Bonjour Mao-Tsé-Toung, et merci pour votre accueil bienveillant, cependant je ne suis qu’un amateur.
Vous avez
raison de poser des questions sur le sens des mots, un raisonnement
philosophique devrait commencer par définir ses concepts, comme on définit les
outils, leur usage, les unités et les grandeurs physiques.
Permettez-moi
d’ajouter que votre démarche critique est de nature philosophique et relève de
la philosophie des sciences ; et ceci indépendamment des mots que vous
utilisez, du sens que vous leur donnez, et quand bien même vous n’auriez lu
aucun ouvrage de philosophie.
L’existence de la matière indépendamment
de la pensée n’a rien à
voir ni avec Nietzsche ni avec Onfray, c’est simplement la conception matérialiste
du monde. Elle s’oppose à l’idéalisme selon lequel l’existence de la matière dépend
de la pensée (idéalisme et matérialisme au sens philosophique et non au sens moral
ou éthique, de désintéressement ou de cupidité et d’hédonisme, comme on l’entend
habituellement).
La pensée
prend naissance dans les synapses et les neurones du cerveau. Elle peut en retour
modifier, transformer la matière, à la condition d’utiliser la matière
elle-même et d’appliquer ses lois. Mais la pensée ne crée pas la matière et ne
la supprime pas non plus.
Vous connaissez
la thèse de certains physiciens selon laquelle la matière n’existe que dans le
cadre de l’expérience. Elle repose sur la modification des phénomènes physiques
causée par leur « observation ». Or l’observation n’est pas un pur
processus de pensée mais elle utilise aussi la matière, par exemple un rayon
lumineux, et c’est l’interaction entre ce rayon et le photon observé qui
produit la modification du phénomène, l’annihilation de la diffraction, l’incertitude
de la mesure etc. et non la pensée pure ou l’observateur.
A une autre
échelle prenons un marteau pour « observer » l’intérieur d’une cruche
et …miracle de « l’observation » : elle a transformé la cruche
en un tas de débris !
Heisenberg
écrivait :
« Il
me semble, me mit en garde Einstein, que votre pensée s’oriente maintenant dans
une direction très dangereuse. Car tout d’un coup, vous vous mettez à parler de
ce que l’on sait de la nature, et non pas de ce qu’elle fait effectivement.
Mais dans les sciences, il ne peut s’agir que de mettre en évidence ce que la
nature fait vraiment. Il pourrait très bien se faire, en effet, que vous et moi
ayons des notions différentes de la nature. Mais qui donc cela peut-il
intéresser ? Vous et moi peut-être. Mais, pour tous les autres, cela n’a aucune
importance. Donc, si votre théorie est juste, vous devrez me dire un jour ce
que fait l’atome lorsqu’il passe d’un état à un autre en émettant de la
lumière. »
Mon hypothèse
de départ est donc que la matière et ses transformations existent
indépendamment de la pensée, y compris lorsque le laborantin prend sa retraite.
Les manifestations
contradictoires de la réalité
J’utilise volontairement le concept de contradiction et non de paradoxe.
Le paradoxe va à l’encontre des idées reçues et implique un sujet : on en
reviendrait à la conception idéaliste, anthropocentriste, que critiquait
Einstein justement.
Deuxièmement, on parle ordinairement de « contradiction » à
propos du débat d’idées. C’est un point de vue restrictif. J’utilise le concept
de contradiction au sens général, y compris pour désigner les oppositions au
sein de la matière elle-même, oppositions ou contradictions qui sont à la
source de ses transformations, et cela avec ou sans « observateur ».
En philosophie c’est la dialectique, non pas idéaliste comme l’entendait Hegel, mais matérialiste comme la
définissait K. Marx : il a utilisé le matérialisme-dialectique pour
analyser le Capital, et son ami Engels l’a utilisé aussi dans « Dialectique
de la nature ».
Je vous invite à lire cet essai sur le matérialisme-dialectique « Contrairement
à une opinion répandue le soleil brille aussi la nuit », qui traite
entre autres de certains paradigmes que vous critiquez dans vos articles.
La contradiction dans la matière s’observe à toutes les échelles, sous
forme d’attraction-répulsion, de polarité, de moment cinétique, de transition
de phase, de sinusoïde, d’énergie potentielle-cinétique, d’onde-particule, d’émission-absorption
de photon, de rétroaction positive ou négative, d’inhibition et inhibition de l’inhibition,
de division cellulaire ou de reproduction, etc.
La forme change mais la cause profonde des transformations réside dans
les oppositions internes de la matière.
[...] à suivre