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Commentaire de Vaquette

sur Une histoire de censure, épisode 18


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Vaquette Vaquette 31 juillet 2013 00:48

Excuse-moi Elfableo, je ne vais pas prendre la peine de te rédiger (ou de faire semblant) un post qui aurait l’air de répondre précisément au tien, tu imagineras sans peine que ça fait 10.227 fois que je réponds ici ou là sur mon look, j’ai donc du mal à me renouveler (et puis je n’ai pas que ça à foutre). En conséquence je te copie-colle une longue réponse qui explique tout ça que j’ai postée dans les coms de l’épisode 12 (sur ce site, ici : http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/une-histoire-de-censure-episode-12-39612 ), ça remettra peut-être en cause tes a priori, disons, esthétiques, qui sait ? :

Bon, je vais essayer de répondre à tout le monde d’un coup d’un seul.

Je commence par un copier-coller d’une réponse que j’avais faite sur un autre site il y a quelques temps, vous me pardonnerez le ton probablement trop vindicatif (mais l’ambiance n’était pas la même sur le site en question), le fond de ce que j’ai à dire est néanmoins pertinent :

"@ XXX et à tous les crétins qui me ressortent la tarte à la crème de ma coupe de cheveux puisque c’est la seule chose qu’ils sont en mesure de percevoir de mon discours et/ou de mon travail : un islamiste avec une barbe, un faf avec un blouson Lonsdale casual, un branleur de banlieue avec un survet, des Nike et du bling-bling, etc., il cherche à marquer sa ressemblance, son appartenance à un groupe pour se fondre dans un collectif qui – effectivement – le rassure tant son individualité ne lui semble pas assez forte pour s’imposer. Quiconque est a minima lucide s’apercevra que ma démarche est à l’exact opposé : il est difficilement contestable que mon "look" n’appartient absolument qu’à moi (ne serait-ce que parce que, mon cher XXX, tu es probablement bien trop faignant pour te coiffer comme ça tous les matins et de toute façon trop pleutre et pusillanime pour sortir dans la rue en étant remarquable et conséquemment remarqué) et qu’a contrario d’un uniforme, il a pour ambition très modeste (une fois encore, fort heureusement, je ne pense pas pouvoir être réduit à ma seule apparence anecdotique et de très loin) d’afficher ma singularité et puis aussi de montrer à tous que justement on peut s’affirmer de façon singulière et côtoyer malgré cela "la société" sans grands dégâts ni pour elle ni pour moi. Je vous laisse réfléchir à ça, assènerait Vaquette dans je ne sais plus lequel de ses (merveilleux) spectacles…"

Alors oui, Nora, mon apparence est un "faux look de faux punk" mais un vrai look de vrai Vaquette, ça tombe bien, c’était mon but. Après, que ma singularité ne vienne pas de nulle part (en l’occurrence du mouvement punk qui a été une "révélation" à 17 ans comme plein de jeunes gens à cet âge) et que j’en ai conscience et l’affirme et l’assume, je trouve que ce diptyque est très signifiant et même sain : savoir d’où on vient, avoir des racines, mais chercher, non pas à les renier, mais à les dépasser, à grandir, à aller voir ailleurs tout en restant fidèle. Ça a donné mon look mais aussi par exemple, musicalement, le premier morceau de mon dernier CD (http://www.crevez-tous.com/mp3/creve_vaquette.html), une façon de dire "je viens du punk" mais aussi "aujourd’hui, on est en 2008 et la musique que j’ai envie d’écouter et de composer se rapproche plus du hip-hop et de l’électro parce que je n’ai pas envie de faire partie de ces gens qui, passés 40 ans, continuent à écouter uniquement les disques qu’ils aimaient à 20 ans", aimer une musique (c’est valable évidemment pour tous les arts et par-delà pour plein d’autres choses, ses idées ou son pays par exemple), ce n’est pas la regarder mourir en l’enfermant dans un bocal mais de la faire vivre et évoluer avec son temps. 

Quant à savoir (ça, c’est pour Caracole mais je vais revenir à Nora très vite) si ça fait de moi "quelqu’un qui n’est jamais naturel, toujours en représentation, en spectacle", bah !, tu crois qu’un cadre qui porte une cravate est lui ou qu’il représente à cet instant la projection de ce qu’il (et de ce que les autres attendent de lui) estime être sa position sociale ? Et c’est évidemment tout aussi vrai pour les rappeurs à casquette ou les profs à barbe en loden ou… On se construit tous en société (je vous renvoie à "la Volupté de l’honneur" de Pirandello) et en cela comme en tout, le début de la libération d’une aliénation psychologique (une addiction par exemple, un enfermement dans une projection, toutes les névroses en général, etc.) passe par la prise de conscience de cette aliénation. Je pense qu’en mettant en scène, en affirmant à moi-même et aux autres de façon aussi ostensible le rôle social dans lequel me fait entrer mon look, c’est une façon de dire à tous, à commencer par moi, "Ouh ! Ouh ! Faites gaffe ! C’est du jeu !" et de risquer moins qu’un cadre à cravate ou qu’un rappeur à casquette de prendre trop au sérieux cette codification sociale ou en tout cas de ne même pas s’en rendre compte. Sur ça comme sur énormément de choses, je jure que je ne prétends certainement pas montrer un chemin universel que chacun devrait suivre, juste, quant à moi, modestement, je crois cette explication a minima recevable.

Je reviens à toi Nora, comme promis, parce que de que tu dis est très intéressant. Quand j’ai découvert adolescent Thiéfaine puis les Bérurier noir, j’ai trouvé ça du plus haut ridicule et je me suis foutu de la gueule (avec une certaine morgue : petit, j’étais encore pire que je ne le suis) respectivement de la copine et du copain qui m’avait fait écouter ça. Et puis, un peu de temps est passé, heureusement pour moi pas trop, et j’ai passé par-dessus mes préjugés et mes certitudes (strictement) réactionnaires et je suis devenu "fan" des deux. À l’opposé, il y a quelques années, j’ai écouté comme "tout le monde" j’imagine un titre de Didier Super et j’ai tout de suite trouvé ça bien. Et puis, en dix minutes, deux heures ou trois mois j’en avais fait le tour parce qu’il n’y a absolument aucune profondeur chez ce monsieur (je ne digresse pas sinon je vais faire 207 pages, mais c’est à mes yeux le problème principal du web : la surexposition qu’il donne à des choses immédiatement compréhensibles (parce qu’on est là pour passer 20 secondes sur un site, pas pour creuser un sujet) et qui plaisent "à tout le monde" parce qu’un buzz, c’est un truc que tout le monde envoie à ses copains qui l’envoient à leur tour sinon la chaîne promotionnelle se brise)).

Il y a longtemps, j’ai écrit dans une chanson "Je ne crois pas (…) que ce qui est facile puisse avoir de la valeur". Ça ne veut pas dire que tout ce qui est difficile est valeureux, juste, quelque chose qui se comprend et nous plaît immédiatement est la plupart du temps très superficiel et qu’à l’inverse, en art comme en toute chose, grandir nécessite des efforts et du temps. Une fois encore, ta réaction épidermique puis ton extrêmement sain et valeureux désir de remettre en cause tes préjugés à mon égard n’est bien sûr pas la preuve que j’ai un talent fou, juste, ce n’est peut-être pas un si mauvais signe que ça, ma façon de rebuter au premier abord la plupart des gens qui veulent se faire une idée de mon travail en dix secondes comme il le ferait pour Didier Super.

Après, je ne vais pas te raconter des conneries en t’expliquant que j’ai construit délibérément une façade horripilante (pour reprendre tes mots) afin que seuls les plus méritants parmi les spectateurs puissent avoir accès à mon ImmensE talent, ce serait ridicule, cela étant, avec le recul, je suis certain que tout ceci ne s’est pas construit par hasard, je veux dire qu’il y a forcément un lien entre l’exigence que je mets dans mon travail, cette conscience que j’ai que ce qui est facile n’a pas de valeur, le fait aussi que les artistes que j’aime sont pratiquement toujours perçus comme difficiles (soit parce qu’ils sont radicaux, soit parce qu’ils sont formellement "intellos", soit les deux ensemble (mes préférés…)) et le fait que mon personnage se soit peu à peu construit en rebutant au premier abord la plupart. Tu me diras sur le long terme, j’en connais pas mal qui ont eu du mal au début et qui aujourd’hui connaissent et apprécient profondément mon travail. On verra…


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