Joffrin fait partie d’une caste particulière, celle des « éditocrates ».
Au sein cette caste, seul deux individus assument en toute décontraction et
avec cynisme leur fonction sociale : Giesbert et Barbier. Barbier
expliquait doctement que « l’éditorialiste est un tuteur sur lequel le peuple,
comme du lierre rampant, peut s’élever ».
C’est un paradigme qui a été théorisé des décennies auparavant
par Bernays de façon brillante : les communicants sont indispensables à
l’exercice du « gouvernement invisible », qui constitue l’essence de
la »démocratie « . Le terme » démocratie« ici ne signifie
pas le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple évidemment, c’est
un ensemble de principes et de valeurs pseudo-progressistes promues et pilotées
par une minorité « éclairée » qui se donne pour mission d’enrégimenter
les masses afin
de les guider vers la lumière.
On
retrouve en filigrane, dans le discours de certains journalistes qui semblent
s’attribuer le rôle de guide des masses considérées comme un troupeau égaré, la
prétention de délimiter le cadre dans lequel les discussions intelligentes
peuvent avoir lieu ,en marginalisant , voir en interdisant les idées opposées à
celles des « minorités éclairées ». C’est exactement le discours que tient Joffrin
dans la vidéo : la » démocratie
« ne saurait accepter que s’expriment des opinions »
antidémocratiques « !
Avant l’émergence des réseaux sociaux (qui ont
leurs défauts sur lesquels je ne m’étendrai pas ici), il suffisait de
marginaliser ces opinions en ne les diffusant pas ou en les ridiculisant sans
aucun droit de réponse. Avec la multiplication des réseaux de diffusion des
opinions liées à l’émergence d’internet, ces éditocrates , conscient de la
menace à moyen et long terme pesant sur leur fonction sociale, sont devenus des
véritables promoteurs de la censure Étatique et légale des opinions non
conformes aux leurs.
C’est pourquoi, il faut bien comprendre
ceci : quand cette caste édictocratique parle de « liberté d’expression »,
elle parle en réalité de « liberté de la presse » ou pour être plus précis,
de « liberté de la grande presse », la leur. Pour faire simple ils
parlent de leur propre liberté de formater l’opinion et du droit d’en préserver
le monopole. De là, il devient beaucoup plus facile de comprendre comment cela se
fait qu’ils se présentent d’un coté comme les plus grands défenseurs de la
liberté d’expression et que de l’autre coté ils fassent la promotion de la
censure. Il n’y a pas de contradiction, c’est simplement que dans le contenu de
la notion de « liberté d’expression », ils ne mettent pas la même
chose qu’une personne normale.
Cette vidéo illustre très bien ce mode de pensée : ne pas être Charlie
ne relève pas de la liberté d’expression, c’est un peu comme le nazisme, c’est
une opinion » anti –démocratique« qui ne doit pas trouver d’expression
politique à l’assemblée et qui, si besoin est, doit être réprimée légalement.
PS : Le pire, c’est
qu’à l’époque de Bernays, ces minorités « éclairés » avaient un
certain niveau et pouvaient proposer des paradigmes sociaux et politico-philosophiques.
Aujourd’hui, le journalisme politique se limite au journalisme sportif (commentaires
de compétition entre les différents concurrents au cirque électoraliste) et au
journalisme téléréalité (commentaires des clash entre les différentes
personnalités politiciennes, artistiques et médiatiques). Leur principal vecteur d’influence
se limite à l’occupation de l’espace médiatique.