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Commentaire de Joe Chip

sur Le coup de gueule de Benoît Poelvoorde contre la Manif pour tous


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Joe Chip Joe Chip 5 février 2014 12:00

Bon, Poelvoorde, derrière sa bonhomie belge, nous ressert au fond le prêt-à-penser libéral et les arguments thatchériens habituels dont raffolent les médias : "pas d’autre alternative", "adapte-toi et ferme-là", "on peut pas aller contre", "vous ralentissez tout". Les libéraux voient toujours des "boulets" partout, entraînant des "pesanteurs" et ralentissant la marche linéaire du progrès par une opposition perçue, en tant que telle, comme illégitime.

Beaucoup de gens rebondissent sur ses propos pour souligner l’absence de mobilisation sur les sujets sociaux, mais est-ce vraiment ce que dit Poelvoorde ? Moi, j’entends rien sur les fermetures d’usine et la domination du grand capital, excusez-moi... Et pourquoi devrait-il y avoir un impensé par défaut sur les évolutions sociétales ? Comme le démontre bien Michéa, la posture, idéologiquement confortable, qui consiste à dénoncer le libéralisme économique (et qui consiste, pour les gens comme Poelvoorde, à manifester occasionnellement leur empathie à l’égard des chômeurs ou des précaires, ça mange pas de pain...) tout en validant systématiquement le libéralisme de conduite individuelle ("mon corps m’appartient, j’en fais ce que je veux"), conduit inéluctablement à la reconnaissance d’un ordre économique fondé sur le relativisme moral absolu :

"Si le libéralisme se définit d’abord comme le droit pour chacun de « vivre comme il l’entend » et donc « de produire, de vendre et d’acheter tout ce qui est susceptible d’être produit ou vendu » (Friedrich Hayek), il s’ensuit logiquement que chacun doit être entièrement libre de faire ce qu’il veut de son argent (par exemple, de le placer dans un paradis fiscal ou de spéculer sur les produits alimentaires), de son corps (par exemple, de le prostituer, de le voiler intégralement ou d’en louer temporairement l’usage à un couple stérile), ou de son temps (par exemple, de travailler le dimanche)." (Michéa, Marianne, janvier 2014)

Les Belges wallons sont tellement acquis à l’idée que leur avenir - en quelques sorte tout tracé - est intrinsèquement lié à celui des institutions européennes présentes dans leur pays, qu’ils en viennent à tout prendre à la légère (crise financière, crise institutionnelle, séparatisme flamand, réseaux louches, mariage homosexuel, etc.) et à prôner une sorte de jmenfoutisme intégral, teinté de condescendance amusée à l’égard des Français, comme seule attitude possible et même imaginable face à la modernité néolibérale.

Je trouve qu’on qualifie très rapidement de "belgitude" ce qui ressemble parfois à un fatalisme poétisé et charmant, contre lequel je n’ai rien mais qui devient problématique quand il prétend donner des leçons de politique. Y a-t-il encore quelque chose qui mobilise collectivement les Belges ? Facile de ricaner cyniquement en commentant les remous de la société française.

Les Français ont-ils fondamentalement tort de vouloir (encore) s’interroger collectivement sur le sens qu’ils entendent donner à la famille, et de considérer celle-ci comme une "institution" à défendre ? Si c’est le cas, alors le "progrès" sociétal n’est plus que la promotion de l’anomie généralisée.

"Les Belges s’en fichent comme des rois, chez nous y’a plus d’homme, de femme, et rien du tout."

Evidemment, les médias - surtout en période de crise - adorent cet état d’esprit dégagé et pseudo-libertaire qui n’est au fond qu’une variante de cynisme (de gauche).


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