Roland Gori : la religion du Marché a fait de nous des êtres serviles et conformes

Dans l’ensemble, il tourne autour du pot parce qu’il est lui-même élitiste. Quand il parle de l’hôpital, de l’ancien France Télécom devenu Orange, bref, des services publics convertis à la loi du marché, il oublie l’essentiel, les services indispensables qu’il ne faudrait pas mettre dans le marché : l’alimentation et le logement (interdiction de profits, de payes stratosphériques ou de rentes dans ces besoins de base : cela exclut évidemment les logements de luxe, les restaurants...).

Globalement, une société civilisée devrait s’arrêter de fonctionner (pour se concentrer uniquement sur le logement et l’alimentation) si des concitoyens se retrouvent à la rue ou à mendier pour de la nourriture parce que le "marché" (ou les règles instituées) les ont mis à l’écart. On devrait tous s’interdire les choses non fondamentales pour permettre à tous d’avoir ce minimum vital. Et le "marché" (ou n’importe quel autre système) pourrait n’exister qu’après avoir satisfait les besoins fondamentaux de chacun. C’est au prix de cette solidarité qu’émergerait la liberté.

Bien évidemment, certains sont formatés pour ne pas considérer ces 2 besoins fondamentalement indispensables comme "service public". Et pourtant : comment être libre, refuser un travail débilitant, un job de merde quand vous n’avez aucune autre solution "honnête" pour payer votre logement ou votre nourriture ? Et si on ne vous propose même pas de job de merde ? Vous vous prostituez, vous revendez de la drogue, vous volez ?

C’est la grosse soumission de notre monde : faire peur à chacun en lui faisant comprendre le risque de se retrouver à la rue, de n’avoir pas assez d’argent pour se nourrir. Et on ne créera jamais une société civilisée en jouant sur cette peur-là. Juste des accapareurs compulsifs qui chercheront à accumuler un maximum pour que leur progéniture ait "plus de chance" que celle des autres. Ce qui rendra fatalement la vie plus compliquée des autres et auto-réalisera les peurs qu’on souhaite éviter.

Et en allant plus loin, quelqu’un qui ne demande pas la lune, qui se contente de peu ne devrait pas avoir à travailler à autre chose que la satisfaction de ses propres besoins. Cette liberté là anéantirait immédiatement les jobs de merde et les désirs absurdes des plus fortunés réalisables grâce à la soumission du plus grand nombre (pas besoin de fabriquer des yachts ou de miner de l’or pour se nourrir, ce que font malheureusement beaucoup d’ouvriers mal payés à la merci d’une expulsion locative s’ils l’ouvrent un peu trop).