Heureux que l’émission vous ait plu.
Pour ce qui est de mon ressenti vis-à-vis de la mort de Socrate,
je pense qu’il n’est pas exclu que Socrate - sans parler de sacrifice -
ait échangé sa vie contre le triomphe de la raison. Je veux
dire que dans une démarche spirituelle - dont témoigne Platon dans le
Criton du point de vue des devoirs de Socrate et dans le Phédon du point de vue du sort de son âme - Socrate intègre peut-être son procès et sa condamnation dans l’exemplification.
Il y a une dimension psychologique dans la pensée de Socrate qui
est de moins en moins prise en compte de nos jours... malheureusement !
Et je pense que c’est pour s’adapter à l’auditoire
d’aujourd’hui. Beaucoup de gens ne croient pas en l’existence de l’âme
et se retrouvent... désarmés face à cette problématique. C’est bien dommage.
Concernant la tradition maintenant. Et c’est un problème
fondamental. Je suis tout à fait d’accord pour dire que Socrate se
présente comme un critique de la tradition, et qu’il perd
forcément la bataille. Mais Socrate, comme Aristote, bien que
théoriciens du droit naturel, partent du principe qu’il est nécessaire
qu’il y ait un droit légal, un droit écrit valable pour tous et
ancré dans la tradition des anciens, même s’il est loin d’être parfait.
L’éducation consiste également à apprendre aux enfants à
respecter ces lois. Donc Socrate se comporte en citoyen responsable en
acceptant son sort, mais néanmoins critique par la "morgue" dont il fait
preuve face à ses bourreaux.
Dans le même ordre
d’idées, je pense notamment à Aristote et ses "endoxa" (j’en parle dans
mon nouveau chapitre), ces éléments de tradition, matériaux bruts qui comportent à la fois de l’opinion et de la connaissance, le tout
cristallisé au cours des âges. Au philosophe il appartient de dissocier
les mauvaises opinions des sources du savoir ou des opinions devenues du savoir par la sanction du temps.
Il y a là matière à creuser (et je m’y emploie) concernant la
nation : celle-ci est la figuration de la tradition, fondamentale car
permettant tout le reste, mais en même temps elle doit accepter
la nouveauté, la critique et l’amendement. C’est quelque chose que ne
peuvent comprendre ni les nationalistes, ni les sans-frontiéristes. Je pense que ni les uns ni les autres n’ont pris le temps un jour de lire les Grecs...
Vis-à-vis de Jésus, le parallèle entre démocrates et Pharisiens
est tout à fait pertinent et même saisissant. Mais j’en déduis surtout
une constante : le conformisme contre lequel il faut à toute
force lutter, et dont ni le christianisme ni la démocratie ne peuvent à
eux seuls nous protéger. Pire : la démocratie cardinale est devenu LE conformisme fier de lui-même et sûr de son bon droit.