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Commentaire de maQiavel

sur Vladimir Poutine : face à Trump, Kim-Jong Un a gagné haut la main


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maQiavel maQiavel 22 janvier 2018 21:20

La plupart des observateurs se sont attardés sur la dimension psychologique de Donald Trump et de Kim Jong-Un en omettant l’essentiel, à savoir les tactiques déployées de part et d’autres. Car dans le fond, c’est cette dimension là qui est importante dans les surenchères verbales de ces derniers mois et non les considérations rapides et superficielles sur leur prétendue folie.

Kim Jong-Un est déterminé à protéger la Corée du nord et le régime qu’il dirige (si pas réellement, au moins institutionnellement et symboliquement) et est persuadé qu’il ne peut le faire que par le développement de l’armement non conventionnel nord coréen. A l’inverse, l’objectif de Trump (qui fait écho à celui des administrations précédentes) consiste à amener le régime nord coréen à cesser le développement d’armes de destructions massives et des vecteurs balistiques longues portées susceptible de les transporter.

Théoriquement, Trump avait un éventail de choix pour atteindre son objectif mais il a choisi la confrontation, ce qui lui a toujours réussit dans le monde des affaires. C’est le jeu de « la poule mouillée ». Ceux qui ont vu « the Apprentice » se souviendront que c’est le mode de négociation privilégié de Trump : deux conducteurs lancent leurs voitures l’une contre l’autre en accélérant, celui qui se dégonfle et s’écarte est le perdant. Il perd précisément à cause de sa rationalité. Si un individu parvient à convaincre ses concurrents qu’on ne peut le raisonner, il gagne. Le gagnant l’emporte parce qu’il a su faire croire qu’il est complètement aveugle au danger et donc irrationnel. Ironiquement, l’irrationalité devient un stratagème rationnel. C’est une méthode de négociation propre au milieu d’affaire newyorkais persuadé qu’ il convient d’avancer des assertions de nature à déstabiliser la partie adverse en instillant en elle le doute et la peur afin de pouvoir remporter la mise. En affaire, Trump s’est toujours montré impulsif, erratique, belliqueux, revanchard, capricieux, peut être s’agit-il de manifestations réelles de son tempérament narcissique mais peu importe, ses postures, ses messages menaçants sont l’expression d’un calcul rationnel. Trump applique au domaine de la politique des principes dont il a pu éprouver l’efficacité dans les transactions financières, c’est un mode de communication qu’il maitrise parfaitement. C’est ce qui explique son ton acerbe et sa brutalité grossière et assumée envers Kim Jong-Un, il s’agissait de faire plier le régime coréen par la terreur verbale et les déplacements de troupes, il s’agissait de le faire renoncer aux armes nucléaires et engager des négociations en position de force. 

Seulement , le monde du business est très différent du monde politique , ce n’est pas la même chose de menacer un rival de l’accabler de milliers de poursuites judiciaires contre lequel il devra se défendre à un cout ruineux qui le conduira à la banqueroute à menacer un dirigeant politique d’une nation de 25 millions d’âmes du feu de la colère nucléaire. Au contraire, ces fanfaronnades et menaces étaient complètement contre productives : non seulement le régime nord coréen ne s’est pas dégonflé mais en plus cette rhétorique guerrière à laquelle il a répondu avec la même agressivité (d’où la surenchère permanente dans les communiqués) l’a convaincu de la nécessité absolue d’accélérer son programme de développement d’armement non conventionnel en vertu du principe d’équilibre de la terreur. Trump n’a pas compris que dans le jeu de la poule mouillé appliqué à la dissuasion nucléaire, l’acteur rationnel ne s’écarte pas, au contraire il accélère, il serait complètement irrationnel pour une puissance moyenne de renoncer à se doter de capacités nucléaires stratégiques alors qu’elle est sous la menace d’une grande puissance, puisque l’arme nucléaire a précisément pour fonction d’égaliser les règles du jeu, Kim Jong-Un  n’est pas un crétin. Les messages enflammés de Trump n’ont fait que souder les nord- coréens derrière leur gouvernement et stimuler leur fièvre guerrière.  Pire, ils ont effrayés les sud coréens qui se sont vus obligé de tendre la main au nord pour ne pas finir en victime d’un dérapage. Opportunité sur laquelle le nord a sauté pour tenir les Etats unis à l’écart de futures négociation avec le sud. La rhétorique de Pyongyang a complètement changé, Séoul n’est plus traité de pantins aux ordres des yankees et est exhorté à régler les différents entre coréens et de l’autre coté la politique de Séoul diverge de celle de Washington.

Trump conservera certainement le mode de fonctionnement qui lui a tant réussit en tant que chef d’entreprise mais dans un contexte politique, ça s’avérera une faiblesse. Le match est loin d’être terminé mais sans même parler des progrès technologiques nord coréens qui ont ébahit les communautés du renseignement, Kim Jong-Un a remporté ce round haut la main, il a réussit à créer un désaccord entre la Corée du sud et les Etats unis et à engager des négociations à ses propres conditions. Etre qualifié de dirigeant réaliste et perspicace par Poutine, ce n’est pas rien. 


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