Sur l’"individu", la "détermination", la "liberté", l’"extériorité", le "choix"...je pense que ceci pourrait vous intéresser :
(il s’agit d’extraits d’un résumé de "La société des affects" de F.Lordon, par Marie-Christine Ibgui)
http://blog.crdp-versailles.fr/oeildeminerve/index.php/post/13/03/2014/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Lordon,-La-soci%C3%A9t%C3%A9-des-affects,-%C3%A9d.-du-Seuil,-lu-par-Marie-Christine-Ibgui
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(Ce résumé de résumé trahit en partie les concepts soulevés par manque
de développement, mais il s’agit plus ici d’introduire ces idées.
Pour
moi, tout l’intérêt du travail de Lordon est qu’il contribue à combler
l’angle mort des individualismes théoriques qui, lorsqu’ils questionnent
les "effets émergents des actions individuelles", postulent - à tort -
l’individu conscient et rationnel dans ses choix. Se coupant du même
coup, paradoxalement, des moyens de questionner le travail entre
individuel et collectif à l’œuvre dans ces phénomènes d’émergences.)
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"l’institution ne (doit) sa stabilité qu’ à un rapport de forces
entre un affect commun favorisant l’obéissance et un affect
contraire conduisant à l’indignation et à la sédition. Par
conséquent, (...) il n’y a pas d’institution qui soit à
l’abri des crises. (...)
(ce « structuralisme dynamique »)
permet d’expliquer les mouvements de contestations et de révoltes,
non comme l’irruption d’une liberté imprévisible, mais comme un
infléchissement dans une direction nouvelle du jeu de forces entre
affects d’obéissance et affects séditieux.
C’est pourquoi,
contrairement à Hobbes, Spinoza ne pense pas que les individus
puissent déléguer leur droit naturel au souverain, en entrant dans
la société civile, puisque le droit naturel de chacun, comme
puissance inaliénable, continue à s’exercer dans l’ordre
institutionnel et peut même se retourner contre lui.
(...)
la domination par la
violence symbolique ne fonde plus la légitimité,
(...) celle-ci
repose sur l’accord suscité par l’institution à laquelle les
sujets adhèrent de façon consciente et réfléchie. (il s’agit de) penser le maintien ou la crise des
institutions autrement que sur la base de cette légitimité que les
sujets sont censés leur accorder.
...une définition de l’institution qui ne
soit pas fondée sur le modèle contractualiste de l’accord des
sujets. En effet, selon Spinoza, l’individu n’y est pas un
sujet-acteur, mais un « conatus », c’est-à-dire un
effort ou encore un élan de puissance, orienté par des affects, qui
le conduisent à poursuivre les sources de joie et à repousser les
causes de tristesse.
C’est donc le désir qui institue les valeurs
poursuivies ou non par l’individu ; celles-ci ne sont pas
librement choisies par lui, mais résultent de l’effet (plus ou
moins utile et agréable) produit par des causes extérieures sur sa
propre constitution affective.
(...)
Après avoir montré que
la légitimité n’existe pas, puisqu’elle n’est que le résultat d’un
rapport de forces toujours fragile, F. Lordon se demande donc comment
l’institution s’impose aux individus, d’où lui vient son autorité,
ou encore son efficacité symbolique.
Pour répondre à cette
question, l’auteur se tourne, une fois encore, vers la théorie
spinoziste de la puissance comme pouvoir d’une chose de produire des
effets sur une ou plusieurs autres choses. Or si les institutions ont
ce pouvoir d’affecter de façon homogène les comportements des
individus, c’est en raison de la puissance de la multitude, par
laquelle les hommes s’affectent les uns les autres, individuellement
et collectivement.
Le fait de la puissance n’est jamais qu’une
autoaffection du corps social. Par mimétisme, en effet, les
individus se trouvent affectés de la même façon par des choses
qu’ils vont s’accorder à trouver bonnes ou mauvaises et c’est de la
composition de leurs affects individuels en affects communs que
l’État va tirer son autorité, c’est-à-dire son pouvoir de
définir le légal ou l’illégal, comme s’il s’agissait de normes
érigées par lui, alors qu’il ne s’agit que d’affects communs.
(...)
En dernière
instance, c’est toujours de la puissance de la multitude et non de
quelque extériorité transcendante que l’institution reçoit son
efficacité. Mais du fait que le fondement de l’autorité est
immanent au corps social lui-même, il reste fragile et arbitraire ;
le pouvoir peut donc toujours être renversé par la multitude, si
l’affect commun qui l’a engendré est défait par l’indignation.
Autrement dit, ce qui fonde l’institution peut aussi la détruire et
l’état civil ne met jamais définitivement fin à la guerre. Mais
cette dernière n’abolit jamais complètement l’état civil non
plus ; elle contribue plutôt à remplacer certaines valeurs ou
institutions par d’autres apparaissant comme plus légitimes."
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