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Joe Chip Joe Chip 14 juillet 2016 18:34

@Ravirol la Variole Mauve

C’est le point commun de tous ces "dissidents" d’opérette, fournir à leur auditoire une explication monocausale aux dérèglements du monde, qui reste suffisamment accessible et simple pour apaiser le ressentiment engagé par la conscience de ne pas avoir réussi dans une société "ouverte" qui exige une performance, une intégration complète, une intensité dans l’implication, et échapper ainsi à la haine de soi. Pour les uns, ce sont les juifs/sionistes, pour d’autres les franc-maçons, les arabo-musulmans, les protestants, les jésuites, les Français ou un mélange de tout ça... 

Pour le reste, je suis plutôt d’accord avec Qaspard même si on ne partage probablement pas la même opinion sur les "invités" (qui se rangent clairement, pour moi parmi les manipulateurs malsains et malhonnêtes). Il faut cesser de vouloir protéger les imbéciles, les paumés, les influençables et les esprits faibles de la dureté du monde et de leur destin. Les solutions à ce "problème" - si tant est qu’elles existent - sont généralement pire que le problème, on voit d’ailleurs à quelle absurdité peut mener ce désir de protection quand il est assumé par le législateur, par exemple auprès des "victimes de radicalisme" que l’on prétend désormais "déradicaliser" dans des "centres spécialisés" (coût pour la collectivité par centre : un million d’euros annuel). Aujourd’hui ce sont les tarés djihadiques, mais demain à qui le tour ? Les cathos intégristes ? Les racistes ? 

Si l’envie de protéger une personne d’elle-même est parfois légitime, surtout dans le cadre familial ou relationnel - j’aurais tort de ne pas tenter au moins d’arracher un ami à l’influence d’une secte - on ne peut en revanche jamais trop se méfier de la sagacité et de la probité de nos "protecteurs" institutionnels qui prétendent s’arroger le droit de "reprogrammer" un individu dans le but de le sauver, prétention qui, outre sa totale absence de garantie de résultat (un dhihadiste ne pouvant qu’être superficiellement "guéri") pose quand même de nombreux problèmes d’ordre philosophique et juridique. 

D’une certaine manière, les gourous assument dans notre monde social un rôle sans doute ingrat du point de vue de la morale (au sens banal du terme) mais nécessaire, au même titre que le sont les requins dans la nature. Les gourous et les escrocs sont les prédateurs naturels d’une catégorie d’individus fragiles et/ou inaptes à l’autonomie qu’il est illusoire de chercher à préserver d’eux-mêmes dans le mesure où ils éprouveront toujours le besoin de se mettre sous la dépendance affective ou l’autorité d’un gourou, d’un naturopathe mégalomane, d’un mari omnipotent, d’une femme castratrice, d’un patron abusif... Et il est est préférable, dans l’intérêt de la société, que ce rôle autoritaire soit dévolu à un gourou ou une secte organisée - dont l’influence extérieure est politiquement limitée - plutôt qu’à l’institution ou à l’Etat, qui est par définition enclin à une illimitation. Ce n’est pas un hasard s’il n’existe aucune secte ou mafia dans les dictatures. Le grand gourou ne tolère pas l’existence des petits gourous amateurs. Dans un registre plus libéral, on voit très en France comment Manuel Vals définit presque quotidiennement ce qu’est le "bien" et le "mal" du point de vue républicain, ou de ce qu’il considère être l’intérêt républicain. 

Non seulement, ça coûte moins cher au contribuable - les victimes de secte ayant le bon goût d’auto-financer en règle générale leur propre assujettisement - et surtout, cela prévient l’ingérence excessive des autorités dans la vie des autres citoyens sous prétexte de "prévention" et de "protection" des individus les plus fragiles. Parce que pour lutter a posteriori contre l’influence des idéologies sectaires, il faut déployer des moyens considérables : fonctionnaires et agents qui vont surveiller, émettre des rapports, experts, médecins, psychologues pour la "prise en charge"... or, tout ce travail est, d’une certaine manière, effectué pour beaucoup moins cher par le gourou qui est tout à la fois surveillant, thérapeute et gestionnaire de patrimoine (cynisme). Au final, c’est choisir le moindre d’entre deux maux. 

Il faut admettre une limite à la volonté de faire le bien quand cela dépasse nos capacités individuelles. Certaines personnes ne peuvent pas supporter les contraintes de l’autonomie ; au contraire le renoncement à leur liberté peut leur apporter une forme d’apaisement que la société ne pourra jamais leur offrir, sinon en mobilisant des moyens démesurés pour atteindre des objectifs flous ou moralement contestables. Onfray et quelques sociologues l’expliquent assez bien, les djihadistes ne sont pas des "déséquilibrés nihilistes" ni des abrutis "manipulés" mais des gens qui sont impliqués dans un plan de vie et qui reconnaissent des valeurs exogènes à celle de la démocratie libérale moderne. Pourquoi s’acharner à leur coller une "nationalite civique" qu’ils rejettent intégralement ? Pourquoi les "forcer à être libre" pour reprendre le paradoxe fécond de Rousseau, puisqu’ils dénoncent le contrat social à travers leurs actions et leurs discours ? 

En punissant les gens pour leur naïveté excessive, en profitant - dans tous les sens du terme - de la crédulité d’autrui, en convertissant la complaisance des victimes en pouvoir et en magnétisme sexuel (sujet intéressant : pourquoi les gourous ont-ils ce pouvoir d’attraction sur les femmes ? Regardez les mannequins juvéniles que lève Raël avec son physique d’ablette, sa tronche de français moyen et ses accoutrements new-age ridicules) le gourou se comporte en prédateur/reçycleur social qui contribue, par son activité nuisible mais nécessaire, à avertir le reste de la société des dérives et des dangers qui guettent ceux qui ne savent pas voir ou qui ne veulent pas voir - joies de l’auto-aveuglement. 

Comme l’écrivait Balzac : "La morale comme l’économie repousse celui qui tient une place sur terre sans répandre autour de lui ni bien ni mal, car le mal est sans doute un bien dont les effets ne se manifestent pas immédiatement". 




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