L’énigme Plenel
Partant de cette vidéo prophétique d’Edwy Plenel datant d’avant les élections de 2007, j’aimerais ici interroger l’Agora pour essayer de comprendre ce personnage complexe qui fait trembler les puissants depuis Mitterrand et encore aujourd’hui avec l’affaire Cahuzac.
Détesté par les uns qui voient en lui un méchant Trotskiste manipulateur travaillant à la solde de la CIA, adulé par les autres qui voient en lui un journaliste intègre tapant aussi bien sur la gauche que sur la droite, qui est-il vraiment !
Voici quelques-unes de ses déclarations :
« Pour nous, au contraire, il ne s’agit pas de réformer l’école, de l’améliorer, de la démocratiser, car, tout simplement, c’est un objectif utopique, irréalisable : l’école est par essence, par nature, par origine un appareil de sélection sociale, de diffusion de l’idéologie bourgeoise. Cette école-là, elle n’est pas amendable, il faudra la détruire », Rouge hebdomadaire, 29 mars 1974.
« Notre fonction première n’est pas de rassurer les esprits et d’apaiser les consciences, mais au contraire d’éveiller et de stimuler ». Un temps de chien, Paris, Stock, 1994.
« Un journaliste du Monde doit apprendre à penser contre lui-même », Le style du Monde, janvier 2002.
« Si le caché et le secret sont, peu ou prou, au principe de la réalité, comment dire le réel sans franchir des frontières taboues, sans violer des territoires interdits, sans outrepasser notre rôle ? Le journalisme est face à ce défi. Qu’il y renonce, et il sera emporté, si ce n’est déjà fait, dans le discrédit qui ébranle sournoisement les pouvoirs. S’il l’assume, il entre en conflit avec les règles établies de protection des secrets, des institutions, des individus, des réputations, etc. » Un temps de chien, Stock, 1994
« Tu comprends, à mon époque, j’avais un mythe : le Che. Pour servir sa cause, il fallait qu’il soit dur avec ses hommes… Moi, tu comprends, je n’y suis pour rien, je suis un mythe pour toute une génération de journalistes ». A Pascale Sauvage, cité par Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003
« Le métissage, ce n’est pas une fusion, l’addition d’un et d’un, la rencontre entre deux identités dans l’illusion de leurs puretés originelles, encore moins un croisement d’espèces et de genres où la biologie aura sa part. Non, le métissage, c’est une politique. Et, plus précisément, une politique de résistance ». La découverte du Monde, Stock, 2002
« Le trotskisme comme expérience et comme héritage fait à jamais partie de mon identité, non pas comme un programme ou un projet, mais comme un état d’esprit, une vieille critique faite de décalage et d’acuités, de défaites et de fidélités ». Secrets de Jeunesse, Stock 2001
« Les médias sont naturellement, majoritairement suivistes, moutonniers, conformistes », entretien avec Oumma.tv, 17 septembre 2011
« La chance de la France, c’est justement ce brassage, ce mélange. C’est cette créolisation du monde qui fait que les identités ne s’annulent pas les unes et les autres, ne se dissolvent pas, qu’elles vivent, qu’elles se fécondent, qu’elles se rencontrent, qu’elles se croisent, qu’elles se respectent », idem.
A propos des drapeaux étrangers, place de la Bastille, le soir de l’élection de François Hollande : « c’était une superbe image de la France », France 3, « Ce Soir ou Jamais », 8 mai 2012
Et ce qu’on a dit de lui :
« Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce monsieur Plenel. (…) Il parlera moins haut quand on saura qu’il travaille pour une puissance étrangère », François Mitterrand, cité par Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003
« Plenel ? Il ne m’a pas lâché pendant dix ans et j’ai fini par penser qu’il travaillait lui aussi pour les Américains », François Mitterrand, cité par Pierre Favier, La décennie Mitterrand, Le Seuil, Tome IV, 1999
« Edwy Plenel a eu l’ ”honneur” d’être écouté sur ordre personnel d’un président de la République ! Notre ”ego” collectif et le sien en particulier auraient pu y trouver une forme de satisfaction. Mais, on ne peut considérer les écoutes autrement que comme la forme moderne des lettres de cachet », Jean-Marie Colombani, Le Monde, 28 avril 1997.
« Mitterrand avait, je ne sais pourquoi, une véritable détestation envers Plenel, qui était un très bon journaliste d’investigation », Pierre Joxe, A propos de la France, Itinéraires 1, Flammarion, 1998.
« C’est un bosseur, présent dès les aurores au journal. Cet homme flamboyant sème l’inquiétude et la peur. Portant sa passion en écharpe, il offre à tous le spectacle impressionnant de ses engouements et de ses haines. S’il déteste quelqu’un, l’existence de la personne qu’il a prise pour cible risque fort de devenir un enfer. Plenel n’hésite pas à humilier publiquement, à monter des coups dans le dos de ses ennemis qu’il peut même, le cas échéant, agresser ouvertement », Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003.
« Le journaliste plénéien est un combattant qui, au nom de l’urgence et de la nécessité, abandonne ses scrupules sur les moyens à utiliser pour fouailler les plaies… Ivre de mots, il en oublie les actes qu’il se voit contraint de commettre pour les justifier », ibid.
« C’est bien cette conception du journalisme, qui se situe quelque part entre celle du procureur soviétique Vichinsky et du conventionnel Marat, entre justice procédurale et tribunal populaire, entre filature policière et dénonciation publique, que Plenel, une fois parvenu à la tête de la rédaction du Monde, a imposé », ibid.
« Edwy Plenel restera le journaliste emblématique des ”années Mitterrand”. Il est en quelque sorte à Mitterrand, mais par antiphrase, ce que Joinville fut à Saint-Louis. Ses centaines d’articles sur le sujet, qu’il a complétés par trois livres, pourraient, réunis, former l’équivalent – en négatif, bien sûr – du Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis », ibid.
« Le système Plenel ne tolère pas l’indifférence : ou on est avec lui, ou on est contre lui », ibid.
« Lorsqu’un projet est présenté dans une réunion, personne ne s’exprime plus avant Edwy Plenel. Les gens ont peur. Il y a au Monde, toutes les caractéristiques de fonctionnement d’une institution totalitaire », ibid.
« Pour ses détracteurs, Edwy Plenel ressemble à Charlot dictateur, jouant du popotin avec la mappemonde. On y verrait plutôt un dessin à la pointe sèche, éclaboussé de taches noires pour les cheveux et cette moustache années 30. Froid, clandestin, assez dur et peu inquiet », Emmanuel Lemieux, Technikart n°69, février 2003.
« Étrange… Nous avons tous habillé notre foi en un monde meilleur de toutes sortes d’oripeaux. Et nombre d’entre nous ont ensuite jeté leur défroque de militant révolutionnaire sans regret. (…) Plenel, lui, a peu changé. Et comme s’il sacrifiait toujours aux rites de son ancien groupe, il règle son compte en priorité à ses frères ennemis. Il consacre ainsi des pages entières à la secte lambertiste, concurrente de la sienne, secte dont 99,99 % des habitants de la planète se moquent comme de leur première chemise. Mais pour Plenel, il est important de montrer qu’il existe de bons et de mauvais trotskistes, ou plutôt de vrais et de faux trotskistes », Pierre Rigoulout, cité par Emmanuel Lemieux, Technikart n°69, février 2003.
« L’indéniable brutalité humaine dont fait preuve Edwy Plenel, sa difficulté à fixer lui-même des bornes à son pouvoir sont d’autant plus déroutantes qu’elles s’entremêlent étroitement à une sincère autoreprésentation en victime (de son dévouement à la collectivité, de la logique de la raison d’État, des complots mitterrandiens et néo-mitterrandiens) qui le rend ultra-sensible à toutes les marques d’attention -et peut le pousser, par exemple, à pleurer sur un plateau quand sa collaboratrice Josyane Savigneau fait l’éloge d’un de ses livres, grand moment de télévision », Daniel Schneidermann, Le cauchemar médiatique, Denoël, 2003.
Tags : France Politique Journalisme Médias
61 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON