Samedi 21 mars 2015 :
La mise en place d’un système de
propagande au niveau européen.
Il y a quelques mois, le média
EUobserver signalait l’existence d’un document informel à
l’initiative de la Grande-Bretagne, de la Lituanie, de l’Estonie
et du Danemark, appelant à doter l’UE de moyens d’informations
communs destinés à « déconstruire… la propagande hostile »
que représenteraient les médias russes dans le cadre du conflit
ukrainien.
L’affrontement du bloc américano-occidental et de
la Russie, a en effet permis de mettre à jour l’embrigadement des
grands médias occidentaux sur les sujets géopolitiques et
stratégiques et a permis à de nombreux citoyens européens à la
recherche d’une information réaliste et factuelle de s’informer
hors de la sphère d’influence américaine par le biais des grands
médias russes, comme Russia Today, qui dispose maintenant d’une
édition en langue française. La simple comparaison entre les
informations déployées à l’intérieur du bloc OTAN et celles
circulants hors de la sphère d’influence américano-occidentale,
permet effectivement de prendre conscience de la propagande de guerre
à l’oeuvre dans les médias européens et de leur manipulation de
l’information.
Le document, probablement d’origine états-unienne,
prévoyait donc la mise en place au niveau européen d’une « plate
forme permanente au sein de laquelle l’UE et l’OTAN pourraient
échanger leurs points de vue sur la communication stratégique »
et appelait les producteurs médiatiques à « encourager
les échanges entre les productions des différents pays
(divertissements, films, documentaires) afin de fournir des
alternatives compétitives à la production russe sur le marché
européen de la télévision. »
Le conseil européen des 19 et 20 mars derniers, a
adopté à cet effet une « feuille de route » concernant
la mise en place des mesures préconisées par ce document, sous la
supervision de la chef de la diplomatie européenne Federica
Mogherini, dans le but « de
superviser le nouveau programme d’envergure pour contrecarrer le
travail des médias russes. »
Cette dernière a notamment déclaré le 19 janvier
: “Nous travaillons sur la mise en place d’une stratégie de
communication pour faire face à la propagande en langue russe“.
A cet effet, il est prévu de lancer un grand média
en langue russe destiné à promouvoir la vision atlantiste dans la
sphère d’influence de la Russie et à contrer Russia Today, sur le
modèle des anciens médias opérés par la CIA du temps de la guerre
froide, comme Radio Liberty ou Radio Free Europe. Le
document, qui n’a pas été rendu public et serait classé
« secret défense », mais dont certains éléments ont
fuité, invite également les journalistes d’investigation à se
rapprocher de structures telle que la European Endowment for
Democracy, opérée par la CIA.
Russia Today, en tant que premier média
international russe, est la cible privilégiée de cette campagne. En
Grande-Bretagne, l’Office of communications, la structure de
régulation des médias, a formulé en décembre un avertissement à
Russia Today en
menaçant de lui retirer sa licence si la chaîne ne tenait pas
compte de ses remarques.
En début d’année, le rédacteur en chef du
quotidien américain The Economist, Edward Lucas, a qualifié
les employés de Russia Today « d’excentriques et de
propagandistes » et a appelé à leur boycott. Il
a notamment affirmé : « Quiconque déposera son CV sur
mon bureau et que je vois que cette personne a travaillé chez
RT ou Sputnik ou quelque choses comme ça, alors ce CV sera jeté à
la poubelle. Nous devons être capables d’humilier
ces chaînes, ces personnes et les personnes qui les ont
nommés, les producteurs qui les ont lancés et de les repousser
en marge du monde des médias pour qu’on ne les considère plus
comme de vrais journalistes ou de vraies chaînes mais comme des
excentriques et des propagandistes. »
Un premier pas dans la mise en place d’une
stratégie européenne de propagande de masse vient d’être
effectué avec la
signature d’une alliance entre sept grands quotidiens nationaux
qui comprend Le Figaro, pour la France, La Republica pour l’Italie,
El Pais pour l’Espagne, Le Soir pour la Belgique, La Tribune de
Genève et Tages-Anzeiger pour la Suisse, et qui sera dirigée par
Javier Moreno, ancien directeur de la rédaction d’El País.
Les objectifs officiels sont « la mise en
commun des compétences ainsi que la promotion du journalisme de
qualité. »
Cette alliance a été nommée Leading European
Newspaper Alliance (LENA) et elle s’est donnée pour objectif
opérationnel de mettre en place une « plateforme
d’entraide entre éditeurs pour partager leurs expériences à
l’ère numérique« , c’est-à-dire qu’elle proposera
une plateforme de mutualisation des contenus. Cette mutualisation
aura pour conséquence une réduction de la diversité éditoriale et
une uniformisation des contenus à l’échelle européenne, ce qui
facilitera l’imposition et la circulation de la propagande
atlantiste à l’échelle du continent. L’objectif affiché est
ainsi de « faire émerger une opinion publique en
Europe » …
Guillaume Borel