Les raisons pour lesquelles Eric Zemmour n’a pas intérêt à se présenter
J'avoue, je cède moi aussi à la facilité du moment de surfer sur la vague actuelle en publiant un article sur Eric Zemmour. Brillant intellectuel et brillant idéologue, le Z aura réussi à imposer ses idées dans le débat public grâce à ses remarquables talents de bretteur et, disons-le, de communicant. Dans ce milieu médiatico-politique sclérosé depuis des années sur plusieurs sujets, dont les questions liées à l'islam, l'immigration ou la question identitaire corrélée à ce qu'il appelle la "défrancisation" des communautés, Zemmour, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, détonne par sa manière abrupte d'aborder tous ces débats sur la place publique. Et de fait, force est de constater que les idées de Zemmour rencontrent un écho favorable auprès de nos compatriotes sur beaucoup de ces sujets
Pour autant, malgré tous ses talents incontestables, doit-on considérer qu'il serait "le meilleur candidat" pour représenter la droite française et, plus largement, les idées souverainistes afin de contrer l'idéologie mondialiste et progressiste incarnées par Emmanuel Macron ? Par ailleurs, n'oublions pas la règle fondamentale en politique qui nous rappelle que ce n'est pas parce que vos idées rencontrent la sympathie auprès de beaucoup de français que ces mêmes français voteront ipso facto pour vous. Souvenons-nous par exemple de Jean-Pierre Chévènement qui a bénéficié de sondages très favorables pendant la campagne présidentielle de 2002 (montant pendant un temps jusqu'à 15-20% des intentions de vote) pour finir avec un résultat à tout juste 5%, ce qui fut non seulement une grande déception à l'époque pour le courant souverainiste tout entier mais qui, de façon mathématique, a également empêché Lionel Jospin de se retrouver au second tour face à Jacques Chirac qui a eu au final comme adversaire un certain Jean-Marie Le Pen. Ayons bien cet exemple en mémoire avant de tirer des conclusions hâtives sur le "phénomène Zemmour" qui est aujourd'hui crédité de 10% des intentions de vote dans les sondages. Je gage d'ailleurs qu'il continuera à monter encore dans les sondages jusqu'à ce que la campagne présidentielle ne commence réellement.
Partant de là, quelles sont les raisons pour lesquelles Eric Zemmour n'aurait pas intérêt à se présenter à la prochaine élection ?
1) Eric Zemmour n'a pas l'âme d'un chef
Cette affirmation ne manquera pas de faire réagir certains partisans de Zemmour or elle est pourtant essentielle, notamment en ce qui concerne la France. Si l'on cite les 3 grandes figures de l'Histoire de France que sont Jeanne d'Arc, Napoléon Bonaparte ou encore Charles De Gaulle, tous ont en commun d'avoir été des "meneurs d'hommes" et de brillants soldats. Mais à la limite, ne prenons même pas en considération ces "géants" qui ont fait l'Histoire de France et contentons-nous simplement de faire l'état des lieux des présidents qui se sont succédés sous la 5è République : tous, absolument tous qu'ils soient brillants ou médiocres ont à un moment ou à un autre occupé des postes à responsabilité leur demandant de diriger des individus. Ce qui n'est pas le cas d'Eric Zemmour qui a toujours travaillé en solo et qui n'a donc pas de "savoir-faire" dans ce domaine (ce qui, encore une fois, n'enlève strictement rien à ses capacités intellectuelles ni à son sens de l'Etat). Cette remarque paraîtra sûrement dérisoire pour beaucoup, elle est pourtant fondamentale, je le répète, lorsque l'on prétend diriger une nation.
A ce sujet, voici Eric Zemmour interviewé par Pascal Praud. Cette interview, dans sa première partie, est intéressante en ce sens que Praud n'est absolument pas quelqu'un d'hostile à Zemmour (c'est même exactement le contraire) or c'est précisément la remarque qu'il lui adresse et on sent à l'expression du visage de Zemmour qu'il paraît quelque peu mal à l'aise sur cette question
2) Eric Zemmour brillant idéologue mais maîtrisant peu les sujets techniques
On le redit, Eric Zemmour est un brillant idéologue maniant avec brio les concepts d'autant qu'il dispose d'une culture générale assez étendue. Par ailleurs, comme Eric Zemmour, je pense aussi que la victoire d'un homme dans une campagne présidentielle passe en partie par la victoire des idées que représente l'homme en question. Mais pas seulement. Comme évoqué dans l'introduction, JP Chevènement, brillant intellectuel lui aussi, représentait également en 2002 des idées alors majoritaires dans l'opinion publique notamment sur la question de la souveraineté de la nation (idées qui se sont concrétisées lors du référendum de 2005, malheureusement passées par pertes et profits par nos chers dirigeants...). Bref cette idée de "souveraineté nationale" qui est toujours majoritaire chez nos concitoyens ne date pas d'hier or cette idée n'a jamais été concrétisée par l'élection d'un de ces représentants. Les raisons sont probablement multiples mais l'une d'entre elles tient manifestement au fait que tous les représentants de ces courants souverainistes ne sont pas jugés "crédibles" aux yeux des français, car ne maîtrisant pas suffisamment les questions techniques. Qu'on se souvienne par exemple de l'échec retentissant de Marine Le Pen et de son calamiteux débat face à Macron en 2017 dont elle ne s'est pas encore relevée aujourd'hui. J'ai hélas bien peur qu'il en soit de même pour Zemmour lorsqu'on l'interrogera sur son programme et qu'on entrera dans des questions techniques, notamment sur le plan économique.
A titre d'illustration, voici un échange entre Zemmour et Aymeric Caron à ONPC lors de la sortie de son essai "le suicide français" en 2014 et au cours duquel Caron interrroge Z sur les chiffres des étrangers vivant en France que Z met en avant. J'ai beau détester Caron, l'honnêteté m'oblige à reconnaître qu'il a mis ici Zemmour en défaut par rapport à sa rigueur sur ce sujet.
3) Encore plus important : en se présentant, Zemmour favorise de fait la réelection de Macron
Certes, Zemmour n'a pas forcément tort lorsqu'il estime que "Marine Le Pen" ne gagnera jamais l'élection présidentielle" ou même lorsque, de manière assez peu charitable, il estime "qu'elle est nulle". Mais est-ce une raison pour plomber encore plus les chances de la présidente du Rassemblement National et, bien plus important encore, de plomber les chances de voir un jour un souverainiste prendre (enfin) le pouvoir ? Nous pouvons affirmer que nous avons en France la famille souverainiste la plus bête du monde car infoutue de faire alliance. Entre des personnalités brillantes que sont Zemmour, Philippot, NDA, Marine Le Pen ou même François Asselineau, force est de constater qu'ils sont tous plus mobilisés par leur égo que par leurs idées. Et Zemmour, en fonçant à son tour dans l'arène, ne fait qu'ajouter encore plus de confusion au sein de ce bordel ambiant.
Il suffit d'ailleurs d'observer l'évolution des intentions de votes depuis juillet jusqu'à aujourd'hui pour constater que Zemmour fait une percée à 10% au détriment de Marine Le Pen qui baisse, ce qui éloigne encore un peu plus les chances de cette dernière, tout ceci à l'avantage de Macron qui demeure largement devant tout ce petit monde et creuse encore plus l'écart avec sa principale adversaire.
Conclusion : S'il reste encore un peu de bon sens à Eric Zemmour, et s'il arrive à mettre (un peu) de côté l'hybris dont il est habité depuis que les sirènes médiatiques lui susurrent à l'oreille "qu'il est le meilleur", on ne saurait trop lui conseiller de continuer à faire ce qu'il fait le mieux : faire de la "métapolitique" en défendant ses idées sur la place publique. Les idées souverainistes méritent mieux que de continuer à se diviser en favorisant encore un peu plus le camp mondialiste et la désagrégation de la France...
Tags : Politique Eric Zemmour Présidentielle 2022
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