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Rounga Rounga 17 décembre 2015 14:02

@samagora95
Qu’on précise un peu les choses concernant la conception aristotélicienne de la science, en citant le livre E de la Métaphysique d’Aristote :

"Ainsi il y aurait trois philosophies théoriques : la mathématique, la physique, la théologique, car il n’y a pas de doute que, si le divin existe quelque part, il existe dans une nature de ce genre, et il faut que la philosophie la plus précieuse traite du genre le plus précieux. Donc les sciences théoriques sont de beaucoup préférables aux autres sciences et celle-ci [la théologique, donc] aux autres sciences théoriques."

La théologie, qui est la science qui se rapporte au moteur immobile, est donc la science la plus importante pour Aristote. Inutile de dire que cette conception est totalement tombée en désuétude dans le milieu scientifique actuel. C’est que pour Aristote, l’objectif de la science est d’accéder à la theoria, c’est-à-dire à la contemplation, au savoir désintéressé, au pur plaisir de connaître pour connaître. Les applications pratiques sont dans ce système de pensée totalement secondaires, ce qui n’est plus le cas avec Descartes. Je cite la 6ème partie du Discours de la méthode  :

"Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusques à présent, j’ai cru que je ne pouvois les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connoissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature."

On voit la rupture qui s’opère ici. Le savoir spéculatif pur, c’est ringard, il faut que la science soit utile. La métaphysique ne sert plus qu’à donner des bases certaines aux autres savoirs (physique, médecine, morale). Elle est rétrogradée au rang de simple prolégomène, alors qu’auparavant elle était la reine des sciences.

Je considère qu’on peut tout à fait rejeter cette conception de la science. Certes, elle a pour elle son efficacité, puisque, dès lors qu’elle fait de l’utilité son but principal, elle produit des résultats tangibles et indiscutables. Elle se donne à elle-même un champ d’action, et en l’exploitant elle sert son dessein comme elle l’avait annoncé. Mais cela ne prouve pas qu’elle a permis à la science humaine d’atteindre un degré de vérité plus élevé qu’avec la conception ancienne et qu’elle a disqualifié à jamais la métaphysique et la théologie. C’est plutôt qu’en se détachant de ces disciplines, elle ramène son domaine de vérificabilité au seul monde des phénomènes observables et reproductibles. Je ne vois donc aucun inconvénient à vouloir unifier dans une même pensée la physique et la métaphysique, à l’ontologie et à la théologie, qui ne sont d’ailleurs pas des disciplines fondamentalement irrationnelles (la théologie ne fait pas forcément référence à une divinité révélée, mais se pose la question de l’origine de l’Univers). La seule condition que je mettrais est d’être bien formé dans les deux domaines, ce qui est assez rare.




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