D’après ce que j’ai saisi, Attali préconise pour la France de se tourner vers la Mer.
Il distingue en effet les pays tournés vers la Mer, ouverts à l’aventure, et les pays tournés vers la Terre, repliés sur la rente.
Cette vision est assez contestable.
1°/ la caractéristique des pays tournés vers la Mer est que l’économie est fondée d’abord sur le commerce : acheter pas cher ici et revendre plus cher là-bas. République de Venise, de Gène, Grande-Bretagne, autant de pays qui dans l’histoire sont devenues des puissances économiques et commerciales mais sans développer de puissante industrie.
2°/ la caractéristique des pays tournés vers la Terre est que l’économie est fondée d’abord sur la production de Biens, l’agriculture et l’industrie. (Sully « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France »)
Cela ne signifie pas que les pays tournés vers la Terre ne puisse avoir le goût de l’aventure, mais que cette aventure se porte plutôt vers des défis industriels (Ariane, Airbus, Nucléaire, TGV,...etc pour la France).
De plus, l’on ne peut affirmer que la France ne soit pas aujourd’hui une puissance commerciale, les supermarchés ont été inventés en France, et les plus grands groupes mondiaux du secteur sont Français (Auchan, Carrefour,...etc). Par ces grands groupes, la France dispose de réseaux de distribution extrêmement puissants. De fait, ce sont parmi les groupes qui fonctionnent le mieux actuellement en France, étant donnée que faire de l’industrie n’est plus guère possible que pour les biens de très haute valeur ajoutée.
Attali propose donc que la France se tourne vers la Mer (pour faire une sorte de Grande-Bretagne bis en somme) et réclame le développement des ports.
D’un certain point de vue, c’est pragmatique : les grands réseaux de distributions pourraient être mis à contribution pour ce genre de projet, et j’admets que certains efforts pourraient être faits dans cette voie.
Mais ce projet n’est pas tenable à long terme. L’économie ne peut se baser que sur le commerce. Il faut aussi de l’industrie.
Pour que les gens puissent créer leur propre travail, afin de juguler le chômage, il faut que les productions de bases soient rentables sur le marché intérieur. Or, étant donné le niveau de l’Euro, ce n’est absolument pas le cas, les produits importés l’étant à coûts très nettement inférieur au prix auquel il est possible d’aboutir en France.
Nous sommes donc en effet à la croisée des chemins.
Si la France reste dans l’Euro, alors cela implique pour elle de se spécialiser dans le commerce et d’abandonner toutes ses industries de base (comme la GB). Mais ce n’est pas trop dans la mentalité française, qui est plus industrieuse que commerçante, et ce serait de plus perdre sur le plan de tous les artisanats d’art qui sont issus de son histoire, et qui sont de plus le support de son industrie du luxe.
Le mieux pour la France, pour la préservation de son patrimoine industriel et artistique, c’est donc de quitter la zone Euro. Cela ne veut pas dire qu’elle ne doive pas développer ses réseaux commerciaux. Elle peut le faire tant qu’elle est dans l’Euro, en profitant de la cherté de l’Euro. Et elle pourra encore le faire après avoir quitté l’Euro
Car il faut quitter l’Euro. Car le recours au commerce ne peut résoudre à terme le problème du chômage : pour résoudre ce problème du chômage, il faut que travailler soit rentable. Or avec l’Euro au niveau qu’il est, il est plus rentable d’acheter à l’étranger et d’importer que de produire sur place.
De fait, en 1945, à Bretton Woods, le système financier reposait sur ce principe simple : un pays en déficit de balance commerciale avait la possibilité de dévaluer, ce qui diminuait automatiquement ses importations et augmentait ses exportations, ce qui rééquilibrait donc sa balance commerciale. Or, actuellement, la France cumule des déficits commerciaux considérables, mais ne peut pas dévaluer ! Elle est arrimée, enchaînée via l’Euro, à un taux de change qui date de... 1983 !
L’Allemagne, elle, cumule les excédents commerciaux, et cela entraine l’Euro mécaniquement à la hausse, ce qui met en faillite peu à peu tous les pays de l’Eurozone qui auraient besoin d’une dévaluation... On se traîne donc avec un vieux taux de change d’il y a 30 ans...
Si l’Euro ne prend pas fin, il arrivera la même chose à la France qu’à l’Argentine, lorsque celle-ci s’est arrimée au dollars, car l’Euro en France, c’est le Franc arrimé au Mark.
L’Allemagne cumulant les excédents commerciaux, la France cumulant les déficits commerciau, cela impliquerait que l’Euro, monnaie commune, doive simultanément se réévaluer pour l’Allemagne et se dévaluer, pour la France. Or c’est impossible de réévaluer et de dévaluer une monnaie en même temps. C’est soit l’un, soit l’autre.