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Commentaire de Qirotatif

sur L'islam, l'histoire cachée - Un documentaire de Tom Holland sous-titré en français par Olaf


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Qirotatif Qirotatif 1er septembre 2018 12:59

Pour revenir sur 2,3 choses : 

La technique du C14 utilisée pour les fragments du fameux exemplaire de Birmingham ainsi que l’estimation basse (568) incohérente avec la narration de la tradition (naissance présumée en 570, début de la pseudo-révélation 610) ainsi que le fait que ce qui est daté c’est le papier et non l’encre sont autant d’éléments qui font que cette découverte récente a été largement remise en question quant à sa datation. Du reste, personne ne conteste l’existence de fragments de coran anciens remontant à la fin du 7ième. Et si nous pouvons établir un semblant de chronologie avec la prudence que cela impose, ce n’est certainement pas grâce à la "tradition" mais bien aux nombreuses disciplines respectant toutes la méthode scientifique.

La différence entre une recherche sérieuse et la croyance est que la première évolue et s’affine sans cesse à la lumière des découvertes et des études tandis que la seconde est figée dans ses certitudes qui, remises en question provoquent invariablement le déni quand ce n’est pas toute la gamme des expressions d’une hostilité hélas coutumière. 

Quant aux bio, il n’y a aucune trace des originaux ou même des copies de celle d’ibn Ishaq, ce qui pose de nombreuses questions s’agissant de documents d’une si grande importance même si ce n’est évidemment pas un fait unique dans l’histoire. Faute d’éléments probants, on doit considérer ce que l’on a, à avoir une bio écrite 200 ans plus tard, croiser avec les chroniqueurs de l’époque en gardant à l’esprit qu’ils renseignent davantage sur le contexte politique de leur propre époque que sur celle de la supposée révélation et également tenir compte des écrits de tous les autres peuples qui eux, avaient une tradition d’écriture bien plus élaborée (lire le chroniqueur syriaque Thomas le Presbytre ou plus tard Théophane, etc.). Il n’en demeure pas moins que lhistoire des scribes successifs ayant vécu à l’époque du prophète des musulmans est absolument passionnante, de même que l’histoire de l’écriture arabe et son évolution... autant d’études qui ne relèvent pas de la tradi islamique. 

La bio d’ibn Ishaq a été commandée par Al Mansur pour son fils al-Mahdi, soit une stricte commande d’un pouvoir politique donc et dont les recensions remaniées et contradictoires ne constituent en rien une source histo fiable. L’expression employée alors était une forme relevant du registre littéraire. John VVansbrough a démontré que les tradi biographiques de l’islam ont été composées et recomposées dans la perspective de ce qu’il nomme une "histoire du salut", à savoir le reflet de la pensée de clercs voulant à tout prix présenter une figure du prétendu "envoyé" et la destinée singulière de la communauté qu’il fonda : il y dénote l’évidente concurrence - avec les juifs et chrétiens entre autres - et confrontation d’alors avec une farouche et manifeste volonté d’historiser - évidemment de manière apologétique - des séquences purement allusives du coran.

C’est une digression mais je copie/colle un post que j’avais écrit à propos de la conf de Branine (patron d’Oumma.fr) et Boukrouh, parce que même si l’on s’éloigne du sujet, il est révélateur des limites des pseudo-réformateurs ("pseudo" car en réalité, de religion, il n’est bien moins question que de sociétés en échec) et de leur incapacité à considérer ce qui contrevient à leurs dogmes : "il est brièvement question d’un auteur, Henri Lammens, dont la lecture est à recommander. Boukrouh fait la réponse classique sous la forme tristement banale du discrédit malhonnêtement jeté de manière posthume au travail remarquable de cet érudit. Sa complainte est d’une hilarité insoupçonnée (un comique qui s’ignore) : "il a été très violent avec l’islam"... S’il est vrai que ce dernier n’a jamais souhaité réformer ce qui n’était de toute façon pas sa foi, en vérité, le crime absolu de Lammens est surtout d’avoir été l’un des premiers à avoir une approche qui terrifie les muz (et pour cause... leur tradition n’y résiste pas) : la méthode historique. Son travail d’explication sur la sira qu’il qualifie non sans ironie de "chef d’oeuvre d’ingéniosité" (il était taquin le riton...) est un salutaire pilonnage en règle des innombrables incohérences historiques jalonnant les biographies de momo et Fatima : il y dresse notamment une série de contradictions flagrantes s’agissant des filles de momo (les considérations sur l’aînesse tenant, comme toujours, bien plus aux motivations bassement ploutocratique de l’époque qu’à un travail rigoureux de généalogie), une critique radicale de justesse concernant l’isnad (la chaîne de transmission qui garantirait la véracité des propos rapportés), les hadiths eux-mêmes qualifiés de "pseudo-érudition"... (...)"


La tradition évacuée* de la recherche (du moins pour le sujet qui nous importe ici), l’exégèse critique du coran à elle-seule révèle d’innombrables contradictions, remaniements et erreurs (chronologiques notamment) que la recherche multi-disciplinaire (archéo, numismatique, linguistique, etc.) n’a fait que confirmer ces dernières décennies. Les personnes qui ont écrit et réécrit ce texte témoignent eux-mêmes qu’ils ne maitrisaient les traditions précédentes dont ils se réclamaient et qu’ils s’approprièrent, qu’à l’aune de ce que d’autres infiniment plus instruits ont bien voulu leur transmettre. La thèse de Gallez peut se discuter et elle n’est pas la seule mais elle présente de nombreux points intéressants en la matière.

En synthèse, ce doc de vulgarisation ne fait que relever une infime partie de ces incohérences à la lumière de la recherche actuelle et en quoi ses résultats nous donnent une toute autre vision des débuts de l’islam tels que relatés par ses adeptes.  

Quant aux habituelles et hors de propos comparaisons lues ici, l’énorme différence entre l’islam et les autres religions citées, c’est que dans toutes les autres, les textes sont réputés être oeuvres humaines. Il n’y a aucun soucis à dire par ex. que l’AT reprend de nombreux mythes sumériens, assyriens, babyloniens et autres puisque c’est un fait vérifiable. Mis à part quelques excités du bulbe (profil que l’on retrouve dans toutes les sectes au sens premier), nous pouvons produire des critiques de tous ces textes sans aucun soucis d’être harcelés par des ayatollahs tantôt pleurnichards (comme cet islamiste à la petite semaine qui s’exprime plus haut) tantôt menaçants.


*De Prémare l’explique fort bien s’agissant des compilateurs : "Plusieurs traditions fournissent la liste des noms de ceux qui, du temps de Muhammad, "collectèrent le coran".(...). Parfois des noms peu connus surgissent à ce propos de façon incidente et remettent totalement en cause les supputations ordinairement présentées pourtant comme ayant fait l’objet d’un consensus au moins relatif". Il revient également sur le matériel disponible pour l’historien, avant, pendant et après la naissance de l’islam. Par exemple durant plusieurs décennies (début 20e) les origines supposées du nabatéen attribué à tort à un proto-arabe fortement aramaïsé est un bel exemple d’évolution de la science bien comprise. C’est bien l’approfondissement des études de vestiges, les recoupements, les échanges entre linguistes, historiens, archéologues, etc. qui ont fait progressé ce savoir et en aucun cas des "savants" en islam. Les indéniables progrès de la recherche de la 2ième partie du 20ième ne font qu’éloigner encore plus les hypothèses relatives aux tout débuts de l’islam tel que le narratif islamique s’évertue à le seriner comme pour se convaincre soi-même. 
De fait, il est pour ainsi dire impossible de se fier aux sources islamiques tardives qui n’ont de "science" que le nom. Au plus l’intérêt de la tradition réside dans le fait qu’elle apporte de précieux renseignements sur des époques postérieures de plusieurs siècles, mais c’est un tout autre sujet.

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