Une petite citation d’Huxley pour la
route :
Environ 99,5% de la population de la
planète est aussi stupide et béotienne que les masses anglaises,
mais de façon différente. Il me semble qu’il est inutile de
s’attaquer aux 99,5%, mais qu’il important que les 0,5% puissent
survivre, se maintiennent au niveau de qualité le plus élévé possible, et, si possible, dominent le reste. L’imbécilité des
99,5% est consternante, mais après tout, que peut-on en attendre
d’autre ? (tiré de The Hidden Huxley, par David Bradshaw).
Voilà qui devrait vous amener à vous
interroger sur la véritable personnalité d’Huxley...
Quant à ses livres, le principe mis en
oeuvre chez Huxley est celui de la fiction normative. Voici comment
cela fonctionne :
[...]le
pouvoir normatif de la fiction. Des auteurs animés par des
idéologies douteuses ont
souvent utilisé ce pouvoir normatif pour mettre en avant des projets
radicaux. La propagation
de la fiction normative au sein de la population permet de lui
suggérer l’apparition
d’événements à venir. Ceux qui auront été convaincus du
caractère inévitable de
ces événements futurs vont soit les accepter passivement, soit agir
concrètement pour les
mettre en oeuvre. Ainsi, lorsque le futur se déroule comme prévu,
il adopte le caractère paradigmatique
de la fiction qui l’avait prédit. [...] elle peut
présenter
à son public des possibilités qu’il ignorait auparavant ou qu’il
n’avait pas considérées, et donner corps à ces possibilités par
le truchement de l’intrigue, des personnages, de la mise en scène
etc. Grâce à une « suspension volontaire de l’incrédulité »,
les lecteurs mènent une gedankenexperimente
socio-culturelle :
ils évaluent dans quelle mesure ces idées pourraient fonctionner
dans le monde réel et quels effets elles seraient susceptibles d’y
produire, et ils envisagent la possibilité d’un nouveau consensus.
Voilà
ce qu’a fait Huxley dans ses livres. Il ne les a pas écrits pour
dénoncer une horreur à venir, mais pour habituer les gens à l’idée
de cette horreur future, de telle sorte qu’ils soient plus facilement en mesure
de l’accepter une fois qu’elle sera devenue une réalité concrète.
Et
je sais que je vais encore me faire des ennemis mortels, mais Huxley
n’est pas le seul dans ce cas : le 1984 d’Orwell fonctionne exactement
sur le même principe. D’ailleurs, Orwell a été l’élève d’Huxley à Eton,
avant de bosser pour le ministère de l’information (=propagande)
anglais. Le MOI (Ministry Of Information) était d’ailleurs la
version contemporaine du Ministère de la Vérité de son roman.
Encore de la fiction normative : il s’agit d’habituer les gens à
l’idée d’une propagande omniprésente et délirante.
Et ces principes sont plus que jamais d’actualité. Le film Transcendence, avec Johnny Depp, sur le transhumanisme est un excellent exemple de fiction normative. On nous présente le futur désiré (ici, le transhumanisme) comme une monstruosité présentant tout de même certains avantages, tout en soulignant son caractère inéluctable . La populace pèse le pour et le contre, s’habitue à cette idée et finit par accepter ce futur monstrueux (c’est en tout cas l’objectif recherché).
Le meilleur des mondes (et les autres productions d’Huxley) avait pour objectif d’habituer les gens à l’idée d’aimer leur servitude, le fouet étant remplacé par le contrôle social, l’eugénisme, les drogues, la sexualité débridée, les jeux débiles etc.
Pour les anglophones, je recommande la lecture de cet article, que je vais bientôt traduire pour les autres. On y apprend le rôle joué par Huxley dans la révolution psychédélique.