PARIS (Sipa) — C’est une nouvelle application pour iPhone qui fait déjà polémique : "Observer la loi", téléchargeable gratuitement sur l’Apple Store. Le principe ? Signaler des incivilités auxquelles on assiste via un système de géolocalisation. L’outil, lancé le 3 octobre par le site "Enquête et débats" , est déjà vivement critiqué par les internautes, sur Twitter notamment.
Pour un avocat spécialiste du droit de l’informatique et des libertés, cette application est purement et simplement une forme de délation.
Quatre infractions peuvent être signalées par les utilisateurs : les personnes fumant dans les lieux proscrits par la loi, les automobilistes mal-garés, le tapage nocturne et les femmes portant le voile intégral dans l’espace public.
"Permettre une enquête et un débat de grande ampleur sur l’application de la loi dans notre pays sur plusieurs lois votées par la représentation nationale", telle est l’ambition affichée par le site "Enquête et Débats", qui produit cette application.
Si le lancement de cet outil a été salué par le site "Riposte Laïque", proche des idées d’extrême droite qui encourageait ses lecteurs, dans un article du 8 octobre, à télécharger cette application, les réactions fusent entre indignation et ironie sur le réseau social Twitter.
"Le régime de Vichy fait son retour...sur iPhone. Je crois qu’on a atteint le maximum de la connerie", dénonce ainsi @Raphhh. "Je viens de signaler 1 voile intégral et 1 fumeur de cannabis sur l’appli ’Observer la Loi’. J’attends l’intervention des forces de l’ordre", renchérit le compte @Thibaultdm. Villefranche.69 s’interroge : "’Observer la loi’, appli iPhone pour dénoncer ses voisins : outil de délation organisée ou ’devoir civique’".
Jean Robin, le rédacteur en chef du site "Enquête et Débats", se considère lui comme un lanceur d’alertes. Il explique à Sipa que cette application "participative" a été créée pour que "ces incivilités" soient "portées à l’attention du grand public et des politiques".
Les données sont archivées "pendant un an", ajoute-t-il, "pour voir s’il y a des tendances lourdes. Pour autant, ça n’a pas valeur de preuve. On fait ça pour faire remonter l’information du terrain. Ce n’est pas nominatif. Au bout de 24 heures, les adresses IP des utilisateurs sont supprimées", assure Jean Robin qui insiste sur le fait que ces dénonciations restent anonymes. "Il n’y a aucun rapport avec la délation", assure-t-il.
Au contraire, pour Me Alain Bensoussan, avocat spécialiste du droit de l’informatique et des données personnelles, il s’agit bien de dénonciation. "On est dans la délation, dans la rumeur", affirme-t-il. "C’est une horreur ! Ça nous ramène à une histoire qu’on voudrait oublier", a-t-il réagi auprès de Sipa.
Cette application pose aussi une question d’ordre moral, explique le juriste. "Chacun d’entre nous a le droit d’être citoyen, ou de dénoncer des lois scélérates, mais jamais à visage couvert". Et d’ajouter : "ce n’est pas sûr que cette collecte d’informations soit très licite et franchement loyale. Imaginons que la police ait accès à ce document... Si la tendance se généralise et que la liste des infractions s’étend, cette application pourrait nuire à la paix sociale".
Contactés à plusieurs reprises par Sipa, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, (CNIL) ainsi qu’Apple France n’ont pas réagi.