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Malika Sorel vs Malek Boutih : Pour la suppression des partis politiques

Débat le 7 juillet sur l’immigration entre Malika Sorel, membre du Haut conseil à l’intégration, et Malek Boutih, membre du Parti socialiste.

 

Ce débat me paraît très intéressant à l’heure où l’on réfléchit de plus en plus sur AgoraVox à l’avenir et à la rénovation nécessaire de notre "démocratie" (qui n’a de démocratie que le nom). En le regardant, j’ai pensé à un texte formidable que je viens de lire, et que j’ai découvert grâce à Etienne Chouard. Il s’agit d’un texte de Simone Weil (la philosophe, pas la femme politique), datant de 1940, et intitulé "Note sur la suppression générale des partis politiques". Je vous invite à le lire et à le méditer... Dans ce texte, elle explique que les partis politiques sont les ennemis de la démocratie, car ils défendent inévitablement leur intérêt propre (ils ont tous une tendance totalitaire), et oublient l’intérêt commun, le bien commun.

 

Précisément, dans ce débat Sorel-Boutih, comparez les attitudes des deux protagonistes. Sorel n’appartient à aucun parti, elle les critique tous, elle s’est certes rendue à une convention de l’UMP (ce que Boutih tente d’exploiter pour faire penser qu’elle appartient à ce parti), mais elle ne cesse pour autant de critiquer rudement l’UMP. D’ailleurs, elle a aussi participé à une convention du PS (voir à 6 min), car elle va partout où on l’invite à exprimer son point de vue d’experte : un petit rappel qui met Boutih très mal à l’aise et qu’il tente d’esquiver... Bref, Malika Sorel, affranchie de tout parti, défend le bien commun, tel qu’elle le conçoit. Malek Boutih, lui, est prisonnier de son camp, de son parti, il défend sa boutique, pas l’intérêt général. Ça me saute aux yeux. Et Boutih, insidieusement, essaie de faire passer l’idée que Sorel serait également partisane et roulerait pour l’UMP, façon bien commode de rabaisser le débat à un affrontement classique et stérile UMP-PS.

 

Ici, le sujet, c’est l’immigration (ce pourrait en être un autre), sujet hautement sensible que les politiques professionnels ne traitent que dans une perspective électoraliste (est-ce qu’en parler va avantager Sarkozy, Marine Le Pen ?...), alors que les citoyens de base en parlent simplement lorsqu’ils estiment que des problèmes se posent et doivent être résolus. A 2 min 45, par exemple, Boutih essaie de renvoyer toute la faute sur le dos de l’UMP, dans cette guéguerre politicienne stérile qui exaspère tout le monde ; Sorel réplique qu’il lui semble irresponsable, compte tenu de la gravité de la situation, de compter les points, que les fautes sont partagées, et qu’il convient d’élever le débat au-dessus des intérêts partisans. Ce que Boutih se montre ici incapable de faire. A 4 min 10, Sorel se refuse toujours à rentrer dans des querelles partisanes, dans quoi Boutih aimerait tant la faire rentrer (ce serait si commode...) et réaffirme qu’il lui importe peu de savoir qui sera élu. Enfin, à 8 min 20, elle affirme que si les problèmes ne sont jamais réglés, c’est que les partis politiques, quels qu’ils soient, les instrumentalisent sans cesse selon leur propre intérêt. Tout est dit.

 

Quand je vois un tel débat, je n’ai aucun doute sur la personne qui serait le plus utile à la France. C’est la citoyenne libre, non encartée, pas le militant éternellement soumis à son parti, qui ne pense qu’à l’élection présidentielle, à la victoire de son champion en 2012. L’avenir de la démocratie (s’il existe) passera par la fin des partis politiques. Bien sûr, nous aurons concrètement toujours besoin de représentants, mais ils seront désignés par leurs pairs (c’est-à-dire les citoyens) à travers le débat public qui commence à naître sur Internet, et AgoraVox en particulier - et qui doit encore largement se développer. Au fil des échanges, des discussions, au fil du temps, des personnes dignes de confiance émergeront, et pourront très temporairement être désignées comme nos représentants, dans leur domaine de compétence. Ils seront aussi surveillés de près par ceux qui leur auront accordé leur confiance. Chouard a sans doute des idées là-dessus. Mais peu importe ici les modalités dans leurs détails... L’importance est de comprendre dès à présent la nuisance des partis politiques pour la démocratie.

 

Je finirai avec ce court extrait du texte de Simone Weil, que je trouve particulièrement pertinent, où elle évoque la seconde condition pour que le vouloir du peuple ait plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice (la première condition étant qu’au moment où le peuple prend conscience d’un de ses vouloirs et l’exprime, il n’y ait aucune espèce de passion collective) :

La seconde condition est que le peuple ait à exprimer son vouloir à l’égard des problèmes de la vie publique, et non pas à faire seulement un choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables. Car la volonté générale est sans aucune relation avec un tel choix.


S’il y a eu en 1789 une certaine expression de la volonté générale, bien qu’on eût adopté le système représentatif faute de savoir en imaginer un autre, c’est qu’il y avait eu bien autre chose que des élections. Tout ce qu’il y avait de vivant à travers tout le pays — et le pays débordait alors de vie — avait cherché à exprimer une pensée par l’organe des cahiers de revendications. Les représentants s’étaient en grande partie fait connaître au cours de cette coopération dans la pensée ; ils en gardaient la chaleur ; ils sentaient le pays attentif à leurs paroles, jaloux de surveiller si elles traduisaient exactement ses aspirations. Pendant quelque temps — peu de temps — ils furent vraiment de simples organes d’expression pour la pensée publique.


Pareille chose ne se produisit jamais plus.


Le seul énoncé de ces deux conditions montre que nous n’avons jamais rien connu qui ressemble même de loin à une démocratie. Dans ce que nous nommons de ce nom, jamais le peuple n’a l’occasion ni le moyen d’exprimer un avis sur aucun problème de la vie publique ; et tout ce qui échappe aux intérêts particuliers est livré aux passions collectives, lesquelles sont systématiquement, officiellement encouragées.

 

L’usage même des mots de démocratie et de république oblige à examiner avec une attention extrême les deux problèmes que voici :


Comment donner en fait aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité d’exprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ?


Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu’il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ?


Si on ne pense pas à ces deux points, il est inutile de parler de légitimité républicaine.


Des solutions ne sont pas faciles à concevoir. Mais il est évident, après examen attentif, que toute solution impliquerait d’abord la suppression des partis politiques.


Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels.

 

On peut en énumérer trois :


Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.


Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.

 

La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.


Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui.


Ces trois caractères sont des vérités de fait évidentes à quiconque s’est approché de la vie des partis.

Tags : Politique Démocratie Immigration UMP PS




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5 réactions à cet article    


  • 9 votes
    Erca 7 juillet 2011 23:42

    Excellent article ! Je me permets d’y adjoindre ces propos de Rousseau, qui vont tout à fait dans le sens de ceux de Simone Weil :


    "[...] quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l’Etat ; on peut dire alors qu’il n’y a plus autant de votants que d’hommes, mais seulement autant que d’associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général. Enfin quand une de ces associations est si grande qu’elle l’emporte sur toutes les autres, vous n’avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique ; alors il n’y a plus de volonté générale, et l’avis qui l’emporte n’est qu’un avis particulier.

    Il importe donc pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’Etat et que chaque Citoyen n’opine que d’après lui. Telle fut l’unique et sublime institution du grand Lycurgue. Que s’il y a des sociétés partielles, il en faut multiplier le nombre et en prévenir l’inégalité, comme firent Solon, Numa, Servius. Ces précautions sont les seules bonnes pour que la volonté générale soit toujours éclairée, et que le peuple ne se trompe point."

    Du Contrat social (II ; III)

    • 1 vote
      arpontar 9 juillet 2011 12:32


      IL FAUT COMMENCER PAR SUPPRIMER 90% DE NOS ELUS QUI NE SERVENT QU A TOUCHER INDEMNITES ET PRIMES
      et faire des pots...ou cumuler...mandats et metiers de l’argent...avocats d’affaires...gerants de sci...marchands de bien
      _ aux usa 1 elu pour 1000 hb
      _ en france 1 elu por 100 hb


      en comparaison nous n’avons qu 1 POLICIER pour 500 habitants....qui est le plus utile., ?..le policier...les élus faisant faire leurs missions par des assos de bénévoles..
      qui n’auront ni primes...ni 1 euro pour leur retraite
      ....meilleur système de retraite et de prévoyance....les élus........voir CNRACL CAISSE DES DEPOTS BIENTOT G SARKOZY MALAKOFFMEDERIC..


    • vote
      arpontar 10 juillet 2011 20:05

      ENFIN ..IL ETAIT TEMPS UNE BONNE IDEE...

       MAIS MALIK NE PESE PAS LOURD..........

      arpontar


    • 5 votes
      alia alia 7 juillet 2011 23:44

      Bien vue l ’auteur !! Gauche , droite , chacun défend sa soupe au détriment du peuple. A continuer comme ça, on va droit dans le mur !!

       http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/05/30/127-le-tirage-au-sort-comme-bombe-politiquement-durable-contre-l-oligarchie-la-video 
      faites tourner, tout est possible, soyons optimiste pour les générations futures !!


      • 13 votes
        Captain Brother Tolkien 8 juillet 2011 12:09

        Excellente Malika Sorel ! Une parole de vérité, ça fait du bien dans ce monde politico-mediatique.



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