Malgré les efforts des trois
interviewers, l’animateur Laurent Ruquier et ses deux chroniqueurs,
Natacha Polony et Aymeric Caron, qui avaient potassé les dossiers
très complexes dans lesquels apparaît Takieddine, n’ont pas
réussi à empêcher l’homme d’affaires de transformer l’émission
en tribune à sa thèse et pour sa défense.
En venant dans l’émission, Ziad
Takieddine savait qu’il pouvait mettre les téléspectateurs et les
rieurs de son côté, à condition de se contrôler et de sortir
quelques petites phrases sans doute soigneusement préparées avec
son avocat, du type : « Je veux que la France sauve son honneur »...
Il lui fallait surtout éviter à tout
prix de reproduire les images désastreuses de son interview, l’an
dernier, avec un journaliste de l’émission « Special
investigation » de Canal +, au cours de laquelle il avait pété un
câble et insulté son interviewer.
Aux questions sur sa fortune personnelle
en France, estimée à quelque 40 millions d’euros sur lesquels il
n’aurait quasiment pas payé d’impôts, Takieddine répond
calmement avec un démenti que bercy peu très facilement confirmer
ou infirmé.
« 400 millions d’euros
de Kadhafi à Sarkozy »
Au cours de l’émission, l’homme de
l’ombre, qui est sous le coup de trois mises en examen pour
blanchiment d’argent, pour complicité et recel d’abus de biens
sociaux et pour faux témoignage, par L’Etat français, a lancé
quelques affirmations :
-
il confirme bien que l’attentat de
Karachi, qui a coûté la vie à onze ingénieurs français de
l’armement en 2002, était bien lié à l’arrêt du paiement des
rétrocommissions françaises « à des généraux pakistanais ».
-
il a réaffirmé, comme il l’a dit
récemment à la justice, avoir vu les preuves d’un financement
occulte de la campagne de Sarkozy de 2007 par la Libye de Kadhafi, à
hauteur de 400 millions d’euros, et que ces preuves, sous forme de
vidéos, de CD et de documents, seraient dans un coffre hors de
France en attendant que la justice française les demande.
-
il a affirmé avoir organisé « de A
à Z » la libération des infirmières bulgares détenues en Libye,
que Cécilia Sarkozy et Claude Guéant étaient allés récupérer à
Tripoli, premier gros
succès diplomatique de Nicolas Sarkozy en 2007, mais ajoute, contre
toute évidence, qu’il n’a pas négocié les contrats de vente
de matériel
de surveillance français à la Libye, et dit qu’il n’a pas
touché un centime de son implication en Libye.
Au passage, Ziad Takieddine a lancé
quelques phrases définitives sur la France corrompue, la France
foutue, la France « Etat mafieux » qui n’arrive « plus à rien
vendre » depuis cinq ans.
Vraisemblablement, cette longue
prestation de Ziad Takieddine est un mélange d’éléments
authentiques et de petits et gros arrangements avec la vérité, au
gré de ses intérêts judiciaires, il est mis en examen et sera
peut-être jugé un jour par une administration d’un état parti
civil.
Et surtout d’un énorme règlement de
compte avec ses ex-associés dans les bas-fonds de notre République,
tous issus de la mouvance Balladur-Sarkozy.
La recherche de la vérité aura sans
doute beaucoup progressé au cours de cette heure d’entretien dans
une émission tardive mais très populaire ou la télévision
publique sort véritablement grandie de cet exercice qui aurait peut
être mérité un cadre plus sérieux . Le débat contradictoire aura
lieu dans les pretoires de la justice française .
On ne peut s’empêcher de repenser à
cette photo-symbole des années SARKOSY/Takieddine : un
Jean-François Copé dans la piscine de son très grand ami, homme
des contrats de l’ombre de France , de la visite d’état
surréaliste du colonel Gadhafi en France.