Merci Eric Guéguen pour le lien. Je dois dire que j’ai été assez déçu de la critique de Lordon, je dirai même que celle-ci est une illustration assez intéressante des analyses de Michéa, à savoir l’homme de gauche qui ne jure que par le progrès, qui se prend pour un homme de progrès, membre d’une minorité éclairée, sans jamais se replacer dans une structure sociale, une dynamique sociale, alors qu’il est le premier à le faire pour les autres, notamment lorsqu’il dit - affirmation qui effleure à peine une partie de vérité - que si le peuple (vs élite) est fondamentalement bon, c’est parce qu’il n’a pas les possibilités matérielles d’être mauvais. Outre la vacuité d’opposer un argument contre-caricatural à un autre considéré comme tel, Michéa ne dit pas que le peuple est bon, mais est dans sa généralité décent, en ce sens où effectivement les conditions de la vie réelle font qu’il se trouve obliger de se conduire d’une certaine manière. Or, par définition, l’aspiration à une vie tranquille, à un métier plaisant, à fonder une famille exclut la personne des hautes sphères sociales - du journaliste qui va tapiner chez les politiciens, du scientifique qui passe ses journées seul dans un labo ou du banquier partouzeur cocaïnomane qui se marie uniquement car ceci le rend plus "employable et sympathique". Cette hyper-classe mondialisée (ou facilement mondialisable) est loin de la réalité sociologico-économique majoritaire, à savoir du salariat généralisé et des "problèmes ordinaires", et en ceci elle a une (très très forte) tendance à ne plus avoir les pieds sur terre. Lordon fait bel et bien partie de cette hyper-classe, côté intellectuel universitaire de gauche. Son jargon fermé, son amour revendiqué pour cette classe coupée du monde s’adonnant à l’affinement des concepts sans ressentir de dette morale me paraissent les meilleurs indices d’une telle appartenance. Certes, il représente ce qui se fait de mieux dans une telle classe, mais comme chez le peuple il n’y a ni une entière nécessité ni une entière vertu, il en va de même chez cette élite que glorifie Lordon dans ses interviews, parce que "ça fait progresser la connaissance". Trop facile de ne considérer que les avantages sans les dégâts collatéraux, et de reprocher la même chose à Michéa, en convoquant le crime des crimes - l’attitude des masses sous Hitler ! (en feignant par ailleurs la synonymie entre peuple et masse). Bref, Lordon c’est "le progressisme bien compris" : à n’en point douter ! Concernant les institutions, c’est précisément ce que dit Michéa : donner des cadres institutionnels qui permettent d’exprimer les vertus des peuples plutôt que l’égoïsme, sans oublier de mettre des limites devant empêcher dans le futur l’exploitation de l’homme par l’homme.
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