Les primaires américaines sont passionnantes, sans doute les
plus passionnantes que j’ai pu voir mais pas pour les mêmes raisons que l’imagine
JR. Elles sont une bouffonnerie évidemment mais il faut aller au-delà du
spectacle car il y’ a cette année quelque chose de passionnant qui s’inscrit
dans le cadre de l’effondrement structurel de l’empire américain : le phénomène Donald Trump , un candidat
“fou”, “inimaginable”, “inéligible” pour les élites, et pourtant candidat
“sérieux”, pour la base populaire républicaine et qui se constitue une machine
électorale qui pourrait effectivement le conduire à la désignation...
Il faut bien comprendre ceci : Trump est un trublion,
un clown milliardaire, il n’est pas
important par son « programme », ses « idées » etc., mais à
cause du désordre qu’il apporte, à cause de la seule tendance qui semble solide
chez lui, qui est sa détestation de l’establishment.
Dans une situation normale des USA, c’est-à-dire du Système
organisée selon l’arrangement d’un “parti unique” avec deux ailes, l’aile
gauche (les démocrates) et l’aile droite (les républicains) Trump aurait été
renvoyé depuis plusieurs mois à ses milliards, à ses tours prestigieuses qui
portent son nom et à ses épouses siliconées.
Seulement, sa fortune personnelle lui donne une puissance
réelle par l’autonomie de son action mais n’apparaît en aucune circonstance comme un handicap populiste, c’est là
son trait le plus original et le facteur essentiel du désordre qu’il introduit :
Trump, qui a profité du Système et qui
devrait se classer parmi les 1% détenant l’essentiel de la fortune du Système
et haïs par les 99% restants, paraît au contraire comme le favori des 99% dans
le parti républicain. On dirait que la principale vertu de
Trump est qu’il apparaît tellement comme un excentrique qu’il pourrait passer
pour un fou, et que c’est bien cela qui semble séduire la base du parti.
Ce genre de choses peut apparaître dans le processus
électoral mais est en général réglée en quelques semaines, ici, ce n’est pas le cas, et la façon dont
Trump dure tout en restant, et même en s’affichant avantageusement comme un fou
selon le système est un événement particulièrement impressionnant. Donald
Trump reste obstinément en tête des candidats à la désignation du parti républicain,
il ne veut pas partir ni quitter la tête de la compétition, donc il tient la
clef de la désignation du candidat républicain, et le parti républicain de son coté,
acculé mais conscient de ses devoirs vis à vis du système, ne cesse de se
renforcer dans sa résolution de ne jamais le nommer candidat aux
présidentielles.
L’intrusion obstinée et qui ne cesse de durer de Trump qui
ridiculise le processus électoral si précieux pour l’apparat du Système est un
horrible facteur de désordre : pour
tenir, le Système a besoin d’offrir l’apparence bidon d’une alternative qui lui
corresponde complètement. Si Trump était désigné candidat républicain, le
processus du Système deviendrait manchot, c’est-à-dire plongé dans une crise affreuse,
c’est bien le Système entièrement, soit le “parti unique”, qui serait
mortellement menacé, et nullement les seuls républicains.
Quant à une élection de Trump-président, le
pouvoir américaniste se trouverait avec un président hors-Système (et non anti -système), avec tout le Système (Congrès,
Cour Suprême, Complexe Militaro-Industriel, lobbies, etc.) incité à la révolte
contre lui, ce qui conduirait à une
véritable perspective de déstructuration interne.
On peut s’attendre à ce que le système l’attaque
brutalement par un scandale, mais le problème est que Trump, homme-scandale par
excellence, semble insubmersible à cet égard, puisque son succès semble presque
le produit de tous les scandales qui font de lui ce qu’il est.
Il ne reste que l’assassinat, d’ores et déjà, Trump
s’estime menacé, notamment depuis que le fils d’un des “barons” des cartels
mexicains de la drogue l’a
publiquement menacé de mort et a promit 100 millions de dollar à qui
abattrait Donald Trump comme un chien.
On ne peut pas comprendre
le phénomène Trump si on ne comprend pas la crise profonde et l’effondrement structurel
que connait l’empire américain, tant sur le plan interne qu’externe, car il en
est la manifestation électorale.