@wendigo
Avant de vous répondre, je
tiens à préciser qu’en ce qui me concerne, c’est l’affaire Dieudonné qui a
structuré ma représentation du principe de liberté d’expression. C’est juste pour
que vous compensiez le cadre dans lequel se situent mes propos. Pour moi, c’est
LE cas d’école. Depuis cette affaire, je suis pour un droit d’expression qui se
limite uniquement à l’incitation à commettre une infraction et à la
calomnie.
-Il y’a d’un coté le
principe et de l’autre les individus. Les
principes transcendent les individus. Cela signifie que quel que soit l’individu,
le principe ne doit pas changer, ils ne doivent pas se modifier en fonction des
individus, ils doivent être impersonnels. Cela signifie également que défendre le principe ne signifie pas
défendre l’individu incriminé.
Je donne un exemple :
la peine de mort. Un activiste peut être par principe contre la peine de mort. Ce
n’est pas parce qu’il est par principe contre la peine de mort qu’il défend un
meurtrier responsable de la mort d’enfants. C’est qu’il considère que quel que
soit le crime commit, aucun individu ne devrait être condamné à mort. On peut
ne pas être d’accord avec lui mais on ne peut pas l’accuser de défendre des
meurtriers ou de soutenir les meurtriers, ce serait complètement idiot.
Pour la liberté d’expression,
c’est pareil. Lorsque des personnes s’opposaient à la censure du spectacle « le
mur », le premier réflexe était de les accuser de défendre Dieudonné et de
partager ses thèses. Et pourtant, nombreux parmi ceux qui étaient contre cette
censure détestaient Dieudonné, beaucoup ont du expliquer inlassablement qu’ils
ne défendaient pas Dieudonné mais un principe général qui dépassait largement le cas d’un individu. Etre
contre la censure d’un spectacle artistique quel qu’il soit au nom de la
liberté d’expression, ce n’est pas défendre l’artiste, c’est défendre un principe général s’appliquant à tous les citoyens.
Pour les pétitions, c’est
la même chose. En ce qui me concerne, j’aurais pu signer la pétition demandant la libération de
Vincent Reynouard ( à l’époque je n’avais pas d’opinion aussi arrêtée sur la
question mais l’affaire Dieudonné est passée par là). Pas parce que je défends Vincent
Reynouard ou que je serais nazi dans mon fort intérieur, j’abhorre de tout mon être
cette idéologie totalitaire faisant de la négation de l’individu une valeur.
Mais je l’aurais signé par attachement au principe de liberté d’expression. Et cela
ne m’aurait pas empêché d’entrer en politique, si j’en avais ressenti le devoir,
bien au contraire, j’en aurais été fier !
Et bien pour cette
pétition que la dame Obono a signé c’est pareil. Elle a dit ne pas cautionner
ce rappeur mais qu’elle a signé cette pétition au nom de la protection des
libertés fondamentales. Il faudrait vérifier la cohérence de ses propos mais c’est
ce qu’elle a dit jusque là. Quand bien même ce rappeur a dit « nique la France »,
on s’en fiche, le principe de liberté d’expression dépasse sa petite personne. Et signer une telle pétition en défense de la
liberté d’expression ne doit pas empêcher quiconque d’entrer en politique, bien
au contraire puisque cette défense est en soi un combat politique.
Sinon sur les mœurs, Rousseau
de son temps avait déjà émit un principe important : « c’est à l’estime publique (comprendre
opinion publique) à mettre la différence entre les méchants et les gens de bien. Le magistrat n’est juge que du droit rigoureux mais le peuple est le juge
des mœurs ».
Ce qu’il voulait dire, c’est
qu’on ne doit pas s’abstenir d’émettre des jugements de valeurs même pour des
comportements légaux. Mais ce n’est pas parce qu’on juge qu’un comportement est
« mauvais » qu’il faut l’interdire. On peut considérer que dire « nique
la France » est mauvais et on a le droit de le clamer. Mais interdire ce comportement,
c’est autre chose.