@gaijin
C’est une thèse qui a précédé l’excellent Max Weber mais que
ce dernier a formalisé et popularisé : de par sa tendance à favoriser la
tolérance et la liberté individuelle à l’opposé d’un catholicisme subordonnant la conscience individuelle aux dogmes
ecclésiaux , le protestantisme amène de fait ses fidèles à faire primer leur
interprétation personnelle de la bible ,
induit le pluralisme religieux , la
remise en cause de l’institution ecclésiale et doit être considéré comme le
précurseur de la liberté de conscience , du relativisme contemporain et par
conséquent de l’idéologie libérale. Sur le plan pratique, le dogme de la
prédestination aurait poussé les capitalistes protestants à voir dans les
succès financiers et commerciaux une confirmation de leur salut et constitue
ainsi le soutien le plus ferme du capitalisme triomphant.
Cette interprétation est biaisée par plusieurs éléments et
ce sont les disciples de Weber qui l’ont fait remarquer en nuançant la
thèse de leur maitre :
-Le protestantisme du 17-18 ème siècle n’a que peu à voir
avec le protestantisme du 16 ème siècle et a déjà subit des changements
internes, que ce soit au niveau de son organisation que de celui de ses dogmes.
Pour étudier cette problématique, il convient donc de faire une distinction
entre l’ancien protestantisme et sa forme moderne.
-Loin de prôner la tolérance, la libre interprétation et à
la liberté de conscience, l’ancien protestantisme est marqué par les idéaux du
moyen âge et consacre la supériorité des vérités ecclésiales sur
l’interprétation personnelle de la Bible. La confession protestante adhère à
ses débuts, comme sa rivale romaine, à
l’exclusivité de la vérité. Le dogme du sacerdoce universel selon lequel tous
les croyants sont prêtres vise en réalité à forger le peuple chrétien que
l’Eglise catholique n’est pas parvenue à discipliner , dans les pays calvinistes
l’autorité ecclésiale tente d’accroitre
son contrôle sur l’ensemble des sphères sociales et culturelles , la conception
calviniste de l’Eglise est celle non d’individus libre et autonome mais d’une
armée de saints , d’un peuple organique unit par la même foi à l’image de son
prédécesseur , le peuple d’Israël. Rien n’est plus antilibéral que le
protestantisme ancien et sa vision n’est pas conciliable avec la promotion de
la liberté d’entreprendre et l’esprit du capitalisme, il apparait surtout comme
la consolidation de l’idéal de la culture contraignante de l’Eglise catholique.
Le libéralisme va
naitre lors des grands combats pour l’émancipation qui arriveront à leur terme
au 18 ème siècle et qui mettront fin au moyen âge et c’est la scolastique
tardive ainsi que l’humanisme érasmien qui vont y jouer un rôle prépondérant en
privilégiant le message du christ sur l’établissement des dogmes, annonçant
ainsi la philosophie libérale. C’est
dans ce grand mouvement que va naitre le protestantisme moderne décrit par
Weber et ce protestantisme libéral va prendre le pas sur le protestantisme
ancien.
Le protestantisme n’est donc pas à l’origine du libéralisme,
il s’est en fait adapté au libéralisme. L’avènement du libéralisme a en réalité
rencontré dans le monde protestant les résistances les plus acharnées. Le
libéralisme n’est pas protestant, c’est plutôt le protestantisme qui s’est
libéralisé.