Tunisie : "blasphème" de la chaîne Nessma TV, fatwa, attaque du domicile du PDG de la chaîne

La chaîne privée tunisienneNessma TVa diffusé le 7 octobre le film Persépolis, qui comporte des passages critiques vis à vis de l’islam, ainsi qu’une séquence "blasphématoire" aux yeux des salafistes : une séquence dans laquelle Dieu est représenté comme un vieillard à barbe blanche (contrairement à l’interdit de la représentation divine). L’affaire donna le thème des prônes du vendredi 14 octobre, une fatwa fut émise, des manifestations monstres eurent lieu. Et ceci bien que Nabil Karoui, PDG de la chaîne, ait fini par exprimer ce qu’on pourrait appeler des excuses vagues ou des regrets ("Je suis désolé pour tous les gens qui ont été dérangés par cette séquence qui me heurte moi-même.")

Plus grave : le domicile de Nabil Karoui (interview) fut attaqué par un groupe en furie, et sa famille en réchappa de peu. Une femme de ménage, seule présente à l’intérieur, a été agressée et hospitalisée (Sources 1, 2, 3).

Nessma TV, de tendance laïque, est la principale chaîne privée du Maghreb.

Le directeur de Nessma, ainsi que des techniciens de la chaîne, ont été convoqués par un juge pour "atteinte au sacré" (source : le JDD papier du 16 octobre 2011).

La terrible séquence "blasphématoire" :

La fatwa du cheikh Issam Sboui :

Grande manifestation salafiste le vendredi 14 octobre :

L’attaque du domicile du PDG de Nessma TV :

Selon El Watan :

"Sofiane Ben Hmida, un des journalistes vedettes de la chaîne, a précisé à l’AFP qu’une vingtaine d’hommes étaient parvenus à entrer dans la maison, où se trouvaient la femme et les enfants de M. Karoui. Ce dernier n’était pas chez lui lors de l’attaque, survenue vers 19H00 (18H00 GMT).

"La famille a pu sortir par derrière et est en sécurité. Les assaillants ont saccagé la maison et ont mis le feu", a-t-il dit.

Joint par l’AFP, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Hichem Meddeb, a confirmé l’attaque, mais livré une version légèrement différente.

"Une centaine de personnes se sont présentées devant la maison de M. Karoui à La Soukra (banlieue de Tunis). Ils ont forcé la porte extérieure, cassé des vitres et arraché deux tuyaux de gaz", a-t-il dit, précisant ignorer si la famille se trouvait dans la maison à ce moment-là.

"Cinq personnes ont été arrêtées", a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.

De son côté, la chaîne Nessma a directement mis en cause les islamistes.

A l’antenne, une journaliste a dénoncé "l’incitation de quelques imams à commettre des crimes à l’encontre des employés de la chaîne", notamment à l’occasion des prêches de vendredi, jour de prière.

"Certains imams se sont comportés comme des militants politiques, c’est cela le double discours qu’on voit à l’oeuvre", a lancé Sofiane Ben Hmida.

Défenseurs des droits de l’Homme, militantes féministes et associations ont dénoncé, à l’approche des élections du 23 octobre, un "double discours" des islamistes, notamment du parti favori du scrutin Ennahda qui, selon eux, condamne la violence tout en encourageant en sous main les salafistes pour imposer leur idéologie à la société tunisienne." (Source : El Watan)

Selon Romandie News : 

"Nessma TV dénonce l’attaque de la maison de son PDG Nabil Karoui par un groupe d’une centaine d’hommes qui ont jeté des cocktails Molotov, a déclaré la présentatrice du journal du soir de la chaîne, précisant que la famille avait pu être sauvée in extremis.

Selon un photographe de l’AFP qui s’est rendu sur place, une grande partie d’un des murs de la maison a été incendiée, ainsi que deux fenêtres.

Un voisin, qui alerté la police, a dit à l’AFP avoir vu les agresseurs arriver en taxi, armés de couteaux et d’épées. Ils ont jeté des cocktails Molotov.

Selon une source de la sécurité de Nessma, seule une femme de ménage était présente à l’intérieur. Elle a été agressée et hospitalisée.

Nabil Karoui, joint par téléphone par le photographe de l’AFP, était choqué et effondré. J’ai peur pour ma famille, j’ai peur qu’ils reviennent, a-t-il dit, refusant que des photos de son domicile soient prises.

Joint par l’AFP, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Hichem Meddeb, a confirmé l’attaque, parlant d’une centaine de personnes qui ont forcé la porte extérieure, cassé des vitres et arraché deux tuyaux de gaz. Cinq personnes ont été arrêtées, a-t-il ajouté." (Source :Romandie News)

Mise à jour du 16 octobre 

Le JDD du 16 octobre apporte les précisions suivantes :

Nabil Karoui et des techniciens de la chaîne sont convoqués par un juge pour "atteinte au sacré".

Rachid Ghannouchi, homme fort du parti Ennahda (islamistes "modérés" en bonne place pour gagner les prochaines élections) a une attitude ambigue, dont témoigne cet extrait d’interview. Au JDD qui lui demande s’il condamne les violences contre Nessma, il répond :

"Nous sommes contre la violence et pour le respect des croyances et des convictions des autres. Mais je voudrais faire remarquer que Nessma n’a pas été attaquée. Ses locaux n’ont pas été vandalisés. Et son directeur s’est excusé, reconnaissant avoir offensé les convictions religieuses de la population tunisienne."

Savoure bien, cher lecteur, le paragraphe qui précède, car, s’il existait un prix Nobel de la rhétorique faux-cul, il le remporterait avec les félicitations du jury. Notez ceci :

" Mais je voudrais faire remarquer que Nessma n’a pas été attaquée. Ses locaux n’ont pas été vandalisés."

En effet, à ma connaissance, les violences n’ont pas touché les locaux proprement dits de Nessma. Juste les environs et la maison de son PDG.

" Et son directeur s’est excusé, reconnaissant avoir offensé les convictions religieuses de la population tunisienne."

Parce que le directeur s’est (plus ou moins) excusé sous l’effet de la violence, il est insinué qu’il est coupable ! 

Mais à part ça, bien sur :

"Nous sommes contre la violence et pour le respect des croyances et des convictions des autres."

Ennahda est un parti que toute la bien-pensance nous présente comme modéré. Celui qui en douterait est un vilain islamophobe !

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