@Eric Gueguen
Très bien, le phronimos va puiser dans ses vertus intellectuelles
les moyens successifs de parvenir à sa fin, et évalue ces moyens au regard de
la morale grâce à sa vertu de prudence.
Bon, voyons maintenant l’application concrète de ce
très joli énoncé et revenons à ma question !
Avant quelques précisions :
-Est-il moral de s’être laissé accuser à tort
par la démocratie athénienne et s’être laissé mourir quasiment ? Qu’aurait
fait Machiavel dans un tel cas ? Ne se serait-il pas enfui sans demander
son reste, comme le lui aurait conseillé Criton ? Socrate, lui, a gardé en vue le bien de
la cité, le respect des lois communes et leur rôle émancipateur, peut-être
savait-il que de sa mort seraient tirées quelques leçons quant aux dangers de
l’opinion publique, leçons salutaires pour la cité. Qu’en pensez-vous ?
R / J’en pense que Machiavel n’a pas blâmé Socrate et qu’au
contraire vu son sens de l’Etat et des intérêts supérieurs il l’aurait loué d’avoir
donné sa vie pour le bien de sa cité, et surtout pour son respect des lois
communes (Machiavel était très cheval sur l’observation des lois).
-Socrate ou Aristote ont en vue un
bien suprême constant, et délibèrent pour accorder le divers de la vie à ce bien
constant ; pour Machiavel, le bien est inconstant, il dépend lui-même des
circonstances (fortuna) comme
des caractères (virtù) en jeu.
R / Non, non, non, vous
vous trompez, le bien ne varie pas en fonction des circonstances chez
Machiavel, mais c’est le cas des moyens pour y parvenir !
Quant à la fortuna, elle renvoie à une disposition humaine de
réaction, ou de non réaction, face à l’évènement, elle est une nécessité extérieure,
une contrainte à laquelle il faut généralement répondre dans l’urgence.
Et la vertu chez lui,
elle est une sorte d’énergie, de puissance que l’on retrouve aussi bien dans
des individus que dans les Etats. Ceux qui en sont doté sont des sujets
créateurs maitre et arbitre de leur destin, et capable de surmonter la fortune
quand elle leur est contraire et de l’utiliser pour potentialiser leur action
quand elle leur est favorable.
Mais tout cela en vue d’un bien,
qui lui est un absolu : un Etat
puissant et sécurisé permettant l’essor d’une vie civile prospère et
harmonieuse régies par des lois, des institutions et des mœurs politiques
observés par l’ensemble des citoyens.
C’est en vue de ce bien
suprême, que tous des moyens doivent être utilisé pour surmonter les
contraintes et les nécessités !
Maintenant, revenons à vos
questions :
-Mais dans quelles circonstances ?
R / Celle d’un changement de régime. Le fondateur de
ce nouveau régime que j’appellerai « le prince » vient de mettre à
bas le précédent qui était corrompu !
Quel est l’homme qu’il faut tuer ?
R : Disons
un groupe d’hommes. Ceux qui étaient à la tête du précédent régime et
profitaient de sa corruption pour s’enrichir et abuser de leur pouvoir.
Qu’a-t-il fait ?
R / Pour pimenter le tout, je dirai qu’ils n’ont
encore rien fait. Mais le fait est que ces hommes ne supportent pas ce nouveau
régime qui les a dépossédés de tous leurs privilèges.
-Que met-il en danger ?
R / Le nouveau régime. Ces hommes disposent encore
d’une influence au sein de la cité et à l’étranger, ils peuvent potentiellement
déclencher une guerre contre la cité.
Gueguen, voici que la fortune est favorable au prince :
ces hommes sont momentanément à sa merci ! Ce dernier ait la possibilité
de tous les éliminer physiquement et éviter ainsi la guerre civile, les guerres
extérieures, les troubles, les famines et toutes sortes de calamités. Cela est
il moral de le faire, alors même que ces hommes n’ont encore rien fait ?
Si ce moyen est vil, qu’aurait conseillé Aristote ? Que conseilleriez-vous ?
Comment mettez vous en application votre jolie phrase que j’ai reprise au début ?
Voyez, c’est cela la politique, se trouver face à des
circonstances et des nécessités à surmonter
et y faire face avec les moyens du bord !
P.S : ne me dites pas que nous sommes entrain de
faire des plans sur la comète, cet
exemple est un cas concret récurent de quasiment toutes les révolutions et
changement de régime !