Droits de la nature bafoués et censure citoyenne en marche en Equateur
Une fondation majeure de défense des droits de la nature et des peuples indigènes d'Amazonie a été dissoute par le gouvernement équatorien...alors qu'elle avait participé à inscrire ces mêmes droits dans la constitution du pays.
Droits bafoués et censure citoyenne en marche en Equateur.
A Quito, pour la première fois depuis 16 ans, ses portes sont closes et son équipe contrainte au chômage forcé. Nous sommes le 4 décembre 2013 et la fondation Pachamama (la "terre mère") vient d’être dissoute. Pour quel motif ? Avec la présomption de culpabilité pour étendard, l’Etat équatorien accuse certains de ses collaborateurs -sur ??la base d’allégations- d’avoir molesté des dignitaires étrangers présents lors du round XI des négociations aux enchères de gisements pétroliers. Pourtant, les membres de Pachamama se sont toujours distingués par une lutte -pacifiste- sur le terrain juridique en faveur des peuples d’Amazonie. Et, les enjeux sont capitaux, car si la plus grande partie de la forêt amazonienne se trouve au Brésil, la majorité des peuples autochtones se trouve elle en Equateur et au Pérou. Parmi les faits d’armes marquants de Pachamama, il y a notamment l’inscription des droits de la nature dans la constitution équatorienne en 2008 - une première mondiale ! Il y a également certaines des plus belles victoires judiciaires des peuples indigènes d’Amazonie, au premier rang desquelles les cas Sarayaku et Chevron-Texaco. Dans ces deux procès historiques, des villageois ont obtenus réparation de préjudices faits à leur terre en condamnant, respectivement l’Etat équatorien et le groupe pétrolier Chevron, à des amandes records (7 milliards d’Euros à la charge du géant américain).
Magnanime, le président Correa n’a pas manqué de saluer ces victoires bien qu’elles compliquent prodigieusement sa tâche. Car les investisseurs étrangers qu’il tente de draguer craignent eux aussi de finir devant les tribunaux, ce qui contribue à ralentir les ventes de concessions d’hydrocarbures. A l’origine, Rafael Correa avait été élu sur l’engagement de “laisser le pétrole brut dans le sous-sol” équatorien. Il avait même imaginé un mécanisme -hélas infructueux- compensant le manque à gagner par une judicieuse levée de fonds auprès de la communauté internationale : le projet Yasuni ITT. Une initiative avant-gardiste que ne cesse de plébisciter Pachamamadepuis ses prémices. Pourtant, en Août 2013, le président opte pour un revirement radical de stratégie -censé enrichir le peuple- en regrettant avoir à prendre “une des décisions les plus difficiles de tout [son] gouvernement”. Ce faisant, il ouvre la voie à une privatisation des territoires indigènes ancestraux et des ressources dont ils regorgent. De surcroît, Correa menace de bafouer les droits de la nature sur lesquels repose la constitution de son pays. Car cette mise aux enchères de pans entiers de l’Amazonie implique le sacrifice d’une partie du parc Yasuni, l’un des plus grands réservoirs de biodiversité mondial selon l’UNESCO. Bien entendu, l’irréductible fondation est depuis en première ligne pour dénoncer ce désastre annoncé. Mais, enchaînement hasardeux(? !), moins de quatre mois après, le gouvernement met un coup d’arrêt à son activité en exigeant sa dissolution pure et simple.
Au regard des faits, le bon sens inciterait à conclure à un vulgaire subterfuge visant à censurer définitivement la voix de Pachamama. Quoi qu’il en soit, le temps de la mobilisation est venue pour des ONGs telles qu’Amnesty International et Human Right Watch qui plaident ardemment pour le rétablissement de la fondation et la réouverture de ses bureaux. Si vous souhaitez en faire autant, n’hésitez pas à signer l’appel à soutien en suivant ce lien. Heureusement elle n’est pas seule à lutter, les organisations de défense des peuples indigènes continuent à s’élever contre la confiscation d’une partie de leur territoire. Elles ont d’ailleurs initié une procédure pour convoquer un référendum d’initiative populaire visant à collecter 600 000 signatures (soit 5 % de l’électorat équatorien) afin de trancher la question suivante : Etes-vous d’accord pour que le gouvernement équatorien maintienne indéfiniment sous terre le [pétrole] brut du bloc 43 regroupant Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT) ?
Pour en savoir plus, visionnez le reportage WiFU sur Pachamama réalisé en novembre 2013 :
Tags : Amérique du Sud Pétrole et essence Droits de l’homme Lobby Manipulation
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