrats. Mais il y a des magistrats qui ne sont pas des représentants au
sens que le peuple a dit : on leur délègue tout pouvoir pendant une certaine
période comme nous faisons. C’est simplement des
émanations de la cité qui l’incarnent à certains égards et pour certaines
fonctions.
Dans notre régime actuel, l’idée de la démocratie
représentative va de pair avec une aliénation du pouvoir, une auto
expropriation du pouvoir, c’est-à-dire la population dit : « Pendant cinq ans, je n’ai rien à faire sur le plan
politique, j’ai choisi des représentants qui vont s’occuper de mes affaires ». Le résultat, c’est que pendant ces
cinq ans, les citoyens ne sont pas actifs, ils sont passifs. Et même le jour
des élections de quoi peuvent-ils décider ?
- Et il y a une autre
différence qui est dans la conception des Athéniens, des cités démocratiques en
Grèce, c’est qu’il n’y a pas d’État. Pour les Grecs, pour Aristote quand ils
parlent de l’entité politique que nous appelons Athènes, ils ne parlent jamais d’Athènes. Athènes est une
expression géographique. À tel moment, Alcibiade est parti d’Athènes ; mais les
Athéniens, cet hiver-là, ont décidé … C’est-à-dire, c’est le peuple lui-même qui est ce que nous appelons
État, qui est le pouvoir politique. Dans nos régimes actuels, il y’ a le pouvoir quelque
part, un monstre. Ce monstre, de temps en temps sort de sa grotte demande de
l’argent et tout le reste. Nous ne pouvons rien à l’égard de ce monstre ; ce
que nous pouvons faire, c’est placer autour de sa grotte des barricades en
papier qui s’appellent les Constitutions, qui limitent les prérogatives de
l’État (souvent sans succès).